©Twitter / Edouard Philippe
Édouard Philippe est de retour à Paris au terme d’une longue visite en Nouvelle-Calédonie. Avec un exécutif de nouveau opérationnel, les responsables politiques de tous bords, à Nouméa, en brousse et dans les îles, sur les mines, avec les coutumiers, il y a abordé tous les aspects du dossier calédonien. Les plus immédiats et, plus sensibles encore, tous les autres. Avec une conviction: la consultation sur l’avenir institutionnel de la Calédonie répondra à des règles assez claires pour que nul ne puisse douter de sa sincérité. C’est un pays qu’il faut construire. Il s’y prépare depuis 30 ans.
Eh bien voilà, les choses sont claires maintenant.
Autant, pendant le vol retour du dernier comité de suivi, le consensus sur le corps électoral avait eu le temps de se déliter au point de faire douter de la réalité de l’accord, autant personne ne pourra cette fois se prévaloir d’un malentendu. Le premier Ministre a de nouveau mouillé la chemise, passant de son ordi de Matignon où il couchait la dernière mouture du corps électoral au grand oral de terrain dont on doutait un moment qu’il fût amateur. Il est venu, il a vu et s’il n’a pas encore vaincu, il aura apparemment convaincu les calédoniens de la ville et de la brousse. Au pays du doute, ce n’est pas rien.
Il y a du Rocard dans la méthode. Édouard Philippe s’en honore quand il répète l’antienne de son prédécesseur: la discorde, ça fatigue et c’est inopérant. Et puis la Calédonie est un dossier trop emblématique pour laisser la première grosse épreuve ultramarine du quinquennat partir en dérapage incontrôlé. Accessoirement, le premier Ministre aura même enfoncé la prudente équidistance que Manuel Valls affichait comme une doctrine d’Etat. Le partenaire est redevenu acteur. A chacun de juger. Mais puisque cette fois, rappeler la règle du jeu relevait de l’urgence, il fallait bien que quelqu’un redistribue les cartes et s’assure qu’aucune n’était biseautée.
Maintenant, la feuille de route est claire pour chacun.
Aux leaders politiques de bouger les curseurs de convictions certes respectables, mais qui troublaient une opinion par définition inquiète de sortir de la zone de confort relatif où elle est installée depuis bientôt 30 ans. Aux uns d’abandonner des aménagements de l’histoire auxquels le temps n’a finalement rien apporté, même aux adeptes de grands palabres. Aux autres de se résoudre au triomphe modeste quand se confirme l’aspect binaire de la question posée en 2018: c’est juste ce qui était prévu dans l’Accord constitutionnalisé. Aux derniers de moduler, au nom de la réal-politique, des mots d’ordre que même les pères fondateurs n’ont jamais conçus comme des dogmes figés. Et aux Calédoniens de jouer le jeu : les maîtres des horloges, cette fois, ce sont eux. Et le jour d’après, tout sera à construire. Y compris un nouvel esprit.
Précédant de quelques semaines un président mandaté pour casser au galop les codes de la République, son premier Ministre se coltine sans déplaisir apparent les subtilités du débat calédonien. Pas simple, quand on est taillé pour le rodéo, de marcher au pas paisible de ce cheval normand à large encolure qu’on dit fait pour déplacer les montagnes.
Benoît Saudeau, Outremers360