Assemblée nationale : Vers une commission d’enquête sur la protection du littoral et la règle des 50 pas géométriques ?

Assemblée nationale : Vers une commission d’enquête sur la protection du littoral et la règle des 50 pas géométriques ?

©Agnès Camagnoni / Pinterest

En plus d’une résolution sur la création d’une commission d’enquête sur l’eau en Outre-mer, le député réunionnais Jean-Hugues Ratenon (LFI) a également déposé une résolution demandant une commission d’enquête « relative à la protection du littoral des  territoires insulaires et ultramarins français ». 

Cette résolution a été signée par l’ensemble des députés LFI mais aussi par Moetai Brotherson, Maina Sage, Nathalie Bassire, Mansour Kamardine et David Lorion. « Le 16 mars 2018, le Tribunal administratif de La Réunion mettait fin à un conflit qui dure depuis de nombreuses années, en rendant 5 ordonnances suspendant les Autorisations d’Occupation Temporaire (AOT) accordées à des établissements de restauration (paillotes, ndlr) installés sur une plage de l’île particulièrement fréquentée », indique la résolution en préambule. « Dans ces ordonnances, le Juge des référés a ordonné, au nom de la République, au préfet de La Réunion l’exécution des décisions prises (notamment la suspension des AOT) par le Tribunal ».

Les paillotes de Roches Noires à La Réunion ©Clicanoo

Les paillotes de Roches Noires à La Réunion, démantelées depuis 2018 ©Clicanoo

« Cette affaire révèle une problématique plus profonde : en effet, avant que lesdits établissements bénéficient d’AOT en 2017, ils ont occupé le Domaine Public Maritime (DPM) sans autorisation pendant dix ans (comme le relève le Tribunal administratif dans ses ordonnances). Ainsi, l’usage privé et lucratif sur les littoraux insulaires et ultramarins posent question », peut-on encore lire sur la résolution. En toile de fond, c’est notamment la règle des « 50 pas géométriques », instaurée au 17ème siècle et qui « se substitue désormais à la “bande des cent mètres” prise en compte sur le territoire métropolitain au travers de la Loi Littoral », qui devrait faire l’objet d’un examen approfondi par cette probable future commission.

« Cette zone, assimilée au Domaine Public Maritime, est imprescriptible et inaliénable depuis 1790. En effet, les 22 novembre et 1er décembre 1790, la Convention Nationale intègre la zone des 50 pas géométriques dans “les domaines nationaux” et déclare que « les droits qui en dépendent sont et demeurent inaliénables sans le consentement et le concours de la Nation » », rappelle la résolution. Au fil des années, des adaptations législatives ont progressivement fait évoluer le statut de cette zone des cinquante pas géométriques.

« Gestion multiple » et « flou administratif » en Guyane

Pour rappel, l’article L. 5111-2 du code général de la propriété des personnes publiques définit la zone des cinquante pas géométriques ainsi : « La réserve domaniale dite des cinquante pas géométriques est constituée par une bande de terrain délimitée dans les départements de La Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique. Elle présente dans le département de la Guyane une largeur de 81,20 mètres comptée à partir de la limite du rivage de la mer tel qui a été délimité en application de la législation et de la réglementation à la date de délimitation ».

En Guyane, la « nature variée du territoire » a eu pour résultat une « gestion multiple », « parfois facteur de flou administratif » et qui « peut laisser la place à des situations d’occupation illégale ». En Polynésie française, cette règle des 50 pas n’est pas appliquée, précise également Radio 1 Tahiti, privant ainsi les usagers d’un accès publique au littoral, puisque la grande majorité de ces zones sont habitées. Cette situation est préjudiciable tant pour l’État, les usagers et pour la protection de l’environnement, argumente la résolution. Le code de l’environnement dispose notamment que : « L’accès des piétons aux plages est libre sauf si des motifs justifiés par des raisons de sécurité, de défense nationale ou de protection de l’environnement nécessitent des dispositions particulières ».

Une plage en Guyane ©Clément Pascale

Une plage en Guyane ©Clément Pascale

« À l’heure de l’augmentation de la récurrence et de la force des événements climatiques extrêmes et de l’augmentation du niveau des océans, il serait opportun de pouvoir cartographier de façon exhaustive et d’évaluer la protection des littoraux insulaires et ultramarins. C’est l’objet de cette proposition de résolution », conclut-on. Cette commission d’enquête veut notamment « identifier les zones soumises aux règles de protection dite des « cinquante pas géométriques » ; identifier les zones qui devraient être soumises à cette protection sur la zone des cinquante pas géométriques si celle-ci était fixée sur le trait de côte ; évaluer le respect des dispositions relatives à la protection de ladite zone ; faire l’inventaire des cessions de terrains situés dans la zone ; évaluer les conditions d’attribution et de respect des dérogations accordées pour occuper ce domaine public maritime » et « évaluer l’impact social, environnemental et économique desdites dérogations ».

La commission permanente de l’Assemblée nationale doit maintenant accéder, ou pas, à cette demande de création d’une commission d’enquête. Si elle refuse, c’est la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire qui étudiera le sujet.