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Dernier épisode de notre tour d’horizon des trois Provinces. Après les présidents des provinces Sud et îles Loyauté, Paul Néaoutyine, président de la Province Nord, dresse un bilan plutôt positif de 2019. Il appelle l’ensemble des communautés à se lever pour un Oui majoritaire le 6 septembre prochain, date du deuxième référendum d’autodétermination.
Outremers360 : Quel bilan dressez-vous de l’année 2019 ?
Paul Néaoutyine : Les élections provinciales de mai 2019 ont à la fois consacré et redistribué la donne politique du pays. La liste Union Nationale pour l’Indépendance (UNI, ndlr) que j’ai conduite en province Nord l’a emporté en gagnant un siège supplémentaire. Aux îles, le Parti de Libération Kanak (Palika, ndlr) a gagné deux sièges, l’Union Calédonienne restant cependant majoritaire.
C’est en province Sud que les cartes ont été rebattues, d’une part avec la victoire de l’Avenir en Confiance et l’effondrement corrélé de Calédonie Ensemble et, d’autre part avec l’irruption de l’Éveil Océanien qui marque la volonté de la communauté Uvéa ma Futuna de se dégager de l’instrumentalisation politique de la droite coloniale depuis des décennies.
Ce bilan est plutôt positif dans la mesure où il reflète la progression des forces indépendantistes à l’échelle du pays notamment grâce aux scores en hausse de l’UNI au Nord et du Palika aux îles. À l’échelle de la province Nord, c’est aussi une satisfaction de constater que la population a maintenu pour la cinquième fois consécutive sa confiance dans les politiques publiques que l’UNI met en œuvre. Nous avons un bilan qui a été jugé positif par les électeurs même s’il reste encore beaucoup à faire.
Quelles sont les perspectives pour l’année 2020 ?
En province Nord, l’enjeu reste la poursuite du rééquilibrage. Nous nous attachons à satisfaire les besoins de nos populations en nous appuyant sur les trois piliers du développement durable : le développement économique, l’environnement et le social. Nous continuerons à défendre et à mettre en œuvre notre doctrine nickel qui vise à la maîtrise de nos ressources minières et à leur valorisation dans les unités métallurgiques où l’intérêt public est majoritaire. Nous poursuivrons dans le sens de la diversification économique, de l’accompagnement du développement sur terre coutumière et du développement de projets structurants avec, au centre de nos préoccupations, l’environnement et la jeunesse.
Le 6 septembre prochain se tiendra le prochain référendum sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à l’indépendance et à la pleine souveraineté. Ceux qui nous donnaient perdants hier avec seulement 30% des voix, disent aujourd’hui que le résultat en 2020 sera sensiblement le même : 43,3% pour le Oui et 56,7 % pour le Non. Ils se sont déjà trompés une fois, pourquoi pas deux ?
Nous restons confiants dans la possibilité de victoire du Oui car nous portons un projet de société plus fraternel, plus juste socialement, plus jeune, plus déterminé à défendre notre environnement, notre souveraineté, dans une démarche multiculturelle.
Quel est le budget alloué pour 2020 ?
Le budget 2020 de la Province nord s’élève à 10,7 milliards en investissement et 26,2 milliards en fonctionnement. C’est un budget en baisse, fortement contraint. La baisse des dotations de la Nouvelle-Calédonie impacte fortement le budget des Provinces et, à l’instar des autres collectivités, nous devons maîtriser nos dépenses de fonctionnement afin de dégager de l’épargne brute et préserver notre capacité à investir.
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Des programmes importants sont à mettre en œuvre : le barrage de Pwëbuu (Pouembout), l’installation de stockage des déchets (ISD) de la plaine des gaïacs, parmi d’autres. L’activité économique générale du pays, sans être catastrophique comme certains se plaisent à la dépeindre, tourne au ralenti, les recettes fiscales sont à la baisse.
Je pense qu’une réforme fiscale de grande ampleur touchant aux niches fiscales et aux privilèges coloniaux permettrait de dégager des recettes nouvelles et de mieux relancer l’économie. Mais la Province nord n’a pas la main sur la fiscalité qui est une compétence de la Nouvelle-Calédonie.
Comment l’Union Nationale pour l’Indépendance se prépare-t-elle au référendum d’autodétermination prévu en septembre 2020 ?
Nous sommes porteurs d’une autre politique économique, sociale et environnementale, ces trois aspects étant liés fortement les uns aux autres. Nous sommes convaincus que l’accession à l’indépendance et à la pleine souveraineté va libérer les forces productives du pays. La maîtrise de nos ressources minières et biogénétiques, leur valorisation au profit du pays, le soutien au tissu productif local, à la recherche, à l’innovation, à l’économie verte et bleue, au numérique, une réforme fiscale progressiste, une redistribution plus équitable de la richesse, sont les leviers que nous pourrons alors activer pour le bien du pays et de nos populations.
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Nous militons pour une indépendance en partenariat avec la France et avec d’autres pays notamment de notre environnement régional. Le partenariat est une question de bon sens, c’est en d’autres termes ce que Jean-Marie Tjibaou appelait gérer ses interdépendances. C’est aussi une façon de dire clairement à nos concitoyens que l’indépendance ne signifie pas la rupture de tous les liens que l’histoire de notre pays a établi avec la France mais qu’il s’agit de nouer avec la France des liens d’une autre nature, d’égalité, de pays souverain à pays souverain.
Toute notre politique en province Nord vise à conforter notre souveraineté sur tous les plans dans une démarche d’ouverture à tous les citoyens quelles que soient leurs origines. L’indépendance que nous voulons n’est pas réservée qu’aux Kanak, elle est ouverte à tous et c’est ensemble que nous devons la gagner et la construire.
Propos recueillis par Amélie Rigollet