[Expertise]Les risques naturels majeurs dans la Caraïbe : entre contraintes et opportunités par Pascal Saffache

[Expertise]Les risques naturels majeurs dans la Caraïbe : entre contraintes et opportunités par Pascal Saffache

Les territoires insulaires caribéens sont directement concernés par les risques naturels majeurs : ouragans, éruptions volcaniques, séismes, glissements de terrains, inondations, érosion côtière, variations eustatiques, risques kérauniques…font désormais partie du vocabulaire quotidien des populations locales, mais surtout des aménageurs, qui doivent répartir au mieux les activités sur les territoires, pour pallier la vulnérabilité ambiante.

Quelle que soit leur récurrence, ces aléas ont la particularité d’être des événements toujours vécus collectivement, mais dont les incidences individuelles sont souvent dramatiques. L’examen des récits anciens et des mécanismes de fonctionnement de ces aléas (Marc et al.,2008), devraient nous éclairer sur notre vulnérabilité, et mettre en lumière l’écart qui nous sépare de la résilience, c’est-à-dire des politiques et comportements susceptibles de sauver des vies.

Au cours des quatre derniers siècles, les Antilles françaises ont été affectées par 110 ouragans (Saffache et al., 2002 ; Saffache et al., 2003-1) : 52 passèrent sur ou à proximité de la Martinique et 58 sur l’archipel guadeloupéen. Les plus terribles – par leur puissance et les dégâts engendrés – furent pour la Martinique ceux du 11 octobre 1780 (9000 morts), du 18 août 1891 (700 morts), du 25 septembre 1963 (10 morts et 50 blessés), du 20 août 1970 (44 morts et 23 blessés) et du 29 août 1979 (30 blessés, 4000 sans abris).
Pour la Guadeloupe, ce furent les cyclones du 11 septembre 1740, du 26 juillet 1825, du 6 septembre 1865, du 12 septembre 1928 (2000 morts) et du 13 septembre 1989 (7 morts).

Si le risque cyclonique fait désormais partie de la vie quotidienne des populations antillaises, il n’en demeure pas moins que l’activité volcanique a marqué définitivement les mémoires (Montagne Pelée, Soufrière Hills, Soufrière de Guadeloupe, Nevado del Ruiz, etc.). En raison des moyens mis en œuvre aujourd’hui pour surveiller ces aléas (cycloniques et volcaniques), ces derniers sont considérés comme « maîtrisés ».
Certains aléas jouissent cependant d’une maîtrise toute relative, car au cours des trois derniers siècles, les Antilles ont été frappées à plusieurs reprises par des télé-tsunamis (le 1 er novembre 1755, le 30 novembre 1823, le 30 novembre 1824, le 26 juillet 1837, le 18 novembre 1867…), cependant, tous n’ont pas été recensés, car la mémoire collective n’a pas joué et certaines surcotes marines ne furent jamais identifiées, faute de connaissances (Saffache et al., 2003-2). Il en est de même pour les séismes dont seuls les plus meurtriers (11 janvier 1839 et 8 février 1843) ont été décrits avec finesse.
Certains observateurs pourraient se contenter de ces informations, déjà fort utiles pour aménager durablement les territoires et sauvegarder les populations, et estimer qu’un pas décisif a été franchi, dans la mesure où nous sommes désormais capables de pallier les effets les plus néfastes de ces mécanismes.

Mais, en réalité, il est possible d’aller plus loin ; pourquoi n’appréhender ces aléas que comme des facteurs de vulnérabilité ? Pourquoi ne pas les entrevoir comme des opportunités?
S’il est vrai que tous ces phénomènes naturels sèment la désolation, les méthodes et autres techniques qu’il nous faut inventer, imaginer, extraire de nous-même, pour en pallier les effets, sont autant d’opportunités qui pourraient ensuite être valorisées et permettre la création d’emplois, voire l’émergence de véritables secteurs d’activités.
En Jamaïque, par exemple, pour lutter contre les glissements de terrains, l’ex Conseil Général de la Martinique (actuellement CTM), en lien avec des partenaires locaux, a mis au point des murs de soutènement réalisés à partir de pneus usagers. Pourquoi ne pas breveter cette solution et l’exporter dans des régions dépourvues de matériaux onéreux, comme le sable, les graviers, ou encore le ciment?

La conférence donnée par Pascal Saffache – lors du Supply Chain Event en Martinique les 2 et 3 mai- sera donc une approche synoptique du risque, tout autant qu’un plaidoyer en faveur de la résilience des populations antillaises, mais ce sera aussi l’occasion d’appréhender les opportunités que nous offre l’environnement géographique.

Pr. Pascal SAFFACHE, Professeur des Universités, Université des Antilles