[Tribune- Les Alyzées] Favoriser l’accès des ultramarins à la fonction publique et leur retour dans leur département d’origine et fluidifier le passage entre fonctions publiques

[Tribune- Les Alyzées] Favoriser l’accès des ultramarins à la fonction publique et leur retour dans leur département d’origine et fluidifier le passage entre fonctions publiques

A la mi-septembre, le député de Guadeloupe a présenté au Premier Ministre un rapport sur l’attractivité de la fonction publique en Outre-mer. Dans la continuité, pour favoriser le retour au pays des agents publics ultramarins, le think-tank Les Alyzées formule dans cette tribune trois nouvelles propositions sur ce sujet.

L’amélioration de l’emploi dans les outre-mer passe d’abord par la création d’emplois dans les entreprises et notamment les TPE. Elle passe aussi par une nouvelle façon d’aborder la question de l’emploi public dans les outre-mer.
Remarquons tout d’abord que tous les agents publics d’origine ultramarine, comme d’ailleurs tous les salariés du secteur privé d’origine ultra-marine, ne souhaitent pas nécessairement un emploi dans leur territoire d’origine et tracent leur carrière dans l’hexagone, à l’étranger, dans leur bassin géographique, voire dans d’autres territoires d’outre-mer.

Pour ceux qui souhaitent faire carrière dans le secteur public – mais aucun chiffre n’est disponible – il est nécessaire de dégager des pistes pour répondre plus favorablement à cette demande tout-à-fait légitime, notamment quand le centre des intérêts matériels et moraux des agents 1 reste encore fixé dans ce département. Après les débats de la loi EROM, un récent rapport du député Olivier Serva formule 20 recommandations pour améliorer la mobilité et les carrières des fonctionnaires outre-mer. En complément, voici trois propositions pour contribuer à une nouvelle approche de l’emploi public outre-mer.

© INSEE, Fipeco

© INSEE, Fipeco

1) Une proposition pour accroître le nombre d’emplois vacants disponibles dans la fonction publique d’Etat

On peut toujours améliorer le déroulement de carrière des fonctionnaires ultramarins en vue de leur retour outre-mer, encore faut-il qu’il y ait des postes vacants pour les accueillir tant dans les administrations que dans les structures et services publics. La diminution de l’emploi public annoncée pendant le quinquennat se produira dans les outre-mer comme dans l’hexagone sauf exceptions (sécurité, justice, professeurs des écoles suite au dédoublement des classes de CP et CM1 en zones REP et REP+ …). En l’absence de création de postes supplémentaires dans les administrations d’Etat et services publics, il faut donc un turn over suffisant pour dégager régulièrement des postes vacants à offrir aux mouvements de mutations, notamment pour les ultramarins.

Or, dans les services administratifs de l’Etat, à l’exception des postes d’encadrement supérieur, les emplois d’agents C, B et A (pour partie) sont pourvus sans limitation de durée dans les départements et régions d’outre-mer. Il en est de même d’un grand nombre de postes de magistrats. En l’absence de départs autres que les retraites, dans ce contexte de restriction de l’emploi public, il n’y a que très peu d’emplois vacants.
A titre de comparaison, les mêmes emplois sont pourvus pour seulement deux ans, renouvelables une fois, dans les collectivités d’outre-mer. Pourquoi ne pas appliquer cette règle dans les départements et régions d’outre-mer et y affecter les fonctionnaires pour une durée limitée à deux ans, renouvelable une fois, de manière à accroître le nombre de vacances de postes ?

2) Une proposition pour développer les recrutements locaux de fonctionnaires de catégorie C et B dans la fonction publique d’Etat

Il y a quelques années, un recrutement local (sans concours) 2 a eu lieu dans une collectivité d’outre-mer pour pourvoir 20 emplois de catégorie C d’une administration de réseau.
Une centaine de candidats a été auditionnée par un jury constitué localement et présidé par un haut fonctionnaire. Certes, parmi les 24 candidats retenus (avec la liste complémentaire), la moitié était titulaire d’un diplôme de niveau Bac +3 ou plus, loin du niveau BEPC exigé par les textes, mais cette situation – largement comparable à celle de l’hexagone – a permis la sélection de candidats motivés et susceptibles d’un parcours professionnel intéressant pour leur collectivité.
En 4 ou 5 ans, 8 d’entre eux, soit le quart de l’effectif, ont réussi le concours (externe ou interne) d’accès à la catégorie B. Ils ont accepté, contrairement à beaucoup d’idées reçues, de faire un stage (désindexé) de 6 mois dans l’hexagone.
La mise en place systématique de recrutements locaux (sans concours pour la catégorie C et avec concours pour la catégorie B) permettrait d’offrir un débouché à des candidats ultra-marins formés souhaitant faire une carrière publique.

© INSEE, Fipeco

© INSEE, Fipeco

3) Une proposition d’assouplissement des règles de détachement

Dans l’exemple ci-dessus, une difficulté est apparue quand les agents ont souhaité revenir dans leur collectivité d’origine à l’issue de leur stage. Il n’y avait en effet pas suffisamment d’emplois vacants de catégorie B pour les accueillir.
Pourquoi, dans ces conditions, ne pas promouvoir le détachement de ces agents bien formés et qui ont manifesté leur capacité d’adaptation et de progression, dans d’autres services de l’Etat ou dans la fonction publique territoriale locale pour contribuer à l’amélioration des services de la collectivité territoriale 3 et de ses établissements publics ?
Pour cela, il est nécessaire d’aménager des passerelles entre les trois fonctions publiques. A cet effet, il faudrait assouplir les règles de détachement, actuellement très contraignantes, et ajouter aux trois cas de détachement de droit 4 un quatrième, le passage d’une fonction publique à l’autre. Cet assouplissement pourrait faire l’objet d’une expérimentation avec un détachement de droit au sein d’un même territoire ultramarin de fonctionnaires de l’Etat sur des postes vacants dans d’autres services de l’Etat, dans la fonction publique territoriale ou hospitalière.
En outre, s’agissant de la fonction publique d’Etat, on pourrait envisager la constitution de « viviers » de hauts potentiels, et notamment, parmi eux, de candidats à un emploi outre-mer dont le CIMM aurait été préalablement déclaré et vérifié.

Ainsi, une politique RH plus innovante (augmentation du turn over et du nombre d’emplois vacants, systématisation des recrutements locaux de fonctionnaires d’Etat de catégories C et B, assouplissement des règles de détachement entre fonctions publiques) pourrait faciliter l’affectation outre-mer de nouveaux fonctionnaires, notamment ultramarins.