C’est en tout les cas l’hypothèse touristique de la semaine émise par Paris Match, dans son édition papier du 31 décembre. Le tourisme en berne dans les pays musulmans, touchés par les Printemps arabes et les crises politiques qui s’en suivent, aurait une répercussion positive dans les Outre-mer. Mais au cas par cas, cette hypothèse paraît moins sûre.
« Aujourd’hui, la stabilité et la sécurité dans les îles françaises sont de vrais atouts », explique Georges Pau-Langevin, Ministre des Outre-mer. Elle poursuit, « dans les Antilles (…), il n’y a pas de bombe ». C’est cru, mais l’analyse tient la route, d’autant plus que les touristes en provenance de l’Hexagone représentent une part majeure en Outre-mer et au Maghreb, par exemple. Elle assure également que les réservations sont en hausse depuis deux ans, et ce, « malgré l’épidémie de chikungunya et l’invasion des algues sargasses cette année, les croisiéristes notamment sont au rendez-vous ». Cette embellie pourrait aussi s’expliquer par la « levé des derniers freins » liés aux visas. Ainsi, l’île de la Réunion et la Polynésie bénéficient maintenant de marchés plus larges comme la Chine ou l’Inde. Mais l’embellie touristique n’est pas la même dans tous les Outre-mer. Outremers360 a récupéré les derniers chiffres de la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte. Si effectivement le tourisme en Outre-mer affiche des évolutions positives dans l’ensemble, certains chiffres par territoires stagnent ou baissent même. Pas sûr que les instabilités qui sévissent au Maghreb et dans les pays musulmans en général bénéficient à tous nos Outre-mer.
Polynésie française :
Le 11 septembre 2001, la part des touristes américains a lourdement chuté suites aux attentats de New York, ce qui amorça une crise du tourisme amplifiée par l’instabilité politique qui suivie en 2004 et la crise économique et sociale qui en résulta. En 2002, la Collectivité accueillait 189 030 touristes contre 252 200 en 2000. A partir de 2008, le tourisme est en chute libre, avec en moyenne 160 000 touristes de 2008 à 2013. Ce n’est qu’à partir de 2011 qu’une légère embellie du secteur touristique se confirme. En 2014, la Polynésie française accueille 180 600 touristes, soit une hausse de 10% par rapport à 2013. Mieux encore, de janvier 2015 à octobre 2015, 203 893 touristes se sont rendus en Polynésie. Une belle hausse de 17% par rapport à la même période en 2014. Le chiffre global de 2015 s’annonce très positif. Le marché principal reste la France, puis les Etats-Unis, l’Union Européenne, le Japon, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, avec en marché potentiel, la Chine.
Nouvelle-Calédonie :
La Caillou enregistre aussi une hausse du tourisme depuis ces dernières années. Pour les trois premiers semestres de 2015, la Nouvelle-Calédonie table sur une hausse de 9,2% de la fréquentation touristique, par rapport à la même période en 2014. Cette année-là, le pays accueille 107 187 touristes, soit une baisse de 0,5% par rapport à 2013. Cependant, cette baisse est tempérée par l’augmentation des croisiéristes ; en 2014, ils étaient 421 636, près de 10% de plus qu’en 2013. Les marché sont les mêmes que pour la Polynésie française, avec une part néo-zélandaise plus importante. Cependant, si en Polynésie française le tourisme est un des secteurs les plus importants, la Nouvelle-Calédonie n’affiche que depuis quelques années ses ambitions touristiques. Ambitions qui pourraient faire de l’ombre à la Polynésie, jugée plus inaccessible, tant au plan géographique que financier.
Guadeloupe :
Pour la Guadeloupe, les derniers chiffres remontent à 2013. Par rapport à 2011, l’année 2013 a enregistré une hausse de 17% de la fréquentation touristique. Les îles de Guadeloupe ont accueilli 645 358 touristes en 2013.
Martinique :
La saison 2014/2015 a été belle pour la Martinique qui a accueilli 718 842 touristes durant cette période. C’est une hausse de 11,1% par rapport à la saison 2012/2013.
Guyane :
Après une année 2011 à plus de 100 000 touristes, 105 000 plus exactement, le territoire stagne autour de la centaine de millier de touristes par an, depuis cette année. En 2009 et avant 2009, la fréquentation touristique s’affichait à environ 90 000 touristes par an. La Guyane, malgré sa forêt tropicale dense et ses paysages à couper le souffle souffre d’un fort déficit d’image.
Île de la Réunion :
L’île Bourbon a, quant à elle, connu une baisse de sa fréquentation touristique en 2014. Cette année-là, l’île de la Réunion a accueilli 405 700 touristes, soit une baisse de 2,25% par rapport à 2013. Une baisse qui a cependant commencé en 2012. L’année précédente, plus de 450 000 touristes s’étaient rendus à La Réunion. La crise des requins serait la raison prépondérante à cette baisse. Néanmoins, les mesures de protection prises depuis cette crise semble porter ses fruits. En effet, au premier semestre 2015, l’île de La Réunion enregistrait une fréquentation de 206 140 touristes et une hausse de 10% par rapport à la même période en 2014.
Mayotte :
Enfin, à Mayotte, l’année 2014 a été moins bonne que 2013. l’île accueillait 50 500 touristes en 2014 contre 52 400 en 2013, soit une baisse de 4%.
Les chiffres du tourisme diffèrent selon chaque territoire d’Outre-mer, chacun ayant ses raisons qui expliquent les hausses ou les baisses de la fréquentation touristique. Mais de manière générale, le tourisme en Outre-mer semble mieux se porter en ce début de décennie, par rapport aux années 2000, marquées par les crises économiques et sociales (parfois politiques) dans les Outre-mer. C’est le tourisme de croisière qui sauve largement la donne, notamment en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les Antilles. Il est cependant assez difficile de suggérer une corrélation entre le recul touristique dans les pays musulmans en crise (Tunisie, Egypte, Jordanie, Libye) et l’embellie du secteur das les Outre-mer. Dans tous les cas, les territoires qui pourraient bénéficier du tourisme en berne des pays musulmans seraient les Antilles françaises, qui proposent une accessibilité (géographique et financière) similaire aux pays du Maghreb.