©Innovons La Réunion
Après l’Organisation Professionnelle des Entreprises de l’Economie numérique en Polynésie française, Outremers360 est allé à la rencontre d’Innovons La Réunion, l’institution réunionnaise qui « entend jouer le rôle de passeur de frontières » vers l’économie numérique. Philippe Jean-Pierre, Président d’Innovons La Réunion, nous présente les missions de l’institution et les défis de l’économie numérique à La Réunion.
Innovons La Réunion est l’appellation du Comité régional pour l’Innovation, institution composée et mise en place par la Région, le Département et l’Etat. Elle a été mise en route dans le cadre de la Stratégie d’Innovation de La Réunion adoptée en 2009, « consolidée » en 2014. C’est l’agence Nexa (Agence Régionale de Développement, d’Investissement et d’Innovation) qui anime le secrétariat et gère le site d’Innovons La Réunion.
Outremers360: Quelles sont les missions d’Innovons La Réunion ?
Philippe Jean-Pierre: Innovons La Réunion a pour fonction d’animer l’écosystème d’innovation de La Réunion: faire en sorte que l’innovation puisse disposer des outils pour émerger et se développer. Par exemple, les outils de financement, les outils d’accélération et d’incubation, les plateformes d’innovation, les animations comme les concours, séminaires et conférences,… Tout au long de ces années, Innovons La Réunion a suscité l’émergence d’acteurs qui participent à cette animation et au fonctionnement de l’innovation. Innovons La Réunion a donné leur rôle au Technopôle, au Pôle de Compétitivité ou à des institutions financières pour que chacun et chacune accompagne les projets innovants.
Est-ce que cela implique aussi la formation ?
On a formé ceux qui accompagnent, les institutions et les acteurs de l’écosystème. La formation des acteurs et porteurs de projets, nous l’avons assurée à travers la mise en place de séminaires, de conférences ou de semaines de l’Innovation. Par exemple, des événements de deux semaines sur « Comment créer son Business model ? » ou la semaine qui a porté sur le Design, celle qui porte sur la créativité.
Notre deuxième mission consiste à réguler l’allocation des moyens pour que cet écosystème fonctionne, avec l’ensemble des partenaires de la Recherche et Développement Innovation publics ou privés. S’il y a des trous dans la raquette dans la chaîne de l’innovation, il faut qu’ils soient comblés. Il y a dix ans, peu d’acteurs participaient à la chaîne de valeur d’innovation, aujourd’hui celle-ci est quasiment complète. On le voit concrètement avec l’émergence de plateformes de Fab Lab, de co-working qui émanent même du privé.
En quoi la régulation est-elle importante pour vous ?
Il faut réguler, car si on avait laissé faire cela, il y aurait peut être eu à la fois une mauvaise utilisation des deniers publics ou on aurait constaté, au bout d’une dizaine d’années, des trous persistants pour accompagner les porteurs de projets. Avec l’évolution des politiques européennes et celle de la loi « Notr » (Nouvelle Organisation territoriale de la République), la Collectivité, qui en a la charge principale, se doit de pouvoir améliorer l’efficience du système. C’est à dire, consolider les différentes étapes d’un porteur de projet, faire en sorte qu’il y ait des financements pour aider les porteurs de projets, c’est pour cela que sera créé d’ici la fin de l’année un Fonds destiné aux PME innovantes, et puis il y a la nécessité de soutenir les structures qui participent à l’innovation.
On ne peut pas vivre que de deniers publics, il faut aussi que l’innovation soit soutenue par les initiatives privées. C’est une volonté de l’Union européenne et de la Région Réunion que de transformer les territoires pas seulement par les soutiens publics mais aussi par la mobilisation de l’ensemble des forces vives qui construisent le Pays.
Vous venez de parler des politiques européennes, quels sont ces politiques en faveur du développement numérique ?
Justement, la troisième grande mission est d’accompagner le fonctionnement opérationnel des programmes européens dédiés à l’innovation. On parle là des programmes destinés à financer les projets innovants, les bourses de recherche, les allocations doctorales, les porteurs de projets ou encore, structures de laboratoires. A ce titre, Innovons La Réunion a donné un avis consultatif pour veiller à ce que l’allocation de ces moyens corresponde bien à l’esprit du document stratégique de spécialisation intelligente. Ce document conditionne en fait l’obtention des programmes opérationnels européens.
Le but final est qu’Innovons La Réunion participe activement à la transformation de l’économie réunionnaise, au service de la grande ambition qui est que, demain, les avantages compétitifs de l’économie soient articulés autour de l’économie de la connaissance, du réchauffement climatique et d’aller vers une croissance verte et décarbonnée.
Comment se porte le numérique à La Réunion ? Quels sont ses potentiels ?
L’économie numérique à La Réunion est dynamique car beaucoup de jeunes talents réunionnais se sont investis pour saisir toutes les opportunités créatrices de solutions numériques. On est passé, en une petite dizaine d’années, d’une économie axée sur la distribution d’ordinateurs, la construction de sites web, à une économie du numérique qui fait feu de tout bois pour proposer des solutions dans tous les secteurs, tous les compartiments de l’économie. L’obtention du label StragiTech en e-santé témoigne de cette dynamique. Le fait que de nombreuses start-up s’inscrivent dans ce secteur du numérique démontre qu’il y a là un véritable talent réunionnais. Mais pour aller vers une véritable société du numérique, nous avons devant nous plusieurs défis. D’abord, la société du numérique à La Réunion ne doit pas se limiter à la création de start-up ou d’applications uniquement digitales. Il faut qu’elle traverse toute la société, toute l’économie.
Cela signifie aussi qu’il faut accompagner toute l’économie dans sa transformation digitale, qu’il faut accompagner tout les dispositifs de formation, il faut également sensibiliser dès le plus jeune âge et former aux langues étrangères et aussi aux « codes », à en faire des codeurs. En 2025, 40% à 50% des métiers seront de nouveaux métiers qui n’ont jamais existé. Nous avons la responsabilité de qualifier nos jeunes pour qu’ils vivent dans ce monde là.
Le troisième défi est de faire en sorte que les infrastructures du numérique accompagnent ce développement: réseaux, câbles, serveurs, stockages… Donc, nos défis seront de développer les infrastructures physiques, les infrastructures humaines à travers la formation et les infrastructures des entreprises à travers leur capacités à se digitaliser. Enfin, le dernier défi porte sur la transformation des usages. Il y a là un pan énorme d’opportunités pour permettre aux Réunionnaises et Réunionnais de voir leur vie évoluer et se digitaliser.
En terme de formation, quels sont les efforts à faire, les métiers à former pour répondre à toutes ces attentes ?
Au niveau de la formation, il y a la nécessité de combler les trous dans la raquette. Aujourd’hui, quand on parle de formation au numérique, on ne s’adresse pas qu’aux ingénieurs. Il y a beaucoup d’initiatives prises par des institutions pour proposer des écoles, des formations, qui correspondent aux différents publics. Il faut que personne ne soit exclu de cette économie du numérique. Innovons La Réunion entend jouer ce rôle de passeur de frontières pour une économie qui doit aujourd’hui relever plusieurs défis. ce challenge sera relevé en mobilisant l’énergie issue de l’innovation. On a confiance car La Réunion a toujours su générer un génie réunionnais.