Économie : À La Réunion, Leclerc veut « aller au bout de la démarche de transparence » assure Pascal Thiaw Kine

Économie : À La Réunion, Leclerc veut « aller au bout de la démarche de transparence » assure Pascal Thiaw Kine

©Facebook / Mouvement E. Leclerc La Réunion

Depuis le mercredi 12 août, plus de 1060 produits importés Leclerc font l’objet d’une baisse de prix d’en moyenne de 12% sur un chariot. Elle s’accompagne d’une opération de transparence matérialisée par un étiquetage inédit des produits. Pascal Thiaw Kine, président des Leclerc à La Réunion, nous explique comment ses enseignes sont parvenues à réduire l’écart des prix avec l’hexagone et fait également un point sur l’accessibilité des masques tout en apportant une réponse environnementale à ce nouveau poste de dépense. 

Vous avez lancé en mars dernier une opération de réduction des écarts de prix entre les enseignes Leclerc réunionnaises et l’Hexagone. Comment vous y êtes-vous pris ? 

Le point de départ a été la crise des gilets jaunes en novembre 2018 à La Réunion. Nous avons réalisé qu’il ne suffisait plus d’être le moins cher, mais que le vrai enjeu pour la population c’est la réduction de l’écart des prix avec l’Hexagone, la transparence et la pédagogie sur la formation des prix.

Partant de ce constat, Leclerc Réunion a mobilisé ses équipes depuis début 2019 pour appréhender ce challenge, définir les procédures et commencer à engager ce travail qui nous a pris une année car en fin de compte, si c’était facile, cela ferait longtemps que tout le monde l’aurait fait. La question de la mise en marché des produits alimentaires à La Réunion est complexe : il faut amener des produits fabriqués en métropole ou ailleurs, les acheminer jusqu’à La Réunion. À partir de là il y a tout un processus de dédouanement avec l’application de l’Octroi de mer, compensée par une TVA réduite mais il faut tout de même la payer. Ajouter à cela, il y a un processus de stockage. Il a donc fallu mettre à plat cette chaîne de valeur pour comprendre et savoir comment nous challenger, et challenger les opérateurs-importateurs.

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Aucune centrale d’achat ne peut importer 100% de ses besoins. Les zones d’approvisionnement sont d’un tiers en production locale, un tiers via des importateurs ou des agents locaux et un tiers par notre propre centrale d’achats Leclerc en métropole. Il fallait donc comprendre la formation des prix et savoir comment assumer et engager ce processus de réduction des écarts. Nous avons fait des simulations d’importation de produits que nous ne faisions pas encore, des produits qu’on achetait localement auprès des importateurs, et nous nous sommes aperçus qu’il y avait matière à optimiser la chaîne des coûts pour que cela se répercute sur le consommateur.

C’est dans cette optique là que nous avons agi : contacter un certain nombre d’importateurs pour mettre à plat la chaîne des valeurs. Notre objectif n’est pas de court-circuiter l’importateur local mais de travailler avec lui sur la remise en cause d’une chaîne de valeur historique. Jusqu’à présent, aucun acteur ne se préoccupait de l’écart des prix avec l’hexagone. Chacun se contentait de travailler selon ses circuits et appliquait ses charges. Le travail a été d’avoir demandé aux uns et aux autres de challenger et mettre à plat le poste coût, logistique, livraison ou prise de commande, pour définir un nouveau cahier des charges, trouver où sont les économies et les répercuter.

Au mois de mars, il fallait rendre compte de ce travail aux Réunionnais. Mais il y a eu l’épisode Covid avec le confinement durant lequel nous avons bloqué les prix. Passé cette période nous avons commencé à baisser les 1 000 premiers produits, sur 7 000 références environ, sachant que c’est un travail de fond que nous allons entamer dès maintenant sur le processus d’identification des marges de manœuvres et ensuite, lancer le processus de négociation puis logistique de manière à baisser les prix.

Quels en sont les résultats aujourd’hui ? 

Les résultats c’est que l’écart s’est réduit de l’ordre de 12% pour un peu plus de 1 000 produits, principalement ceux que nous importons. Nous allons continuer à le faire sur les autres familles de produits et les autres fournisseurs. C’est un travail de longue haleine. Il faut prendre fournisseur par fournisseur, gamme par gamme, pour faire ce travail de fond et s’inscrire dans la durée.

Ce plan que vous mettez en œuvre s’accompagne aussi d’un décryptage de l’étiquette prix ? 

En effet, nous avons décidé d’accompagner les baisses de prix par un nouveau balisage sur lequel vous avez l’ancien prix pratiqué à La Réunion, le nouveau prix, le prix métropole ainsi que les coûts du fret supporté par le produit et le coût de l’Octroi de mer. Nous sommes conscients que c’est un peu complexe mais il faut aller au bout de la démarche de transparence pour être le plus pédagogique possible de façon à ce que cet exercice de transparence soit aussi compris par tous les Réunionnais.

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Je précise que ces informations-là, nous les avons à disposition uniquement si nous importons directement le produit. Si nous l’achetons à l’importateur, nous aurons le prix métropole, ce qui est pratiqué en local avant et après, en revanche, l’importateur ne nous communique pas le coût du transport fret supporté par le produit ni le coût de l’Octroi de mer. Donc quand il s’agit d’importation direct, nous sommes capables d’afficher ces informations puisque nous sommes opérateurs-importateurs, mais si nous réalisons l’achat via un importateur nous n’avons pas ces données.

Au sujet des masques, avec le port obligatoire, les Réunionnais ont un nouveau poste de dépense dans leur consommation. Comment votre enseigne les accompagne ? 

Dès le début de la crise, nous avons été un des premiers opérateurs à importer des masques de Chine. La vraie difficulté pendant la période de confinement a été, d’une part, l’identification d’une usine qui pouvait prouver par certificat le respect des normes européennes et françaises, et d’autre part, la fiabilité de ce producteur une fois trouvé sachant qu’on l’a vu pendant la crise, il y avait quelques difficultés à prendre possession de la commande.

Une fois toutes ces contraintes levées, et un industriel identifié, il a fallu acheminer par bateau avec des problèmes de délai. C’est pourquoi notre première opération d’importation est arrivée à La Réunion fin mai alors que la date de déconfinement était au 11 mai. Nous avons donc décidé de faire venir une partie de cette commande par avion. La restriction des vols nous a obligé à passer par Paris depuis la Chine et vers La Réunion. Malheureusement, le prix a été alourdi par ces transports aériens mais il fallait respecter l’objectif du gouvernement qui fixait le prix maximum du masque à 0,70 euros en métropole. Malgré cela, nous avons fait la péréquation avec les masques qui arrivaient par bateau pour les vendre à 0,50 euros. Le but était de fixer un prix économique auquel on pouvait vendre tout en préservant le pouvoir d’achat des Réunionnais.

Maintenant, dans un contexte où les prix à l’achat ont beaucoup chuté, nous avons passé de nouvelles commandes attendues pour la fin de ce mois et nous devrions être capables de vendre le masque en dessous des 0,20 euros. Là encore, nous challengons nos sourcing de manière à défendre le pouvoir d’achat des Réunionnais.

Il y a aussi une dimension environnementale puisqu’il n’existe pas de filière de recyclage des masques et vous souhaitez inciter les Réunionnais à aller vers l’achat de masques en tissu ? 

La première démarche était de rendre les masques accessibles. C’est ce que nous faisons et nous irons vers une étape supplémentaire en les vendant en dessous des 20 centimes à l’unité à partir de septembre. En parallèle, nous avons constaté qu’une unité comme la nôtre vend environ 250 000 masques par semaine, et il est vrai qu’il y a aujourd’hui un nouveau déchet. Ce qui pose en effet problème c’est la tige de fer à l’intérieur du masque chirurgical et que tout ça part vers l’enfouissement déjà limité.

Pascal Thiaw KIne, PDG des Leclerc à La Réunion ©DR

Pascal Thiaw KIne, président des Leclerc à La Réunion ©DR

Il fallait donc travailler sur la dimension écologique du masque en tissu. Donc aujourd’hui nous avons une offre de masques chirurgicaux accessibles et une offre de masques en tissu que nous vendons à 1,18 euros l’unité sachant qu’il peut être lavé une vingtaine de fois. À l’usage, le coût du masque en tissu est à la fois écologique et économique, et nous nous apprêtons à communiquer et vanter les mérites du masque en tissu : meilleur pour le porte-monnaie des consommateurs et pour la planète.