Desserte aérienne en Polynésie : Les îles les plus enclavées et éloignées pourraient ne plus être desservies

Desserte aérienne en Polynésie : Les îles les plus enclavées et éloignées pourraient ne plus être desservies

Au chapitre de la desserte domestique en Polynésie, le Tribunal de Papeete a rendu ce mardi sa décision concernant la future compagnie interinsulaire Islands Airline de Bill Ravel : le gouvernement de la Collectivité devra lui accorder sa licence de transporteur aérien dans les 15 prochain jours. 

Le Tribunal de Papeete a donc suivi l’avis du rapporteur public préconisant l’annulation du rejet implicite du gouvernement polynésien à la société Islands Airline, qui promet des vols 15 à 20% moins chers par rapport à Air Tahiti, sur sept destinations domestiques dites « rentables » : Bora Bora, Raiatea, Huahine, Rangiroa, Hao, Nuku Hiva et Tubuai. Souhaitant opérer avec des Embraer E-175, Bill Ravel veut également ouvrir des lignes directes vers les îles Cook et Apia aux Samoa. L’homme d’affaire également connu en Nouvelle-Calédonie entend lancer sa compagnie avant la fin 2019. En face, la compagnie historique grince des dents : depuis sa création voilà 60 ans, Air Tahiti assure une délégation de service public en desservant l’ensemble des îles de Polynésie, même les moins rentables, sans en avoir l’obligation du gouvernement polynésien.

« Nous portons le service public et nous le portons sans prise en charge du Pays et nous l’avons toujours fait (…). Air Tahiti a toujours considéré qu’en tant que compagnie en situation de monopole de fait et pas de droit, (…) c’était de son devoir d’accompagner le Pays dans sa politique de développement des archipels. Chaque fois que le Pays a décidé d’ouvrir un aéroport quelque part, nous avons posé un avion derrière même si cela pouvait générer un déficit d’exploitation », se défend Manate Vivish, PDG d’Air Tahiti. Selon TNTV, son déficit s’élèverait à 1,2 milliards de Fcfp. « Il s’agira pour le Pays de porter cette interrogation sur l’aménagement du territoire, de savoir si le Pays souhaite que certaines îles continuent d’être désenclavées par voie aérienne. Puisque l’opérateur privé que nous sommes ne sera plus en mesure de pouvoir supporter ces déficits, le Pays devra nécessairement financer ces déficits, donc financer ces dessertes à perte », poursuit-il.

Pour les usagers, les conséquences de l’arrivée d’Islands Airline sont nuancées. Si certes, les prix baisseront sur les sept destinations « rentables » visées par la compagnie de Bill Ravel, avec derrière un alignement d’Air Tahiti, cette dernière devra nécessairement compenser des pertes en augmentant les prix sur les autres destinations où Islands Airline n’ira pas se mouiller. Pire encore, l’option de l’arrêt des îles les plus enclavées, comme envisagé précédemment dans nos colonnes, serait sur la table des négociations. « Il va bien falloir que la compagnie réfléchisse aux moyens pour continuer de supporter les déficits générés sur un certain nombre d’îles », explique Manate Vivish au micro de TNTV. Une concurrence à double vitesse donc, et un risque pour la mobilité des Polynésiens les plus éloignés.

Outre l’option du financement avancée par Manate Vivish, le gouvernement polynésien pourrait obliger Bill Ravel à desservir aussi les îles les moins rentables au même titre qu’Air Tahiti. « La nécessité de renforcer des dessertes peu ou non rentables vers les archipels des Tuamotu-Gambier, des Australes et des Marquises (…) relève de la compétence d’organisation des transports publics de la Polynésie française, à laquelle il appartient de fixer (…) les obligations de service public dont doivent être assorties les licences d’exploitation délivrées dans un cadre concurrentiel », a affirmé le Tribunal de Papeete. Une option qui n’est, pour l’heure, pas prévu dans le business plan de l’homme d’affaires Bill Ravel.