Annoncé en octobre 2017 par l’homme d’affaires Bill Ravel, le projet de nouvelle compagnie domestique en Polynésie est en passe d’obtenir une autorisation du Tribunal administratif de Papeete et donc, de disposer d’une licence de transport aérien interinsulaire, si toutefois le Tribunal suit l’avis du rapporteur public. Si tel est le cas, cette concurrence devrait durement impacter la compagnie historique Air Tahiti.
C’était en octobre 2017. Alors que French Bee confirme son arrivée en Polynésie, l’homme d’affaires Bill Ravel présente au gouvernement polynésien son projet de compagnie domestique à bas prix (15 à 20% moins cher), pour desservir sept îles de Polynésie : Raiatea, Huahine, Bora Bora, Rangiroa, Hao, Nuku Hiva et Tubuai. « Malgré un courrier favorable du ministre des transports, Luc Faatau, à Noël 2017, le délai de quatre mois s’est écoulé sans que le conseil des ministres n’accorde de licence à Islands Airline », rappellent nos confrères de Radio 1 Tahiti. « Fin février, la société de Bill Ravel a donc demandé au tribunal administratif de forcer la main » au gouvernement polynésien. Rendues en début de semaine, les conclusions du rapporteur public sont favorables à l’octroi d’une licence de transport aérien interinsulaire à Islands Airlines. La décision finale est attendue d’ici deux semaines et si elle suit l’avis du rapporteur public, l’arrivée d’une telle compagnie pourrait durement impacter la compagnie historique Air Tahiti, à ne pas confondre avec Air Tahiti Nui.
En effet, Bill Ravel prévoit de desservir uniquement sept îles polynésiennes, les plus rentables. De son côté, Air Tahiti assume, de façon non officielle, une « délégation de service public » en desservant la quasi-totalité des îles de Polynésie et ce, même si nombre d’entre elles ne sont pas rentables. Selon un expert de l’aviation en Polynésie, Aviation Geek Tahiti, « Air Tahiti va devoir se battre sur les prix sur les lignes concurrentiels et cela peut se répercuter de différentes façons ». La première option est une hausse des tarifs sur les destinations sans concurrence et peu rentables. Pire encore et « qui n’est pas exclu, c’est l’abandon pur et simple de certaines lignes non rentables ». Une menace qui pourrait pencher en faveur d’Air Tahiti, notamment pour les populations des îles éloignées qui n’auront plus d’autres moyens de mobilité qu’un navire une fois par mois. Enfin, « pour pouvoir lutter, un plan social encore plus dur que celui qui avait entraîné les grèves d’il y a 2-3 ans risque de vite être envisagé », ajoute encore notre expert.
Air Tahiti tourné vers le régional
Pour répondre à l’offensive de Bill Ravel, le PDG d’Air Tahiti, Manate Vivish, a ressorti des cartons un ancien vague projet qui vient « de prendre un coup d’accélérateur » : l’obtention d’un ou deux plus gros porteurs (la compagnie opère avec une flotte 100% ATR) et une ouverture vers des lignes régionales. « L’idée serait de positionner ces avions sur les lignes les plus fréquentés au moment de l’arrivée des vols internationaux, faire quelques rotations sur les Marquises pour diminuer temps de trajet (mais avec en détriment une baisse des fréquences), mais surtout pouvoir rentabiliser l’avion en le faisant voler vers des destinations régionales, la nuit, pour optimiser temps de vol/temps d’attente », explique encore Aviation Geek Tahiti. De son côté, le gouvernement polynésien peut obliger Islands Airline à assumer, comme Air Tahiti, une « délégation de service public ». C’est en tout cas l’avis du rapporteur public. « Les obligations de service public ne sont toujours pas définies par les textes et il appartient à la Polynésie française de le faire, de choisir sa méthode et son modèle », a-t-il précisé.
Dans ce cas-là, Islands Airline serait une réelle concurrence à Air Tahiti. Pour rappel, Bill Ravel, patron de Pétrocéan, fut le fondateur d’AirCalin et Air Vanuatu. En Polynésie, Bill Ravel avait aussi lancé en 2010 le King Tamatoa : ancien NGV Liamone, ce ferry devait desservir les Îles-Sous-Le-Vent au départ de Tahiti. La ligne est cependant interrompue quelques mois après son ouverture suite à la mise en redressement judiciaire de Raromatai Ferry, qui opérait le navire. Le King Tamatoa part ensuite en Nouvelle-Calédonie la même année, où il resta dans l’attente d’un acquéreur pendant 2 ans, au port de Nouméa.