Samedi soir à Paris. Dans cette nuit d’Hiver doux, une brise chaude et humide, venue du Pacifique Sud, souffle sur le 12ème arrondissement de la Capitale. Ce samedi soir, la communauté Wallisienne et Futunienne de France est venue fêter l’inauguration de sa première radio émise depuis Paris. En ligne, elle est disponible à tous : aux enfants du Pays en mal de sable chaud, aux malades venus chercher soins dans la Capitale, mais aussi à tous les curieux assoiffés de cultures insulaires. Pour l’occasion, Outremers360 a décidé de livrer ses colonnes à Raphael Kaikilekofe, artiste et président du collectif SIAPO, pour qu’il nous raconte les prémisses de la radio Hagalau et la soirée d’inauguration, placée sous le signe de la tradition.
« Hagalau » signifie en wallisien « le fait de raconter ou d’informer », c’est également le nom d’un lieu à Wallis. Ce projet est à l’initiative du jeune séminariste Soane Malivao et son équipe de l’Association d’aide aux malades de Wallis-et-Futuna (AMWF), créé il y a à peine un an. L’événement s’est déroulé dans le 12ème arrondissement parisien et présenté par Maleko Kaviki, ancien présentateur radio à RFO Wallis. Une ouverture officielle d’une heure et demie, alternant musique de Wallis-et-Futuna, présentation, témoignages et interviews d’invités. Sur le plateau, des invités comme Luc Laventure, Paulo Lape (ancien délégué de Wallis-et-Futuna à Paris), Jean-Marc Bernard, Penisio Lutui, Lagiva Takaniko, Marie-José Maiau et moi-même, Raphael Kaikilekofe, président du SIAPO.
Il est des valeurs fondamentales dans la société traditionnelle de Wallis-et-Futuna : le respect, la solidarité et le partage. La transmission de ces valeurs se fait au quotidien et dans la pure tradition wallisienne. Le risque est que ces principaux fondements sont parfois instrumentalisées au profit de quelques uns. Toutefois, l’insulaire estime que ces grands principes tendent à se disperser ou disparaitre dans les grands pays et les villes majeures dites « industrialisées ». Une certaine forme de déshumanisation et d’individualisme cohabite dans le mode de vie occidental, où l’humain et les relations humaines sont souvent mises de côté. On en arrive aujourd’hui à une économie du bio, aux phénomènes de mode et de consommation en masse, à tout ce qui est écolo et des politiques solidaires et participatives : pour l’insulaire, il semblerait que ces exemples étaient déjà à la base de ses principes de vie.
Archipel d’outre-mer, situé à 2h30 d’avion de la Nouvelle-Calédonie, avec le statut de Collectivité territoriale, les îles de Wallis-et-Futuna abritent les derniers royaumes de la République. Aujourd’hui, le système traditionnel a du s’adapter aux lois de la République, sans oublier l’importance qu’occupe l’Eglise dans le quotidien. C’est donc cette « mixture » qui fait la société wallisienne et futunienne contemporaine. C’est un schéma souvent reproduit par la communauté de l’archipel qui s’expatrie hors territoire et qui contribue en quelque sorte à compléter l’identité culturelle du Wallisien et Futunien, quel que soit l’endroit où il décide de se ré-implanter pour rester ainsi proche de ses origines. Avec une population qui décroit d’environ 10 000 à 13 000 habitants et des principes de vie basés sur l’Humain, il était évident de voir naître l’AMWF, une association qui puisse assister le malade qui arrive en soin de Wallis-et-Futuna. Avant ça, les gens allaient déjà de leur propre gré à la rencontre de nos malades, mais face aux contraintes et au règlement qu’impose une vie en France, la solution était bien sûr la création de cette association. C’était à l’initiative du père Kapeliele Katoa, aujourd’hui rentré au fenua, que ce projet a abouti. Le séminariste Soane Malivao ayant pris la relève avec la même équipe.
Le projet de radio est né. Vu le nombre minime de ressortissants de gens de Wallis-et-Futuna en France, il était important qu’il y ait un outil d’information et de communication pour cette diaspora, comme il est tout aussi primordial de se faire voir et entendre dans un grand pays, tout au moins en tant que citoyen français ultramarin : c’est par ce genre de moyen qu’on peut faire valoir nos droits et nos intérêts. Ce projet de radio, même s’il ne fait pas toute l’unanimité, peut être un support plus qu’intéressant pour toute la communauté hors territoire et surtout en France. Il faudrait que les gens de notre communauté voient plus loin, pour les ressortissants, pour les malades en provenance de là bas, pour les jeunes, les étudiants et même le devenir du Fenua (« Fenua » renvoyant à la terre natale, ici Wallis-et-Futuna, ndlr). Il s’agit là d’un outil, à nous de savoir l’exploiter. Nous sommes passés à l’ère du numérique depuis déjà un moment, à nous de nous mettre à la page, de nous former, d’aller à la rencontre des éléments et des gens qui peuvent faire avancer les choses : que Wallis-et-Futuna ne reste pas en marge pour se contenter de rester d’éternels oubliés. Quelqu’un disait « qu’il est à nous de nous faire notre place ».
C’est une des communautés les moins visibles en France derrière les Polynésiens (de Polynésie française) et les Calédoniens : c’est l’Outre-mer lointain ! Mais un point stratégique pour un pays comme la France d’être positionné ainsi en plein coeur du Pacifique face à l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les Etats indépendants qui composent le Pacifique Sud. Cette radio peut également être un lien social et de rayonnement avec les autres cultures et le reste du monde via ses auditeurs.
L’événement de lancement a été l’occasion d’une levée de Kava (breuvage traditionnel que partagent de nombreuses îles du Pacifique, ndlr) : c’est la cérémonie suprême dans tout événement. C’est ce qui donne chair à la bonne réalisation d’un projet. C’est en quelque sorte, recevoir l’aval traditionnel pour que ce projet demeure dans la lignée de ce qui est culturel, et rattaché directement au Fenua et ses traditions, avant que ce projet prenne réellement son envol. En même temps le Kava sacralise tout événement où celui-ci est pratiqué : il insuffle la dimension sacrée de celui-ci.
La radio Hagalau, émise depuis Paris, est disponible ici !
Raphael Kaikilekofe