Littérature : Quel pont entre Saint Benoît le More, « premier Saint noir », et Michelle Obama ?

Littérature : Quel pont entre Saint Benoît le More, « premier Saint noir », et Michelle Obama ?

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Michelle Maillet, auteure du roman historique L’Etoile Noire, revient en 2017 avec une « biographie inspirée » de Saint Benoît le More, « premier Saint noir » dit-elle, et saint patron de Palerme. Sa vie, Michelle Maillet la croise avec une icône du XXIème siècle : Michelle Obama. Véritable « croisée des destins », son livre ‘Le jour où j’ai rencontré Benoît né esclave, devenu Saint, et Michelle Obama, née libre devenue Première Dame des États Unis d’Amérique’, raconte deux destins exceptionnels que les siècles séparent, à travers son propre parcours de femme noire à la télévision.

« C’est un pont. Un pont entre un homme du XVIème siècle, noir et esclave, et qui devient Saint. Et Michelle Obama, qui est née libre et arrive au sommet de ce qu’une femme noire américaine peut vivre. Je les ai rencontrés tous les deux. Je les ai eus dans mon cœur de manière fulgurante », confie Michelle Maillet. L’auteure martiniquaise rencontre Saint Benoît le More dans le couvent Santa Maria di Gesu de Palerme. « Son corps n’a pas bougé, on le voit, il est noir (…).C’est le seul esclave au monde que l’on peut encore voir, prier, admirer,… Son corps est intact ». « Il a fait des choses grandioses. J’ai lu les bulles canoniques, je suis allée me pencher dans un certain nombre de livres pour savoir ce qu’il avait fait et comment il avait vécu. J’ai découvert un homme éblouissant, par sa manière de vivre, son histoire, de son parcours d’esclave éthiopien jusqu’à la sainteté », raconte l’auteure.

Représentation de Saint Benoît le More dans une chapelle de Porto Allegre ©DR

Représentation de Saint Benoît le More dans une chapelle de Porto Allegre ©DR

L’histoire retient plusieurs Saint Benoît. L’originel est Saint Benoît de Nursie, né vers 480 en Ombrie et fondateur de l’Ordre des bénédictins. Saint Benoît Le More -Le Noir- est quant à lui né en 1526 dans le bourg de San Fratello, dit de San Fradello ou de San Philadelphio, près de Messine en Sicile. Il grandit dans la maison d’un chevalier, Jérôme Lanza, fondateur d’un ordre franciscain qui prend sous son aile le jeune Benoît. Il aurait affranchi ce dernier à la naissance, ou à ses dix-huit ans, selon les récits historiques. Benoît le More est béatifié en 1743 par le pape Benoît XIV et canonisé en 1807 par Pie VII. Saint patron de Palerme, il est également Saint patron des Noirs-américains et est fêté tous les 4 avril.

Statut de Saint Benoît le More ©DR

Statut de Saint Benoît le More ©DR

La dévotion pour Saint Benoît le More fut particulièrement importante en Amérique latine, en Italie et en Espagne. « Le vieux Roi de Sicile venait s’agenouiller devant lui », raconte l’auteure. « Il faisait miracles sur miracles ». « Après sa mort, Saint Benoît continue encore à faire des prodiges. Je peux vous citer un des miracles retenu par le procès de canonisation et relaté par Pie VII dans la bulle canonique : un enfant de neuf ans, originaire du petit village italien San Philadelphio (village natal de Benoît), avait été blessé à la gorge par une balle. L’artère était atteinte et il allait mourir lorsqu’on apporta une relique de Benoît qu’on a placée sur la blessure. L’enfant guéri aussitôt et aucune cicatrice de la blessure ne subsiste ». Pour Michelle Maillet, libre à chacun de croire ou pas. Ce qu’elle retient, c’est le destin hors du commun de ce Saint, au regard de son époque.

« La croisée de deux destins exceptionnels et noirs »

« Michelle Obama, je me suis donnée les moyens de la rencontrer », poursuit l’auteure. « Je voulais lui offrir mon livre qui parlait des noirs déportés dans les camps de concentration, l’Etoile Noire, pour lequel j’ai eu une préface de Simone Veil : cinq pages merveilleuses de Simone Veil. Je me suis dit : ‘cette femme, je veux la voir’. Quand j’ai su qu’elle venait pour le D-Day en Normandie en 2008, je me suis arrangée pour la voir. J’ai appelé l’Elysée. Je leur ai dit que j’ai écrit un livre que je souhaitais offrir à Michelle Obama. Deux jours après j’ai reçu cette invitation. C’était exceptionnel ». Pour l’anecdote, Michelle Maillet se retrouve dans le même compartiment que Tom Hanks, qui a soutenu la campagne de Barack Obama en 2008. L’occasion pour l’auteure de partager son œuvre sur cette Histoire peu connue des noirs déportés.

Michelle Obama en 2011 ©Saul Loeb / AFP

Michelle Obama en 2011 ©Saul Loeb / AFP

« D’une période monumentale qu’est la Renaissance née ce Saint. Et de cette période plus récente est consacré un couple de noirs à la tête des Etats-Unis d’Amérique », souligne Michelle Maillet. « C’est la croisée de deux destins exceptionnels. C’est vous dire les combats, les peurs, les tristesses, les joies. C’était incontournable pour lui et pour elle ». « Tout cela, je le raconte à travers mon parcours de femme. Mon parcours à la télévision », dit-elle. Michelle Maillet est une pionnière. « J’étais présentatrice des années en Martinique, des années à la télévision nationale française qui s’appelait Antenne 2 ».

Dans la nouvelle oeuvre de Michelle Maillet, on y entre comme on le souhaite, par le chapitre qui nous interpelle davantage. Et s’il fallait en lire qu’un, l’auteure recommande le chapitre 7. « J’y raconte la difficulté à mon époque pour faire du cinéma ou de la télévision quand on est une femme, et d’y rester quand on y est. Les choses ont évolué mais pas assez », reconnait-elle. « Quelle est la comédienne de couleur qui a aujourd’hui plus de 60 ans et qui est une star ? Personne. Quelle actrice de couleur monte les marches de Cannes ? Ça n’existe pas ! ». Ou alors, de façon ponctuelle. « C’est ça que je développe, en m’appuyant sur ce qu’il y a de beau : la sainteté avec Benoît le More et l’Humanité avec la magnifique femme qu’est Michelle Obama ».