Histoire d’Outre-mer : Un Tahitien au cœur de la bataille d’Angleterre

Histoire d’Outre-mer : Un Tahitien au cœur de la bataille d’Angleterre

Le jeune FNFL Matthew Chapman ©FondsChapman

Suite des épisodes Histoire d’Outre-mer avec le magazine Itinéraires de Suez Outre-mer. Ce samedi, Outremers360 vous propose un retour au cœur de la Seconde Guerre mondiale à travers le regard de l’engagé tahitien au sein des Forces Navales de la France Libre, Matthew Turner Chapman. Ce dernier participa notamment au ralliement de La Réunion à la France Libre en 1942.

Par Damas Teuira, maire de la commune de Mahina, Tahiti.

En janvier et mars 1941, 100 Tahitiens s’engagent dans les Forces Navales de la France Libre. Parmi eux, Matthew Turner Chapman, jeune mécanicien dans l’aéronavale et oncle du futur maire de Mahina, Damas Teuira.

« Nous avons quitté Tahiti le 31 mars 1941 sur le Wairuna, direction Fidji puis la Nouvelle-Zélande. Moi je m’étais engagé dans l’armée en 1939 et j’étais mécano dans l’aéronavale. Dans notre groupe, il y avait les volontaires pour l’armée de l’air dont Julien Allain, Eugène Aubry, Ernest Gournac, René Machecourt, Tavi Kainuku et les frères Tracqui, Charley Cowan, Marcel Hugon, Gilles Paquier etc… J’étais chez les marins, mais une fois en Nouvelle-Zélande, ils nous ont dit qu’ils avaient besoin d’aviateurs alors je me suis engagé dans l’armée de l’Air avec Natapu Mara, Rico Lagarde, Julien Allain… ».

Matthew au 3ème rang ©Fonds Chapman

Matthew au 3ème rang ©Fonds Chapman

De la Nouvelle-Zélande ils prennent un paquebot anglais qui les conduit en Australie puis au Canada qu’ils traversent en train pour gagner Montréal. 15 jours d’entraînement militaire et enfin c’est le départ pour l’Angleterre. Mais trois jours avant d’arriver, leur convoi est attaqué. 12 bateaux sont coulés et leur navire est dérouté vers l’Islande. « C’était une misère pour nous les Tahitiens. Il faisait tellement froid qu’on ne pouvait pas sortir, on restait cachés dans les baraques. Nous sommes restés 15 jours à Reykjavik en attendant que les sous-marins allemands partent puis nous sommes arrivés en Ecosse mais le port était bombardé par les Allemands et à minuit on nous a réveillé pour prendre le train pour Londres ».

« Ce n’était pas le jour pour casser notre pipe »

Dès le premier jour, leurs baraquements sont bombardés par les Nazis. Ils ont de la chance ce jour là. Mais Matthew se rappelle tous ses camarades aviateurs tombés à l’entraînement ou au combat : « Tant de mes amis aviateurs ont été tués : Eugène Aubry, Ernest Gournac, notre petit Kainuku (NDLR : Tavi), tué dans les derniers jours de combat en France, juste avant l’armistice. Il n’y en a pas beaucoup qui sont restés : il y avait Guy Juventin, Lagarde. Tellement peu sont rentrés au pays. Natapu (NDLR : Mara) est parti après en Nouvelle-Zélande ».

Le « petit Kainuku » évoqué par Matthew. Mort pour la France le 5 août 44. Il repose maintenant avec des camarades pilotes du groupe Lorraine dans un petit cimetière de Normandie. Ils sont entourés de leurs collègues de la Royal Air Force et de la Royal Australian Air Force, abattus pendant la bataille de Normandie ©T.REDON

Le « petit Kainuku » évoqué par Matthew. Mort pour la France le 5 août 44. Il repose maintenant avec des camarades pilotes du groupe Lorraine dans un petit cimetière de Normandie. Ils sont entourés de leurs collègues de la Royal Air Force et de la Royal Australian Air Force, abattus pendant la bataille de Normandie ©T.REDON

Pendant un mois, Matthew suit un apprentissage à l’école navale militaire de Skegness puis il est dirigé vers Portsmouth pour une formation de fusiller marin. Il est ensuite affecté à la défense aérienne et basé sur les batteries anti-aériennes de Portsmouth et Plymouth.

A Londres sous les bombes

« Un jour nous obtenons une permission et avec mon copain Gilles Paquier on décide de filer sur Londres. On trouve pour cinq sous deux petits lits dans un immeuble de l’Armée du Salut et nous sortons pour la soirée. Nous étions à 200 mètres de l’Armée du Salut lorsque les sirènes d’alerte retentissent. Les avions allemands lâchent leurs bombes de 500 kg sur l’immeuble et tout à coup il n’y avait plus rien. Nous avons fini par dormir sur le trottoir. Nous avons eu de la chance ce soir-là, je n’ai eu que quelques blessures aux jambes. Ce n’était pas notre moment ». Matthew avait 20 ans, cela faisait déjà trois ans qu’il s’était porté volontaire dans les Français Libres.

Matthew Chapman embarque ensuite avec Gilles Paquier sur le contre-torpilleur Le Léopard en juillet 1942. Mais en pleine nuit ils entrent en collision avec un bateau anglais et un marin français tombe à la mer. « Avec Alfred Helme, on parvient à le remonter à bord et à le sauver ». Le Léopard effectue des missions en Méditerranée puis se dirige vers l’océan Indien où il participe au ralliement de la Réunion à la France Libre en novembre 1942.

Matthew Turner Chapman et sa sœur Georgina, mère de Damas Teuira ©FondsChapman

Matthew Turner Chapman et sa sœur Georgina, mère de Damas Teuira ©FondsChapman

Matthew embarque ensuite pour le Pacifique sur l’aviso Savorgnan de Brazza qui doit relever le Cap des Palmes à Guadalcanal. Cap des Palmes où se trouve notamment Guy Brault qui participe à la Bataille de Guadalcanal. Puis le Savorgnan de Brazza revient dans l’océan Indien et arrive à Toulon – via l’Egypte et la Tunisie. Matthew Turner Chapman est démobilisé à la fin de la guerre et rentre à Tahiti en 1946.

Propos recueillis par Titania Redon.

MAHINA, une commune historique

C’est dans la baie de Matavai, attenante à  la pointe Vénus de Mahina,que les premiers Européens arrivent à Tahiti en juin1767, emmenés par l’anglais Samuel Wallis, également découvreur de l’île qui porte son nom. Rentré en Grande-Bretagne, il transmet ses notes à James Cook. Le grand explorateur débarque à Tahiti en avril 1769. En trois voyages il devient le premier européen à découvrir ou cartographier l’Australie, la Nouvelle-Calédonie, les Îles Sandwich, Hawaii, Terre-Neuve et la Nouvelle-Zélande. Le navigateur français Louis-Antoine de Bougainville ancre « La Boudeuse » en avril 1768 en baie de Matavai.  Il baptise Tahiti la « Nouvelle Cythère » et la revendique au nom de la France, ignorant que Samuel Wallis l’a déjà découverte. C’est également dans la baie de Matavai que commence la célèbre épopée de la Mutinerie du Bounty en 1787.

Damas Teuira, maire de Mahina et Titania Redon ©T.REDON

Damas Teuira, maire de Mahina et Titania Redon ©T.REDON