Disparition de Roland Pierre-Charles : Le Chaben « fondamental » s’en est allé

Disparition de Roland Pierre-Charles : Le Chaben « fondamental » s’en est allé

© RCI

Roland Pierre-Charles, génial musicien martiniquais, personnage à la fois salué et décrié, attachant et irritant, a tiré sa révérence. Les dissonances vocales et musicales de cet éternel écorché vif nous manqueront malgré tout. – Hommage –

Roland Pierre-Charles s’en est allé. Celui qui s’autoproclamait – auto-dérision, égosurdimensionné ? – Chaben « fondamental » en écho au « Nègre Fondamental » de Césaire, nous a quittés. Sur la pointe des pieds. Sans bruit, ni fracas.

Un départ en catimini qui cadre mal avec le personnage haut en couleurs, fort en gueule et un tantinet irritant dans lequel il se complaisait. Mais pas que… Car « Didi », comme le surnommaient affectueusement ses proches, était aussi une personne attachante qui ne laissait pas insensible.

A bien des égards, la comparaison avec Gainsbourg mérite d’être tentée tant il existe des similitudes entre les deux personnages. Tout comme l’auteur de la « Marseillaise » revisitée en reggae, le jeune Roland, après une rapide initiation à la guitare basse, se révèle être un génial pianiste. Ce qui lui vaut de débuter avec la référence martiniquaise de toujours, s’agissant du piano, Marius Cultier.

Une forte personnalité

Puis, très vite Roland Pierre-Charles prendra son envol en faisant le bonheur de la « Mohina », une boîte branchée de l’époque en Martinique avec notamment « Abricot Palace », l’ancêtre de la « Perfecta ». Une période plutôt faste où le cacheton à 800 francs par soirée tombait régulièrement.

Sous l’ère de la « Perfecta », la classe, mais aussi la forte personnalité du pianiste éclatèrent au grand jour. Une belle période, mais tout autant troublée qui verra, après une première fausse sortie pour rejoindre les « Gentlemens », rivaux du moment de la « Perfecta », le divorce définitif en compagnie de Simon Jurad, le guitariste du groupe.

Une page était tournée. De cette dissidence naîtra « Opération 78 » où débutèrent notamment Jean-Philippe Marthély et Jean-Paul Pognon, deux chanteurs qui feront la carrière que l’on connaît. Une initiative qui aura duré 3 ans pour Roland Pierre-Charles qui en avait gardé une certaine nostalgie pour avoir tenté, racontait-il, de « structurer une entreprise à vocation musicale où les musiciens étaient rétribués mensuellement ».

Un côté Gainsbarre et un discours « politiquement incorrect »

Exit donc « Opération 78 ». Mais entre-temps, la réputation de notre Gainsbourg martiniquais était faite, voire surfaite. Intellectuel de la musique, petit-bourgeois capricieux et vaniteux, trublion, fauteur de merde, bref, on ne pardonnait pas à « Roro dek dek », sobriquet hérité de la période « Perfecta » son côté Gainsbarre, facétieux et ses prises de parole à l’emporte-pièce.

Son ironie grinçante et méprisante à l’égard de ses pairs, son discours « politiquement incorrect » ne passait décidément pas.
Un discours et une attitude qui l’ont amené à se présenter aux élections pour disait-il, « déranger l’établissement ». Un discours libéral- libertaire qui cadrait, néanmoins mal, avec la rigueur de cet ex-besogneux du football qui n’a pas hésité à quitter le confort douillet de ses métiers d’enseignant ou d’employé de banque pour des études plus poussées de musicologie et embrasser une carrière musicale plus aléatoire. Toujours la référence d’avec Gainsbourg.

De son parcours musical, on retiendra notamment la réalisation d’albums de référence comme les « Pierrotines » pour célébrer les femmes de Saint-Pierre, sa ville d’adoption ou encore « Accordéons des Antilles », en hommage à cet instrument qu’il jugeait par trop délaissé. Ces derniers temps, sa gouaille, son franc-parler, ses propos parfois acerbes qui masquaient une certaine amertume, un certain désenchantement et une sensibilité à fleur de peau, s’étaient fait plus rares.

La maladie qui le rongeait a fini par le vaincre. Roland Pierre-Charles, cet éternel écorché vif a fini de faire entendre ses dissonances vocales et artistiques. Cela nous manquera malgré tout.

E.B.