Christine Salem, la voix du Maloya et du blues réunionnais

Christine Salem, la voix du Maloya et du blues réunionnais

©christinesalem.com

Considérée comme la voix la plus singulière du Maloya, Christine Salem se livre sans détour dans un film-vidéo où se mêlent évocation de son parcours, sa culture, ses racines, ses engagements et chansons interprétés en décors naturels ainsi que des extraits de ses nombreux concerts. L’occasion de faire plus ample connaissance avec l’une des rares voix féminines du Maloya.

« Maloya, c’est toi qui m’as ouvert les yeux. Maloya, c’est toi qui veilles sur moi », « Le Maloya a illuminé ma vie », c’est à une véritable ode au Maloya que se livre Christine Salem dans sa dernière chanson intitulée « Merci ». La chanteuse sait de quoi elle parle car on peut dire que sa rencontre avec le Maloya l’a en quelque sorte « sauvée » d’un déterminisme social qui aurait pu l’amener vers des chemins de traverse.

Hasard ou coïncidence, le 20 décembre, date de l’abolition de l’esclavage à La Réunion (20 décembre 1848) correspond au jour anniversaire de sa naissance (20 décembre 1971). Peut-être est-ce cette date symbole qui a contribué à forger sa personnalité si forte et son engagement si profond contre toutes les formes d’injustice ? Peut-être est-ce aussi cette filiation ressentie qui l’a amenée au Maloya , cette musique intimement liée à l’histoire de l’esclavage ? Toujours est-il que Christine Salem a su faire d’une enfance erratique dans le quartier « Les Camélias » à Saint-Denis, réputé difficile, une force et un investissement.

Une rencontre déterminante avec le Maloya

Au point que marginale, rebelle et réfractaire à l’ordre établi et aux conventions, Christine Salem qui avait la « haine », comme disent les jeunes des quartiers difficiles, parviendra à trouver sa voie, en se réfugiant dans la musique. En rencontrant le Maloya, aujourd’hui classé par l’Unesco au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité (2009) et en apprenant à pratiquer le Kayanm, un instrument de percussion idiophone utilisé pour jouer le Séga ou le Maloya.

Une rencontre déterminante car écrire et chanter le Maloya lui a permis d’exprimer toutes ses frustrations et rancœurs, de s’identifier à ses racines à la fois créoles, malgache et comorienne. Bref, de trouver une forme d’apaisement et une certaine sérénité eu égard à ses déchirements et à sa quête identitaire.

Christine SALEM ©Franck Loriou

©Franck Loriou

Désormais, sa voix pure, singulière et rocailleuse sera la voix du Maloya. L’une de ses rares voix féminines. C’est ainsi qu’elle fonde en 1997 son propre groupe « Salem Tradition ». Elle a 25 ans. Quatre ans plus tard, en 2001, elle enregistrera lors du festival Les Escales son premier album intitulé « Waliwa », nom créole d’un poisson, héritage amérindien. Suivront deux autres albums « Krié » en 2003 et « Fanm » en 2006.

En 2010, devenue l’une des voix reconnues du Maloya de La Réunion, elle s’émancipe et enregistre son premier album solo « Lanboursir ». Elle récidivera en 2015 avec « Larg pa lo kor » où elle en profite réaliser des expériences et s’essayer à des échappées acoustiques, mêlant allègrement blues et Maloya, ses deux musiques de prédilection.

Une vie d’engagements

Donner de nombreux concerts et écumer les festivals, dont le Sakifo où elle est devenue incontournable, n’empêche pas Christine Salem de retrouver ses accents militants aussi bien dans ses chansons que dans les causes qu’elle défend (combat contre les violences faites aux femmes, lutte contre le racisme et les discriminations…). Elle ne manque pas non plus d’apporter sa pierre à l’édifice lorsqu’il s’agit d’exprimer sa solidarité en prenant part bénévolement à des projets éducatifs, en intervenant par exemple dans les écoles.

Résolument ouverte, elle n’hésite pas à entreprendre également des expériences musicales en mêlant son Maloya à l’orchestre de la Région Réunion, un projet symphonique baptisé « Christine Salem Sinfonik » qu’elle a présenté aux Francofolies de la Rochelle en 2019.

A 48 ans, rebelle, enracinée, mais libre, aussi intérieure que généreuse et attachante, ce sont ces facettes et bien d’autres de Christine Salem que l’on peut découvrir ou redécouvrir dans ce film-vidéo de 72 minutes signé Julien Faustino. Un documentaire à voir absolument pour qui aime le Maloya et donc forcément Christine Salem, car elle en est un peu l’âme.

E.B.