Nouvelle-Calédonie : L’Assemblée nationale adopte le report des élections provinciales

Nouvelle-Calédonie : L’Assemblée nationale adopte le report des élections provinciales

Après le Sénat, l’Assemblée nationale a approuvé, ce lundi à Paris, le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, qui pourraient donc se tenir avant le 15 décembre prochain. D’ici là, le gouvernement doit plancher sur le sujet, beaucoup plus sensible, de réforme constitutionnelle censée ouvrir le corps électoral. Un sujet de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

C’est par 71 voix pour et 31 contre que les députés ont définitivement adopté, sans modification, le projet de loi organique qui reporte les élections provinciales « au plus tard au 15 décembre 2024 », plutôt qu’au mois de mai. Le texte a été soutenu par le camp présidentiel, le groupe socialiste, Les Républicains et le Rassemblement national, tandis que La France insoumise, les communistes et les écologistes s’y sont opposés.

Ce report de quelques mois est la première étape, la moins sensible, du long chemin pour tenter de réformer les institutions du Caillou, notamment sur le sujet de l’ouverture du corps électoral. La nouvelle date butoir est « raisonnable pour laisser une chance aux négociations politiques locales d’aboutir », selon le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin.

Le gouvernement planche sur une réforme constitutionnelle qui s’annonce beaucoup plus tendue puisque les deux principaux partis indépendantistes calédoniens s’y opposent à ce stade. Elle prévoit de dégeler le corps électoral afin d’ouvrir les élections provinciales (actuellement réservées aux natifs et aux résidents arrivés avant 1998) aux personnes ayant au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie.

Le corps électoral « pas conforme aux principes essentiels de la démocratie »

Gérald Darmanin regrette que près « d’un électeur sur cinq » ne puisse pas voter à ces élections locales, ce qui « n’est conforme ni aux principes essentiels de la démocratie, ni aux valeurs de la République », estime-t-il. Un congrès décisif du Front de libération kanak socialiste (FLNKS), regroupant les principaux mouvements indépendantistes, est d’ailleurs programmé ce samedi 23 mars, trois jours donc, avant l’examen par le Sénat de cette réforme constitutionnelle.

Dans ce contexte, le report des élections est jugé « nécessaire ». Mais « il ne présume en rien de l’issue des discussions et pourrait même, si les circonstances l’exigent, ne pas être le dernier », relève le député calédonien Philippe Dunoyer (Renaissance), rapporteur du projet de loi adopté lundi.

« Position colonialiste et paternaliste »

Parmi les opposants au texte, la cheffe des députés Insoumis Mathilde Panot a critiqué la « méthode employée »« d’une brutalité à l’autre » avec un « ultimatum » du gouvernement pour mener à bien sa réforme constitutionnelle. « Vous ne proposez aucune solution alternative », a répondu Gérald Darmanin. « Ne confondez pas les débats, il y aura un débat constitutionnel qui viendra », a-t-il insisté.

Une passe d’armes a aussi brièvement opposé le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer au député guyanais Jean-Victor Castor (groupe GDR à majorité communiste), qui a fustigé la « position colonialiste et paternaliste » du gouvernement. « Vous n’allez pas me faire le coup du fait colonial ou de la vision colonialiste, je suis petit-fils de colonisés », a répliqué Gérald Darmanin, qui tient son deuxième prénom, Moussa, de son grand-père maternel algérien.

« Conjuguer l'exigence démocratique et la perspective politique »

Les deux députés calédoniens, issus de la majorité présidentielle, ont pris la parole lors de cette séance. Ainsi Philippe Dunoyer, a notamment rappelé que « ce report du scrutin, initialement prévu en mai, n'est pas un choix politique mais un impératif juridique ». Et ce notamment parce que « le corps électoral actuel déroge de plus en plus gravement aux principes d'universalité et d'égalité du suffrage. Ainsi, en 1999, seulement 7 % des électeurs étaient exclus de la liste spéciale provinciale, tandis qu'en 2023, ils sont près de 20 % », rappelle l'élu par ailleurs rapporteur du projet de loi. 

« L'ouverture du corps électoral provincial nous appelle donc à conjuguer l'exigence démocratique et la perspective politique que nous avons tracée en créant cette citoyenneté : celle de fonder une communauté de destin entre les natifs du pays et les femmes et les hommes investis durablement en Nouvelle-Calédonie », a ajouté Philippe Dunoyer.

Enfin, pour le député, ce report est également une solution pour que les élus calédoniens puissent encore trouver un accord entre eux (bien que certains indépendantistes aient décidé de suspendre les discussions jusqu'à nouvel ordre) : « Il faut donner un peu de temps au temps, pour que les partenaires des accords – État, non‑indépendantistes et indépendantistes – puissent construire un consensus sur un projet d'avenir partagé, susceptible de rassembler les Calédoniens dans leur diversité, au-delà de leurs divergences idéologiques. »

Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes