Mayotte : Jean Castex répond à Mansour Kamardine sur les violences juvéniles

Mayotte : Jean Castex répond à Mansour Kamardine sur les violences juvéniles

Le 23 avril dernier, le député Mansour Kamardine saisissait le Premier ministre par courrier. Le parlementaire réclamait des solutions pour répondre au défi sécuritaire, et plus particulièrement au fléau de la délinquance juvénile. Mercredi dernier, Jean Castex s’est fendue d’une réponse dans laquelle il met en avant plusieurs leviers pouvant permettre d’en finir avec la problématique des jeunes en perdition. Les détails de notre partenaire France Mayotte Matin. 

Depuis son élection en 2017, le député d’opposition Mansour Kamardine (LR) n’a cessé de saisir le Gouvernement, que ce soit au sein de l’hémicycle ou par courrier. Au mois d’avril, alors que le département faisait face à une nouvelle flambée de violences mêlant rixes, agressions et assassinats, le parlementaire a écrit au Premier ministre Jean Castex. L’occasion de revenir sur l’annonce de la venue à Mayotte d’une mission d'information interministérielle sur la jeunesse pour lutter contre la délinquance et la criminalité juvénile. Mansour Kamardine demandait notamment à ce que la mission d’information se transforme en mission de « préfiguration et de planification des actions urgentes à conduire ». 

Parmi les propositions, le député souhaitait accélérer le retour dans leur pays d'origine des mineurs étrangers non accompagnés ; mettre en œuvre l'accord cadre qui prévoit l’institution d’une commission franco-comorienne traitant du retour des jeunes comoriens auprès de leurs familles ou encore appliquer à Mayotte la « circulaire Taubira » permettant de répartir, sur le territoire hexagonal, une partie substantielle des milliers de mineurs étrangers non accompagnés présents à Mayotte. La semaine dernière, le Premier ministre a répondu à l’élu mahorais en campagne pour les élections cantonales. Jean Castex, qui assure partager les préoccupations de Mansour Kamardine, affirme que la lutte contre la délinquance et la criminalité font partie des priorités absolues à Mayotte. Le chef du Gouvernement a bien évidemment rappelé les moyens mis sur la table par l’État ces dernières années. 

Mais ce n’est pas tant le discours habituel qui apparaît intéressant mais le passage où le Premier ministre tente de se projeter sur les solutions à apporter. Selon lui, cette nouvelle mission inter inspection est absolument nécessaire et doit rendre ses conclusions avant la fin de l'année, sur deux axes principaux : « les réponses sociales et éducatives utiles et adaptées au territoire comme aux manques qui seront précisés, qualifiés et quantifiés, ainsi que les réponses judiciaires elles aussi indispensables et sans doute aménagées aux besoins du territoire de Mayotte ». 

« Retours accompagnés de mineurs comoriens dans leurs familles »

En effet, la justice semble aujourd’hui bien impuissante face à certains jeunes qu’elle ne connait que trop et dont le passage en prison constitue parfois un soulagement par rapport à un quotidien misérable. La prison c’est l’assurance d’être nourri, de disposer d’un toit et de participer à des activités qui sont bien souvent inaccessibles à l’extérieur. C’est sans doute là l’un des drames de Mayotte. Lorsque la prison est une alternative souhaitée, c’est que le mal est profond et sans doute inédit en France. 

Problème, le centre pénitentiaire de Majicavo est arrivé à saturation. Le taux de récidive montre par ailleurs, partout en France, que la privation de liberté n’est pas toujours le remède. Alors que faire de ces jeunes délinquants qui parfois atterrissent derrière les barreaux avant même d’avoir eu le temps de passer un premier diplôme et de se former à un métier ? Pour Jean Castex, il n’est pas possible de renvoyer aux Comores un enfant sans parents car c’est contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant de 1989. Néanmoins, le Gouvernement se penche, une nouvelle fois a-t-on envie de dire, sur l’ouverture de réflexions et de « contacts avec les autorités comoriennes dans le cadre de la mise en place de retours accompagnés de mineurs comoriens dans leurs familles ». 

Depuis plus de 20 ans, les parents renvoyés laissent de façon quasi systématique leurs enfants sur le sol mahorais dans l’espoir qu’ils jouissent d’un avenir meilleur. Dans les faits, cet abandon n’entraine bien souvent que malheur et désolation. Il est sans doute grand temps de mettre les parents mais également l’État Comorien devant leurs responsabilités. Car s’ils peuvent prétendre à devenir français arrivé à l’âge majeur, en attendant ces enfants n’en reste pas moins comorien. En ce sens, l’amendement du sénateur Thani est intéressant car il durcit encore l’accession à la nationalité française. Venir faire des enfants en France et les abandonner ou ne pas s’en occuper ne doit plus être une sinécure si Mayotte veut s’en sortir. 

Par ailleurs, le préfet Jean-François Colombet a brandi la menace de s’attaquer aux parents étrangers d’enfants qui sèment le désordre. Là encore, le levier semble à approfondir. Les parents ne peuvent pas être exempts de toutes responsabilités. Éduquer son enfant, lui apprendre les règles de vie en société, lui offrir un avenir qui ne repose pas uniquement sur le modèle social français... Autant de devoirs que les parents se doivent d’assumer. Car si la pauvreté est la source de bien des maux, il est réducteur de dire que tous les enfants pauvres sont des délinquants. Bien au contraire, une majorité d’entre eux tentent de s’en sortir et ne sont en aucun cas des fauteurs de troubles. 

Évolution du RSMA

Un certain nombre sont d’ailleurs passés entre « les mains » du RSMA. Et c’est là l’autre information à relever dans cette réponse du Premier ministre. Jean Castex rappelle que ce dispositif de formation militaire et professionnalisante montre régulièrement son efficacité. « Des évolutions de format qui pourraient concerner Mayotte en premier lieu sont actuellement étudiées par la ministre des Armées et le ministre des Outre-mer, et des propositions me seront soumises rapidement », conclue le chef du Gouvernement. Quand on se penche sur les chiffres d’insertion du RSMA, ce levier semble l’un des seuls qui fonctionne vraiment. 

En effet, la rigueur, l’exigence et les valeurs inculquées par les militaires servent bien souvent de déclics pour remettre des jeunes dans le droit chemin. Lorsque l’on évalue à quel point certains délinquants semblent sans foi ni loi et éloignés de toute réalité, cette formation militaire, qui s’adresse uniquement aux jeunes français de 25 ans et moins, apparaît comme l’une des solutions à court moyen et long terme. Car tous les délinquants ne sont pas étrangers, la justice estime à 50% les faits de délinquance commis par des français à Mayotte. Reste donc maintenant à savoir si le Gouvernement agira vraiment sur ces différents leviers ou s’il ne s’agit que d’effets d’annonces, à moins d’un an des élections présidentielles. 

Pierre Bellusci pour France Mayotte Matin