Évacuation sanitaire entre La Réunion et l’Hexagone : Retour sur une première mondiale assurée par Air Austral

Évacuation sanitaire entre La Réunion et l’Hexagone : Retour sur une première mondiale assurée par Air Austral

C’est une première mondiale que la compagnie réunionnaise a réalisée en effectuant une évacuation sanitaire de quatre patients touchés par le Covid-19, entre La Réunion et l’Hexagone, dans la nuit du jeudi 4 au vendredi 5 mars. Benoît Schäfer, Directeur général adjoint Opérations aériennes, Exploitation et Maintenance chez Air Austral, revient sur cette opération inédite résultat d’un travail collaboratif de longue haleine entre le SAMU de La Réunion et la compagnie, qui a permis le développement d’un nouveau savoir-faire face à la pression sanitaire et hospitalière de l’île.

Outremers360 : Vous venez d’effectuer le premier vol d’évacuation sanitaire entre La Réunion et l’Hexagone : comment cela s’est-il passé ?

Benoît Schäfer : Cela s’est excellemment passé. Les équipes médicales sont satisfaites de l’opération, les équipes d’Air Austral sont aussi fières et heureuses d’y avoir participé. Tout s’est bien déroulé, de la préparation à l’embarquement et l’installation des quatre patients sur les civières. Le vol s’est déroulé tranquillement, il est parti à l’heure, à 21h30 à La Réunion, et est arrivé à l’heure également, à 5h30 à Paris. Surtout, nous sommes soulagés que les patients soient arrivés dans un état médical stable, et dans l’heure suivant l’arrivée du vol, ils ont été dispatchés dans les hôpitaux parisiens. Les équipes techniques, les navigants d’Air Austral et les équipes médicales sont satisfaits et soulagés.

Quelles ont été les étapes pour arriver à mettre en place cette évacuation sanitaire, notamment sur des appareils qui sont d’abord des avions de ligne ? 

C’est un projet qui a démarré il y a 10 mois. Lors du premier pic épidémique, le SAMU de La Réunion a pris contact avec Air Austral avec déjà l’idée d’anticiper la nécessité d’évacuer sur la métropole. On a initié les études ensemble pour pouvoir conjuguer les besoins et les contraintes des équipes médicales, ainsi que les contraintes techniques et leurs limites.

ZONAGE_787

Il y a eu des travaux avec une très bonne collaboration. Ce qui nous a permis de définir un schéma de chargement avec quatre civières à l’intérieur du 787 Dreamliner, de définir un protocole à bord en divisant la cabine en trois zones : une zone « verte » à l’avant, non contaminée, non dangereuse ; une zone intermédiaire « tampon » qui est une zone de passage qui permet notamment au personnel de s’équiper en blouses, masques, charlottes, lunettes et gants ; et une zone « rouge » où se trouve les quatre civières avec les patients sous assistance respiratoire. L’avantage du 787, qui est un avion avec deux couloirs, a permis également de définir un sens de circulation. Tout cela, c’est un premier travail effectué en collaboration avec les équipes médicales.

WhatsApp Image 2021-03-05 at 11.53.05 (1)

Ensuite, il a fallu passer dans la phase plus technique et aéronautique, c’est-à-dire demander les agréments à l’aviation civile pour pouvoir installer quatre civières dans un avion homologué avec deux emplacements pour civières, à l’arrière de la cabine. On a rajouté deux civières sur les sièges centraux et il a fallu travailler avec l’aviation civile pour faire homologuer cette configuration. La contrainte principale sur laquelle nous avons dû travailler, c’est de définir la quantité de bouteilles d’oxygène limite à bord, étant donné que les patients sont en permanence sous assistance respiratoire. Les équipes médicales ont fait savoir le volume dont ils avaient besoin à bord et pour savoir si le volume souhaité pouvait être transporté, nous avons fait une demande technique au service de l’aviation civile pour avoir une autorisation exceptionnelle pour pouvoir avoir la quantité nécessaire à bord.

Quelle a été la phase la plus complexe à mettre en place ? La phase technique, c’est-à-dire équiper l’appareil pour assurer des évacuations sanitaires, ou la phase administrative pour avoir les autorisations de l’aviation civile ? 

Ce sont deux activités très différentes. L’obtention des autorisations est difficile et importante en soi. On a fait travailler les services techniques et bureaux d’étude de la compagnie pour pouvoir définir quelles étaient les limites et le cadre dans lequel on allait opérer « aéronautiquement » cette évacuation sanitaire. Nous n’avons absolument pas géré la problématique médicale. Ensuite il y eut la phase de réalisation de cette opération comme monter les civières ou encore, organiser la circulation. Et là aussi, les équipes d’Air Austral ont travaillé pour permettre l’installation de ces civières, dont deux étaient à des emplacements inhabituels générant des contraintes supplémentaires qu’il a fallu traiter. Toutes les étapes sont complexes et délicates à mettre en place, mais tout le monde y a contribué et mis sa compétence.

WhatsApp Image 2021-03-05 at 11.53.05 (2)

Vous avez parlé de votre collaboration avec le SAMU de La Réunion. Quels ont été les autres partenaires et leurs rôles respectifs dans cette opération ? 

Il y a eu effectivement un travail préparatoire avec le SAMU de La Réunion qui a permis d’élaborer les procédures et briefing au niveau des équipages. Ensuite dans cette opération, il y a aussi le SAMU de Paris sous la houlette de l’Agence régionale de Santé de La Réunion. Et bien sûr, comme les patients étaient au CHU de La Réunion, il y a aussi eu un travail collaboratif, beaucoup plus médical. Sur le plan aéronautique, nous avons naturellement travaillé avec la direction régionale de l’aviation civile. Ils nous ont vraiment guidé pour obtenir les autorisations exceptionnelles pour ce vol. Chacun est intervenu, mais toute la préparation de l’opération a été faite avec les équipes du SAMU de La Réunion.

Combien de personnes ont été nécessaires pour assurer ce vol ?

Concernant l’équipe médicale : c’est une vingtaine de personnes. Il y des médecins, un chef de mission, des logisticiens… qui s’occupent exclusivement des patients. Du côté d’Air Austral, il y avait dix personnels navigants commerciaux en plus des trois pilotes habituellement nécessaires pour ce type de vol. Et nous avons mis un coordinateur et un technicien à bord.

Comment cela s’est passé à bord concernant les mesures sanitaires entre les différents personnels et les patients ? 

C’est bien tout le travail qui a été fait en amont de mettre en place les procédures. Il faut savoir que l’air conditionnée à bord circule de bas en haut et de l’avant à l’arrière, c’est pour cela que la zone saine est à l’avion de l’appareil. Ensuite, les patients étant sous assistance respiratoire permanente, il n’expire pas à l’extérieur. Et le protocole est très stricte : l’accès à la zone civière est très réglementé, le personnel médical est équipé et il n’y a aucune interaction entre le personnel navigant et les patients. Le personnel navigant n’est là que pour la gestion du vol et être présent sur l’aspect sécuritaire du vol.

WhatsApp Image 2021-03-05 at 11.53.05 (3)

Est-ce que dans l’immédiat vous avez un calendrier des prochaines évacuations sanitaires ? 

Nous sommes prêts à le refaire. Il y a plus de 120 personnels navigants commerciaux prêts à refaire le vol, une quarantaine de pilotes également qui se sont portés volontaires. L’équipage qui a fait ce premier vol s’est aussi porté une nouvelle fois volontaire dès l’arrivée à Paris. Toutefois, ce n’est pas nous qui prévoyons et nous restons à dispositions des autorités sanitaires.