À Mayotte, le Conseil cadial s’implique davantage dans la lutte contre le cancer

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À Mayotte, le Conseil cadial s’implique davantage dans la lutte contre le cancer

En plein mois de sensibilisation au cancer du sein, appelé plus communément « Octobre Rose », le Conseil cadial* de Mayotte a paraphé, ce jeudi 6 octobre, une convention de partenariat avec l’Asca et l’Amalca. Ces deux associations locales, qui aident les malades atteints d’un cancer, comptent sur l’autorité religieuse pour briser certains tabous. Un sujet de notre partenaire Mayotte Hebdo.

« Je préconise quand on est malade d’aller voir son médecin et ne plus aller voir de marabouts », proclame Mahamoudou Hamada Saanda, ce jeudi 6 octobre. Le Grand cadi de Mayotte veut en finir avec ce réflexe pris par certains malades d’avoir recours à la sorcellerie en guise de traitement, et il le fait savoir. À ses côtés, l’aumônier régional Saïd Ali Mondroha, ainsi que les présidentes de l’Amalca et l’Asca, approuvent le message. Ensemble, ils viennent de signer une convention de partenariat dans les locaux du Grand Cadi, à Mamoudzou. Celle-ci a plusieurs buts, notamment que les cadis fassent connaître davantage les associations ou que des événements conjoints puissent être organisés.

Cette entente va permettre de faire aussi un grand pas en avant dans la libération de la parole, selon la dirigeante de l’Amalca (Association mahoraise pour la lutte contre le cancer), Nadjlat Attoumani. « La maladie est encore taboue dans la société mahoraise. Dans la religion, on ne doit pas dire ce qu’on a, se mettre en avant », regrette-elle, rappelant qu’elle se trouvait elle-même démunie quand elle a appris qu’elle avait un cancer du sein. Une fois confronté à la maladie, il devient souvent difficile de trouver quelqu’un avec qui parler. Sa structure, basée dorénavant dans le quartier de M’Gombani, organise des activités telles que des événements, des groupes de parole ou des ateliers maquillage.

Autre organisme, l’Asca (Association des soignants contre le cancer) est davantage animée par des professionnels de santé comme son nom l’indique. « On essaie de trouver des solutions par rapport aux évasan (évacuations sanitaires). C’est souvent compliqué pour le patient. On [lui] annonce en même temps qu’il est malade, qu’il doit être transféré vers La Réunion et qu’il va devoir quitter sa famille », explique Anrifia Ali Hamadi, la présidente. Afin de faciliter les voyages, son association a créé des kits qui ont été distribués aux cadis à l’issue de la signature, ce jeudi matin.

« Visiter les malades fait partie de notre religion » 

Pour le Conseil cadial, signer un tel partenariat est tout aussi logique, l’autorité religieuse a toujours un poids important dans la société mahoraise et « visiter les malades fait partie de notre religion », fait remarquer le Grand cadi. Car mêler sa foi et la santé, ce n’est pas incompatible sur le territoire. Des aumôniers sont, par exemple, déjà présents au centre hospitalier de Mayotte. Ils y pratiquent les rites funéraires, font des prières avec les familles ou écoutent les patients qui désirent se confier.

Ahamada Bacar, aumônier du centre hospitalier de Mayotte, sert ainsi d’interface entre les différentes cultures et la médecine moderne. « Aux Comores, c’est mal perçu d’annoncer à un malade, il faut d’abord que la famille soit au courant avant lui. Ici, on sait bien que c’est le premier concerné qui doit d’abord savoir », donne comme exemple ce religieux polyglotte. « Le cancer, les gens l’associent tout de suite à la mort. Alors qu’on peut guérir et vivre plusieurs années avec. » Sa présence dans un milieu où le vocabulaire médical prédomine rassure, tout comme la possibilité de garder un lien précieux avec la religion. La présence des cadis au CHM doit d’ailleurs se renforcer avec le nouveau partenariat.

« Souvent, les patients n’osent pas sortir leur Coran. Ils pensent que comme ils sont dans un pays laïc, ce n’est pas autorisé. Alors que c’est un droit le plus strict », note également l’aumônier avec un sourire.

Alexis Duclos pour Mayotte Hebdo

* Personnage essentiel dans les sociétés musulmanes, le Cadi est un juge musulman remplissant des fonctions civiles, judiciaires et religieuses. À Mayotte, si les fonctions des Cadis ont diminué en faveur du droit civil français, ils demeurent importants et ont un rôle significatif dans la vie de la cité. Le Conseil cadial rassemble tous les Cadis de Mayotte, sous l’autorité du Grand cadi.