« La veuve aux mille rivières » de l'auteur guadeloupéen Ernest Pépin : Un émouvant voyage initiatique dans l'intimité du deuil et de l'amour jusqu'à la résilience

« La veuve aux mille rivières » de l'auteur guadeloupéen Ernest Pépin : Un émouvant voyage initiatique dans l'intimité du deuil et de l'amour jusqu'à la résilience

Nouveau roman de l'auteur guadeloupéen Ernest Pépin, « La veuve aux mille rivières »,  paru aux éditions Kalinas, nous transporte dans l'intimité du deuil et de ses effets. Un émouvant voyage initiatique sur le chemin de l'existentiel vers l'essentiel raconté à la première personne. L'une des plus belles oeuvres de cet auteur considéré comme l'un des plus féconds de la littérature antillaise.

« Le vrai tombeau des morts, c'est le coeur des vivants ». C'est probablement à partir de cet aphorisme qu'est née la trame du dernier manuscrit de l'auteur guadeloupéen Ernest Pépin « La veuve aux mille rivières ». Un roman paru aux éditions Kalinas, une jeune et disruptive maison d'édition guadeloupéenne dirigée par Mathieu Gama, auteur de l'essai à succès « Le jour où les Antilles feront peuple ». Car si son roman nous plonge dans l'intimité d'un deuil et son corollaire, c'est-à-dire de l'inévitable déni jusqu'à la salvatrice acceptation, c'est aussi et surtout d'espoir et d'amour dont il s'agit.

En effet, à travers ce récit raconté à la première personne, Ernest Pépin, l'un des auteurs les plus féconds de la littérature antillaise voire caribéenne, a choisi de nous immerger dans les pensées d'une femme qui, éplorée et frappée par le deuil, transforme son cri de douleur en véritable déclaration d'amour.

Un langage poétique

Dans son langage poétique puisé dans ses racines guadeloupéennes enrichies de sa culture caribéenne, Ernest Pépin fait dire à son héroïne Denise, dont la mort déséquilibre les fondements de son existence et qui se refuse à accepter l'évidence de la disparition de son être cher : « Les gens n'ont pas idée. Ils croient qu'être veuve c'est seulement perdre quelqu'un qu'on avait ajouté à soi. Pour moi, c'est être amputée d'un être qui est en moi, qui est moi. Il erre quelque part dans l'espace et émet des signaux que je ne peux percevoir. Parce qu'il est nulle part. Je le vois partout. Une feuille bouge, c'est lui. La pluie se déverse, c'est lui. Un oiseau passe, c'est lui. Une image me hante, c'est lui. Le repas brûle, c'est lui. Une forme dans les nuages, c'est lui. Tout partout, c'est lui. Lui en toutes sauces ».  On ne saurait faire une plus belle déclaration d'amourA travers ce voyage iniatique aux frontières de la mort, de l'amour jusqu'à la résilience « La veuve aux mille rivières » nous invite aussi à réfléchir au chemin de l'existentiel vers l'essentiel car « ceux qui partent nous laissent la maladie de vivre », pour reprendre une expression usitée.

Une des plus belles oeuvres de sa bibliographie

Il faut  parfois « avoir l'humilité d'accepter ce qu'on ne peut changer », selon la prière de Saint-François d'Assise. C'est cette dimension biblique qu'on retrouve par ailleurs dans le roman d'Ernest Pépin pour qui la femme est par essence une divinité et à ce titre empreinte de spiritualité voire  de religiosité.

Mais cette histoire ramenée à une dimension plus humaine indique surtout que l'arrachement n'efface pas l'attachement et plus encore que l'amour peut être industructible. Manière aussi de nous dire qu'il y a toujours des raisons d'espérer car la vie est espérante. Au final, "La veuve aux mille rivières" est une leçon de vie sur laquelle l'auteur nous invite à méditer.

A 71 ans, cet ancien professeur de français et critique littéraire qui a publié son premier roman « L'homme au bâton »en 1992, nous délivre l'une de ses plus belles oeuvres et l'un des romans le plus abouti de son importante bibliographie. Un ouvrage qui mériterait d'être distingué par un grand Prix littéraire non seulement pour la force et la puissance qu'il dégage, mais également pour le langage poétique qui s'y exprime.

E.B.

La veuve aux mille rivières

Ernest Pépin

Editions Kalinas

162 pages