Guyane : Découverte d’une nouvelle zoonose chez un orpailleur en marge de l’étude Malakit

Guyane : Découverte d’une nouvelle zoonose chez un orpailleur en marge de l’étude Malakit

Une nouvelle zoonose, maladie infectieuse qui est passée de l'animal à l'homme, a été découverte pendant l’étude Malakit, dédié aux stratégies de lutte contre le paludisme chez les orpailleurs en Guyane. Identifié chez un orpailleur clandestin qui avait subi une ablation de la rate. L'Agence Régionale de Santé (ARS) dans sa lettre pro, détaille les éléments qui ont permis cette découverte.

Une découverte qui abonde dans le sens de nombreuses études récentes mettant en avant la manière dont l’exploitation de zones naturelles expose davantage l’homme à de nouvelles maladies transmises par les animaux. La théorie est ici confirmée par l’exemple, puisqu’un orpailleur clandestin en a été victime, ses globules étant porteurs d’une bactérie jusqu’ici inconnue, baptisée Anaplasma sparouinense. Hospitalisé plusieurs semaines à Cayenne, les équipes de l’hôpital de Cayenne et du CNRS de Montpellier ont fait part de leur découverte dans un article publié dans Emerging Infectious Diseases ce mois d’août 2022, résumé par le Centre national de recherche scientifique (CNRS).

Initialement, c’est donc par le biais du projet Malakit que la découverte a pu être faite. Ce programme de recherche vise à déterminer l’efficacité de la distribution de kits d’auto-diagnostic et d’auto-traitement du paludisme à des orpailleurs illégaux. Ces opérations sont également l’occasion de vérifier l’état de Santé général des personnes, « un intérêt individuel pour la personne et un intérêt de santé publique », explique le Dr Maylis Douine (CHC).

Dès la première étude en 2015, les chercheurs étudient les infections sexuellement transmissibles des orpailleurs clandestins. Lors de la seconde en 2019, ils ajoutent les zoonoses, telles que fièvre Q, lèpre, leptospirose, etc. De son côté, le CNRS de Montpellier qui travaille sur les maladies transmises par les tiques, contacte les membres du projet car souhaitant étudier les échantillons prélevés sur les orpailleurs clandestins. 

C’est dans le cadre de ces études que les scientifiques du CNRS tombent sur une anaplasma, une bactérie présente sur les plaquettes sanguines, jamais décrite jusqu’alors. Alertés, les chercheurs de l’hôpital de Cayenne et de l’Institut Pasteur de Guyane où une partie des échantillons étaient stockés reprennent les prélèvements du patient et les étudient au microscope pour tenter de repérer les anaplasma, qui pénètrent les globules rouges.

La bactérie est alors baptisée Anaplasma sparouinense, du nom de la crique Sparouine où le patient déclarait chercher de l’or. Pour le CNRS, « ce nouvel agent pathogène appartient au genre bactérien Anaplasma, dont la bactérie la plus connue est Anaplasma phagocytophilum, responsable de l’anaplasmose granulocytaire humaine. Cette zoonose émergente est responsable chaque année de plusieurs centaines de cas, parfois mortels. Les études génétiques ont révélé qu'Anaplasma Sparouinense est un nouvel agent infectieux, différent de toutes les espèces connues d’Anaplasma ».

Forts de cette découverte, les chercheurs de l’hôpital de Cayenne essaient alors de retracer le parcours de l’orpailleur clandestin. Au moment du prélèvement, en 2019, il ne présentait pas de symptômes, mais le Dr Douine et ses collègues découvrent qu’en avril 2021, dix-huit mois après les prélèvements effectués sur une base arrière de l’orpaillage clandestin, l’orpailleur a été hospitalisé à l’Umit par l’équipe du Centre Départemental de Prévention Santé (CDPS) de Grand santi en raison de fièvre, douleurs musculaires, céphalées, saignements de nez et anémie sévère. Son dossier médical rappelle qu’il a subi une ablation chirurgicale de la rate. Cet organe absent ne pouvait donc pas assurer ses différents rôles immunitaires, les risques d’infection en sont augmentés.

Son dossier médical permet également de retrouver son contact. Au téléphone, il indique être retourné vivre chez lui, au Brésil. Il autorise également l’hôpital de Cayenne à poursuivre ses recherches sur son cas. L’Anaplasma est notamment retrouvée sur les échantillons prélevés lors de son séjour à l’hôpital. Le patient en a donc été porteur pendant au moins dix-huit mois.

Pour le CNRS, il « existe en réalité tout un groupe sud-américain d’Anaplasma émargeants, dont Anaplasma sparouinense est le premier membre décrit comme infectieux pour l’humain. La vie sur le site d’orpaillage, en contact direct avec la faune sauvage, fut sans doute un facteur déterminant pour le passage de l’agent infectieux vers l’humain. Il est encore trop tôt pour affirmer l’importance qu’aura l’anaplasmose de Sparouine dans le futur, et quel risque sanitaire la maladie pourrait alors présenter pour les populations sud-américaines. Sa simple existence nous rappelle toutefois que notre connaissance de la diversité des agents pathogènes circulant dans les zones naturelles reculées reste encore très partielle. L’expansion des activités humaines dans ces régions conduira inévitablement les populations à s’exposer au risque d’émergence de zoonoses similaires ».

Damien Chaillot