Antilles : Une étude sur les implications géopolitiques et sécuritaires de la vulnérabilité climatique

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Antilles : Une étude sur les implications géopolitiques et sécuritaires de la vulnérabilité climatique

Une note du Programme Climat, Énergie et Sécurité de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) s’est penchée sur les conséquences actuelles et futures des changements climatiques au sein de la Caraïbe insulaire, et de leurs implications géopolitiques et sécuritaires. Les territoires français de la zone sont concernés, notamment les forces armées qui y sont implantées et dont les capacités opérationnelles et les missions pourraient être durement affectées. 

Sismicité du nord de l’arc antillais, ouragans et conditions météorologiques extrêmes, montée des eaux, la Caraïbe insulaire est au premier plan des bouleversements climatiques. « À cette spécificité régionale s’ajoutent des caractéristiques propres aux territoires insulaires : faible superficie, isolement géographique, forte dépendance vis-à-vis des continents, ou encore activités économiques peu diversifiées, et directement tributaires des ressources naturelles locales », souligne Marine de Guglielmo Weber, chercheuse à l’IRIS et autrice principale de l’étude. 

Consacrant un chapitre aux Forces armées françaises aux Antilles face aux changements climatiques, elle relève des capacités militaires vulnérables face aux aléas environnementaux, les principales infrastructures militaires étant notamment localisées près des côtes, sur des territoires à faible altitude. « Le fort Saint-Louis et le Pôle aéronautique étatique du Lamentin, par exemple, sont en première ligne face au risque de submersion qui pèse sur les communes de Fort-de-France et du Lamentin. L’élévation progressive du niveau de la mer de même que la multiplication et l’intensification des phénomènes météo-climatiques extrêmes sont autant de facteurs de dégradation des conditions sécuritaires des emprises situées dans ces zones côtières. Or, la présence française dans la Caraïbe dépend au premier chef de ces emprises, et notamment des ports qui revêtent une importance géostratégique de premier ordre », précise la chercheuse.

Il y a aussi la vulnérabilité des équipements, l’augmentation de la température de l’air ainsi que la hausse de la température et du niveau de l’eau pouvant également affecter leur pérennité. Exemples, les températures élevées entraînent l’usure prématurée des systèmes de stockage de l’énergie, par pile et par batterie ; les flottes aériennes pourraient être de même altérées par des problèmes thermiques, car des fortes chaleurs pourraient affecter les capacités d’emport, de décollage, de vol et d’atterrissage des aéronefs, sans compter toutes les technologies liées à la communication des données.

Vulnérabilité climatique dans la Caraïbe insulaire : quelles implications sécuritaires ?

Au niveau maritime, l’augmentation de la température de l’eau pourrait entraîner des problèmes de refroidissement des moteurs de propulsion des navires. « Un dernier exemple des impacts des changements climatiques sur le matériel marin pourrait être trouvé dans la violence accrue des vagues de l’Atlantique, qui représente un nouveau défi pour les usagers de la mer, parmi lesquels les navires de guerre. L’impératif du remplacement plus fréquent du matériel ou de son optimisation via de nouveaux procédés de fabrication devra être éprouvé tout en prenant en compte le phénomène de raréfaction des ressources et l’évolution des normes civiles sur l’environnement et l’énergie », explique Marine de Guglielmo Weber dans sa note.

Les bouleversements climatiques dans la Caraïbe induisent également des changements dans la manière dont les capacités sont sollicitées, c’est à dire les missions des forces et le contexte géopolitique et sécuritaire dans lequel elles évoluent. L’autrice prend comme exemple l’opération Irma, qui a mobilisé 800 militaires suite à la destruction de 95 % du bâti de l’île de Saint-Martin en 2017. Elle affirme : « Non seulement la multiplication à venir des événements météo-climatiques extrêmes augmente graduellement la fréquence à laquelle les forces armées françaises vont être mobilisées pour ce type de missions, mais elle peut également complexifier le deuxième grand axe d’action des forces françaises dans la région : la lutte contre les trafics en mer, notamment le narcotrafic et la pêche illégale, au moyen des frégates de surveillance Ventôse et Germinal ».

Par ailleurs, la chercheuse insiste sur les changements climatiques comme facteurs d'insécurité dans la zone.La compétition pour les ressources essentielles, notamment hydriques, alimentaires et énergétiques, serait susceptible de mener à des affrontements au sein des populations et entre les différents secteurs d’activités pour leur monopolisation. En outre, « le ressentiment des populations locales pourrait se voir amplifié par le rapprochement des Antilles avec les organisations régionales, un renforcement de l’identification culturelle à la Caraïbe, et l’exigence d’un engagement financier plus conséquent de la part de la métropole. En ce sens, le climat de contestation qu’on observe dans les Antilles françaises doit être pris en compte comme un facteur potentiel de déstabilisation du contexte opérationnel », écrit-elle.

L’étude dans son intégralitéQuelles implications géopolitiques et sécuritaires de la vulnérabilité climatique dans la Caraïbe insulaire ?

PM