L’Outre-mer et les énergies marines aux 6èmes assises du Syndicat des énergies renouvelables

L’Outre-mer et les énergies marines aux 6èmes assises du Syndicat des énergies renouvelables

©Ray Collins

Du 4 au 6 Juin dernier, la 6ème rencontre du Syndicat des énergies marines renouvelables (SER) se tenait à Dunkerque à la veille de la grande rencontre professionnelle SEANERGY. La précédente rencontre avait eu lieu à Brest en Novembre 2018, marquée par la douche froide de l’annonce restreinte des Énergies marines renouvelable (EMR) dans la future PPE. La mobilisation du cluster maritime, du SER, des différents acteurs a conduit en mars à une révision du projet, et l’énergie des mers se repositionne.

Une attente quant au coût du kwh

Tous les participants attendaient l’annonce des choix concernant les industriels ayant répondu à l’appel d’offre de la première ferme éolienne marine française attendue au large de Dunkerque. Il faudra encore un peu de patience : quelques débats au sein de la CRE (Commission de régulation de l’énergie) restent en cours concernant le prix du kwh et la capacité du futur consortium- un groupement de candidats puissants et expérimentés – à le tenir.

Un message du Ministre de l’Écologie François de Rugy le rappelait « du bas coût du kwh dépendra l’avenir de la filière offshore française ». On est vraiment en face d’une baisse spectaculaire des coûts. Une turbine de 12MW en mer produira 10 à 12 fois plus qu’une éolienne classique et le secteur a atteint maturité technique et industrielle

Alors, se définira peut-être par ce choix un avenir de l’éolien offshore sans subventions. Certains ont cependant mis en garde : « il ne faut pas céder à une notion de prix dur. Le low cost pourrait conduire à ce qui s’est passé dans le solaire. Nous devons pouvoir poursuivre l’innovation, l’accompagnement de l’ouvrage et la création d’emplois sur le territoire. Attention aux délocalisations ! »

Demain l’éolien flottant

Tout va très vite. Il y a quelques mois au siège d’EDF énergies renouvelables, l’éolien en mer était encore présenté comme « impossible dans les zones tropicales pour des îles au tombant trop important ». Une vision juste quand on réfléchissait à l’éolien en mer posé. Mais, en quelques mois les progrès techniques de l’éolien flottant permettraient l’installation d’éolienne sur de profondeurs très importantes : la puissance des machines a augmenté, partie de 6 à 9 MW, puis à 10, elle est aujourd’hui prévisible à 10/12 MWH ; la connaissance de l’énergie des courants a progressé ; la maintenance en mer, comme les techniques de raccordement ont aussi évolué. Quant au flottant il se passe des engins de levages (pour poser mat et nacelle sur le tronc posé) et permet de se contenter du remorquage.

©Wikicommons

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En Loire Atlantique, à 22km du Pornichet, la première éolienne flottante a commencé à produire de l’électricité. Cette éolienne pilote fournit de l’électricité à 5000 personnes (2MW). La « piscine », le trou au milieu des flotteurs, permet de compenser des vagues pouvant aller jusqu’à 16m de haut et la machine a déjà vu passer deux typhons au Japon. Le prototype de la start-up IDEOL pourrait bientôt être déployé en série, notamment en Guadeloupe et à la Réunion. « C’est le moment d’en parler », nous susurre-t-on dans les couloirs de SEANERGY car la concurrence avec le Japon, Taïwan et la Corée est rude et la France a encore une chance de devenir un des leaders mondiaux de l’éolien flottant.

Où en est l’énergie Thermique des mers ? 

Nemo et sa production électrique au cœur de la mer à la Martinique faisait rêver. Mais Nemo a fermé faute de moyens. Un autre projet se dessine Outre-mer. Jean-Paul Virapoullé défend le projet de l’éco-port de Bois rouge, qu’il présentait déjà en 2015 à François Fillon. La ténacité a-t-elle du bon ? Il semblerait. A Dunkerque, Naval Energie porte l’avancée du projet.

L’éco port est devenu une « éco-technopôle sur un territoire d’innovation » présenté au Conseil régional réunionnais en mars dernier. Il n’aboutira pas avant au moins trois ans, mais entre-temps les technologies se perfectionnent. Sur le stand de Naval Energie (ancienne DCNS) Victor Bouissou reprend l’explication commencée à la Réunion en janvier dernier chez son partenaire l’IUT de Saint Pierre, où nous avions visité un prototype permettant de remarquables expériences en termes d’EMR.

Il semblerait que le repli vers la terre devienne l’avenir des énergies marines renouvelables, une sorte de SWAC XXL. On reste sur un échange de production d’énergie grâce à un gradient d’un différentiel de 20° de températures, mais on se soustrait aux contraintes imposées par les circulations de fluides dont l’ammoniac (dont on trouvera sans doute bientôt un substitut), aux contraintes des fixations couteuses et des raccordements complexes, en pleine mer.

©Naval Group

©Naval Group

Le modèle réunionnais trouve ses informations bien loin, à Hawaï et au Japon. A plus petite échelle, y sont installées des fermes marines. « En fait l’idée est de trouver le modèle économique. La production d’électricité seule reste trop chère dans une logique de compétitivité. Il faut donc installer des coproduits comme une centrale de valorisation de l’eau des profondeurs qui ne produirait pas seulement de l’électricité, mais alimenterait une série de « briques » : dessalement de l’eau de mer (production d’eau en bouteilles), SWAC (Sea Water Air Conditioning pour le refroidissement des bâtiments ou des data centers) , aquaculture à forte valeur ajoutée comme l’élevage des ormeaux par exemple,…Bref le business model fonctionne dans une valorisation sans subvention de tous les apports, une recherche d’équilibre économique au cas par cas ». Mais tout cela reste en phase non commerciale donc très couteux.

Ces infrastructures sur la partie on shore (partie terrestre) du pôle portuaire de Bois rouge (PPIEBR) sont estimées à environ 250 millions d’euros. Une centrale électrique (différentiel de température) mais également un entrepôt de ravitaillement et de stockage de gaz naturel liquéfié (GNL) pourrait y être installés. Jean-Paul Virapoullé (maire de Saint André) a également annoncé la construction dès 2020 sur le site d’un centre de traitement logistique de containers.

Enfin d’autres projets attendent des opérateurs

L’Hydrolien fluvial et marin lui aussi progresse. En 2010, convaincu de la nécessité de développer le mix énergétique avec une part importante de renouvelables, la société Hydroquest mise sur des solutions hydroliennes innovantes. Aujourd’hui, elle construit de lourdes structures capables de fournir de l’électricité à partir de forts courants marins en pleine mer mais aussi des structures plus légères adaptées à la profondeur et à la puissance des fleuves.

©EDF

©EDF

« Ces machines pourraient très bien fonctionner sur l’Oyapock », précise le président d’Hydroquest Jean François Simon. « Il faut pour que cela marche, beaucoup de courant et de vitesse. Il y a huit ans j’en avais posé une avec le soutien d’EDF SEI. Je ne sais même pas si elle marche encore. Elles se posent dans des endroits isolés, hostiles. Peuvent produire de 50 à 100kwh de quoi alimenter un village ou au moins se passer des groupes électrogènes très polluants. On sait faire cela, on a juste besoin de dialoguer avec des développeurs, car on peut aider à trouver les tronçons et les sites ».

L’appel est donc lancé pour les fleuves de Guyane, mais Hydroquest s’est déjà installé en Polynésie, dans l’archipel des Tumotu, où « les passes de la ceinture corallienne valent les estuaires. Le courant y fonctionne suffisamment et dans les deux sens » L’intérêt de cette technologie est son adaptabilité et sa capacité à satisfaire les sites isolés.

Dominique Martin-Ferrari, Métamorphoses Outremers.