Route du Rhum : Joyon le magnifique s’impose à 62 ans

Route du Rhum : Joyon le magnifique s’impose à 62 ans

©Jean-Marie Liot / Alea / IDEC Sports

De la pure folie ! Jamais une victoire ne s’était jouée dans un finish aussi serré depuis 40 ans et la première édition ! Dimanche, à 62 ans, Francis Joyon a remporté la Route du Rhum au terme d’un corps à corps grandiose avec le jeune François Gabart.

La septième a été la bonne ! Depuis sa première participation en 1990, Francis Joyon n’avait jamais réussi à s’imposer sur la Route du Rhum. Et c’est dans un scénario des plus hitchcokien qu’il a coupé la ligne en vainqueur à 23h21 locales (04h21 en métropole, 03h21 GMT) au terme de 7 jours 14 heures 21 minutes et 47 secondes passés en mer, soit un nouveau record (le précédent avait été établi par Loïck Peyron en 2014, 7 j 15 h 8 min 32 sec). « C’était vraiment une course extraordinaire. Le fait de ‘tactiquer’ avec François (Gabart), c’était vraiment passionnant », a dit Joyon après avoir arrosé la foule très nombreuse sur les pontons, et avoir esquissé quelques pas de danse.

Gabart, qui a tenu la tête pendant la presque totalité des sept jours de cette traversée de l’Atlantique en solitaire, a fini deuxième avec seulement 7 minutes et 8 secondes de retard sur Joyon, à la barre d’un bateau sérieusement endommagé par les tempêtes qui se sont enchaînées lors de la traversée, des ennuis qu’il a tus jusqu’à dimanche. Mais qui aurait cru que Joyon, à la barre d’un bateau vieux de 12 ans, pourrait souffler la victoire à des marins nouvelle génération, pilote de super machines de 32m de longs capables de ‘voler’ ?

« Rééditer l’exploit » 

Encore chimérique il y a 36 heures, la victoire de Joyon est devenue possible lorsque le sexagénaire a fondu sur Gabart pour offrir la deuxième arrivée la plus serrée de l’histoire de la Route du Rhum. En 1978, pour la toute première édition, le Canadien Mike Birch, à bord de son petit multicoque de 12m (Olympus), avait coiffé le gros monocoque de Michel Malinovsky (Kritter) de 98 secondes. « J’étais content de réussir, j’avais l’impression de rééditer l’exploit de Mike Birch pour qui j’ai beaucoup d’admiration », a souligné Joyon.

Le sprint final s’est joué à coups de rebondissement. Un bateau bancal pour Gabart, un filet de pêche dans la dernière ligne droite pour Joyon passé en tête. Joyon a donné tout ce qu’il pouvait, comme jamais, pour chasser le jeune leader Gabart, 35 ans, à bord d’un bateau bleu récent, de 3 ans d’âge et complètement revisité l’été dernier pour voler plus vite et plus tôt. Joyon, lui, s’est aligné sur son fameux bateau rouge, celui-là même qui a remporté les deux dernières éditions, sous les couleurs de Groupama en 2010 (skippé par Franck Cammas) et de Banque Populaire en 2014 (avec à la barre Loïck Peyron). « Je ne crois pas me tromper mais jamais aucun bateau n’a gagné trois fois la Route du Rhum. C’est un bateau qui a résisté à tout et qui arrive en bon état », s’est félicité le vainqueur.

Le mano a mano a pleinement animé cette fin de course, qui s’est jouée sur le tour de la Guadeloupe réputé piégeux et particulièrement tactique. Arrivés au nord de l’île, à la Tête à l’Anglais, vers 14h00 heures locales (19h00 en métropole), les deux skippers se sont lancés dans une course poursuite encore plus intense. En l’absence de vents, les progressions ont été bien lentes et Gabart est passé en tête à Basse-Terre à 14h00 locales (19h00 en métropole, 18h00 GMT), suivi d’un quart d’heure plus tard par Joyon. « J’ai appris au dernier moment les problèmes de François mais je me doutais qu’il était handicapé d’une manière ou d’une autre. Il a énormément de mérite à avoir pu continuer à ce rythme avec de gros handicaps. Il a fait une course hyper courageuse et engagée », a tenu à dire Joyon.

Finish palpitant 

Le vétéran n’a eu de cesse de grappiller mille nautique par mille nautique pour doubler son rival. Et à 21h10 locales (02h10 à Paris, 01h10 GMT) ce fut chose faite, Joyon a pris les rênes. Gabart s’est accroché, en vain, avec un bateau privé d’importants appendices perdus dans les dépressions (le foil tribord et le safran bâbord). Les deux hommes étaient les seuls à s’être extraits de la flotte de 123 bateaux au départ de Saint-Malo le 4 novembre, traversant tant bien que mal les trois dépressions qui ont balayé le golfe de Gascogne. Ce sont les deux derniers Ultime restés en lutte pour la victoire, après les avaries qui ont frappé Sébastien Josse (Edmond de Rothschild), Thomas Coville (Sodebo), reparti dimanche après six jours de réparation, et Armel Le Cléac’h (Banque populaire IX).

Avec AFP.