[Tribune] Chèque Energie : Fallait-il l’étendre aux DROM ? s’interroge Anne-Sophie Durano

[Tribune] Chèque Energie : Fallait-il l’étendre aux DROM ? s’interroge Anne-Sophie Durano

Dans une tribune adressée à Outremers360, Anne-Sophie Durano, Conseillère indépendante en maîtrise de l’Energie, s’interroge sur la mise en place du Chèque Energie et son efficacité dans les Départements et Région d’Outre-mer, notamment à La Réunion où l’experte constate beaucoup d’incompréhension chez les habitants de l’île.

4 millions de Chèques Energie viennent d’être envoyés par les services de l’Etat aux ménages les plus modestes. Expérimenté depuis 2 ans dans quatre départements, ce nouveau dispositif solidarité a été étendu à tout le territoire, DROM compris. Pour ces territoires ultramarins, le bénéfice est toutefois discutable.

Depuis le 1er janvier 2018, ils n’existent plus. Les tarifs sociaux de l’énergie (Tarif de Première Nécessité pour l’électricité et Tarif Spécial de Solidarité pour le gaz) ont été remplacés par un tout nouveau dispositif : le Chèque Energie. Ce dernier a été généralisé par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, après une expérimentation de deux années en 2016 et 2017 dans quatre départements (Côtes d’Armor, Ardèche, Aveyron et Pas-de-Calais).

Près de quatre millions de foyers ont reçu ce chèque annuel, d’une valeur comprise entre 48 et 227 €. La mesure représente un engagement financier de 7 millions d’euros de la part de l’Etat. Objectif : offrir plus de liberté que le dispositif précédent, en permettant aux ménages de l’utiliser pour régler différent type de factures d’énergie (électricité et gaz, mais aussi fioul, bois …), voire même pour financer des travaux de rénovation énergétique.

Ce dispositif, qui s’adresse aux ménages ayant des revenus fiscaux inférieurs à 7 700 € pour une personne seule ou 11 550 € pour un couple, permet ainsi de couvrir un champ plus large de dépenses énergétiques. « Dans le cadre de notre politique de lutte contre la précarité énergétique, je suis tout particulièrement attaché à la distribution du chèque énergie. Il s’agit d’une aide sociale et solidaire, simple et efficiente » a ainsi rappelé le ministère Nicolas Hulot.

Un même Chèque Energie pour les DROM…

Simple et efficiente ? Dans les DROM, 215 000 foyers sont concernés : près d’un foyer sur quatre a reçu un Chèque Energie ! La proportion de personnes en situation de précarité énergétique y est en effet nettement plus élevée qu’en métropole. A la Réunion, c’est même un foyer sur trois qui consacre plus de 10 % de ses revenus aux dépenses d’énergie dans le logement.

Pour ces personnes, la déduction automatique de quelques euros sur chaque facture d’électricité qui prévalait jusqu’au 31 décembre 2017 dans le cadre du TPN a disparu. Il leur faut faire des démarches, par courrier ou internet, pour utiliser leur Chèque Energie, alors même que le bénéfice du choix reste très limité, l’électricité étant la principale énergie utilisée, et EDF l’unique fournisseur d’électricité dans les DROM (EDM à Mayotte).

Dès lors, la généralisation du Chèque Energie à l’Outre-Mer était-elle nécessaire ? Mairies, Préfectures, EDF, organismes sociaux : Les acteurs-relais multiplient les actions de pédagogie pour expliquer le dispositif, signe de l’enjeu pour les populations précaires de ces territoires. Mais les barrières de l’isolement, de l’illétrisme, de l’accès à Internet, ainsi que la non-distribution ou les erreurs d’adressage font craindre un fort taux de non-utilisation.

Selon le rapport d’évaluation de l’expérimentation du chèque énergie publié par le gouvernement en décembre 2017, 22% des bénéficiaires dans les quatre départements test n’ont pas utilisé leur chèque énergie, dont 8% parce qu’ils ne l’ont jamais reçu. Le phénomène risque d’être amplifié dans les territoires insulaires. Sans compter les personnes qui, faute d’avoir réalisé leur déclaration fiscale, ne peuvent prétendre au dispositif. Avec toutes ces difficultés, un risque d’une forte baisse des clients protégés par le Chèque Energie dans les DROM est à craindre, contre le gain de 6% espéré.

Anne-Sophie Durano