Ce 19 juin se tient la journée mondiale de la lutte contre la drépanocytose, une maladie génétique qui touche 50 millions de personnes dans le monde. Une maladie encore stigmatisée.
Depuis le 12 juin dernier, Jenny Hippocrate Fixy est sur tous les fronts. Présidente de l’Association pour l’information et pour la prévention de la drépanocytose (APIPD) depuis 24 ans, elle mène avec son équipe une campagne de sensibilisation sur cette maladie au sein des écoles, des universités et des entreprises parisiennes. La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine, une substance contenue dans les globules rouges qui sert à transporter l’oxygène à travers le corps. La maladie se manifeste par une anémie (se traduisant par une fatigabilité, des vertiges), une sensibilité aux infections et des crises douloureuses causées par une mauvaise circulation sanguine et par le manque d’oxygénation des tissus et des os. «C’est une semaine très dense car nous avons diffusé des spots sur plusieurs chaînes, des campagnes d’affichage dans les transports. C’est la première fois que nous avons eu autant de spots concernant la drépanocytose », précise Jenny Hippocrate Fixy. Une forte mobilisation qui ne doit pas faire oublier que la drépanocytose reste encore une maladie méconnue et mise au ban par rapport aux autres pathologies génétiques, selon Jenny Hippocrate.
La drépanocytose, une maladie encore racialisée
En 24 ans d’engagement et de militantisme, Jenny Hippocrate a constaté quelques évolutions, timides, selon elle. « Si la prise en charge s’est améliorée depuis une vingtaine d’années, nous manquons encore de professionnels dans les hôpitaux. Nous avons très peu de drépanocytologues. La recherche avance tout doucement. Nous sommes à l’ère de la thérapie génique qui est peut-être un signe d’espoir pour les malades », poursuit Jenny Hippocrate. Concernant cette nouvelle méthode, cette mère d’un fils drépanocytaire reste sceptique. « C’est un traitement très agressif, même si un adolescent de 14 ans est en voie de guérison par le biais de cette thérapie ». « C’est un laboratoire américain qui a financé ces travaux et je crains aujourd’hui que cette réussite médicale sorte de la France », s’inquiète Jenny Hippocrate. « La France reste toujours en retard en matière de recherche car l’Etat investit peu dans cette maladie.
De plus, la drépanocytose ne bénéficie pas du même soutien que les autres maladies rares. » Pour justifier ce manque d’intérêt des pouvoirs publics, elle avance la thèse de la caractérisation de la maladie et même sa » racialisation ». La drépanocytose est particulièrement fréquente dans les populations d’origine antillaise, africaine et méditerranéenne. Elle est également présente en Inde, en Amérique du Sud (surtout au Brésil). « C’est une maladie qu’on a racialisé », dit-elle, allant jusqu’à considérer qu’il s’agit d’une maladie autour de laquelle existe une ségrégation raciale. En France, la drépanocytose fait l’objet d’un dépistage ethnique alors qu’on sait que le ciblage ethnique est contraire à la Constitution ». Un ciblage ethnique, selon la présidente de l’APIPD, qui ne doit plus tenir en raison de brassage des cultures et du métissages des populations. «C’est dans ce contexte que nous allons recommencer cette année des actions fortes par le biais de sit-in, happening pour faire davantage entendre notre voix ».
La drépanocytose, un combat politique
Et pour cela, l’association pour l’information et pour la prévention de la drépanocytose compte investir la scène politique à l’approche de l’élection présidentielle de 2017. « La drépanocytose reste un problème qui n’intéresse pas l’Etat. En comptant les malades, les porteurs avérés, leur famille et leur entourage, nous constituons un électorat non négligeable de 3 millions de personnes. » ajoute Jenny Hippocrate. Elle nous confie d’ailleurs avoir été contactée par un parti politique pour mettre le sujet de la drépanocytose dans son programme. « J’ai prévenu les politiques dans ma lettre ouverte que je saurai au moment opportun mobiliser mes troupes pour dire pour qui on vote ou pas », déclare la présidente de l’association. En attendant, Jenny Hippocrate et ses équipes continueront de sensibiliser le public. « La drépanocytose n’est pas une affaire d’une journée ou d’une semaine de sensibilisation. C’est un combat quotidien dans lequel il ne faut pas baisser la garde et redoubler les efforts ! », martèle Jenny Hippocrate. Une campagne intensive qui s’accentuera sur les réseaux sociaux. « Nous allons continuer nos investigations auprès de l’Etat et continuer à faire des comparaisons avec ce qui se passe aux Etats-Unis, à Cuba, ou au Costa Rica et prochainement au Brésil». Une lutte « qui va faire mal » selon Jenny Hippocrate.