« Rétablissons la statue du général Dumas » par Frédéric Potier et Claude Ribbe

« Rétablissons la statue du général Dumas » par Frédéric Potier et Claude Ribbe

Statue du général Thomas-Alexandre Dumas détruite par les nazis pendant l’occupation de Paris et jamais reconstruite ©DR

Dans une tribune parue dans Le Journal du dimanche, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) et Claude Ribbe, écrivain, président de l’association des amis du général Dumas appellent à « la réhabilitation de la statue du Général Dumas» pour « réconcilier fraternellement tous les Français autour de cette grande figure nationale, fédératrice et si injustement méconnue.». Outremers 360 vous publie cette tribune ci-dessous:

« Deux statues de Victor Schoelcher détruites en Martinique. La mort de George Floyd qui génère des manifestations contre le racisme partout dans le monde. Et des voix qui se font entendre pour déboulonner les statues rendant hommage à des personnalités accusées d’être liées à la colonisation ou à l’esclavage… Révisionnisme historique? Légitimes protestations?

Le racisme est une réalité qu’il est inconcevable de nier. Il est le fruit d’une histoire douloureuse dont il n’est pas interdit d’examiner les traces, lorsqu’elles peuvent être décelées dans les noms de nos rues ou la statuaire de nos villes. Nul doute que cette histoire, multiséculaire et mondiale, implique aussi, dans ses épisodes les moins glorieux, des figures par ailleurs admirées pour leur contribution à la science, à la culture ou à l’art de gouverner. Il est temps de reconnaître cette complexité. Mais faut-il pour autant détruire les monuments leur rendant hommage?

Nous ne nous résignons pas à ce rétrécissement du regard ni à l’effacement d’une partie de l’Histoire. Nous lui préférons le pari de l’intelligence et de la pédagogie, pour restituer avec objectivité et nuance ce que furent le rôle, les apports, les engagements, les aveuglements aussi, d’hommes ancrés dans leur époque. Des municipalités, comme celles de Nantes ou de Bordeaux, commencent à s’y atteler, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

L’enseignement de l’Histoire, mais aussi d’autres disciplines telles que la littérature, la philosophie ou les sciences naturelles, doit jouer pleinement son rôle pour qu’aucun jeune Français ne sorte de l’école en croyant à l’existence de races humaines, en ignorant que nos lointains ancêtres viennent d’Afrique, en soutenant que l’esclavage n’a jamais existé en France ou que certains de nos plus grands auteurs n’étaient ni racistes ni antisémites.

Promouvoir la partie positive de l’héritage des Lumières, dont s’imprègne le choix républicain de l’universalisme, ce n’est pas retrancher mais ajouter. Le Premier ministre a eu raison de s’émouvoir du fait qu’on n’ait pas encore réinstallé à Paris la statue du glorieux général Alexandre Dumas (1762-1806), père du célèbre écrivain. Erigée en 1912, la statue de bronze du général, tenant d’une main ferme son fusil, a été fondue en 1942, pour complaire à des nazis que cet hommage indisposait.

Le général Dumas, ce héros extraordinaire de la Révolution française, aurait inspiré à son fils Les Trois Mousquetaires. Né esclave, injustement discriminé du fait de sa couleur, il transcende l’absurde notion de race et dynamite bien des préjugés. Trop tard pour que justice soit faite? Nous ne le croyons pas. Au lieu de déboulonner certaines de nos statues, rétablissons promptement celle, exemplaire et symbolique, du général Dumas. Et réconcilions fraternellement tous les Français autour de cette grande figure nationale, fédératrice et si injustement méconnue. »