Procès Mediator : 44 victimes réunionnaises parmi les 3 000 parties civiles

Procès Mediator : 44 victimes réunionnaises parmi les 3 000 parties civiles

©AFP

Neuf ans après le retentissant scandale du Mediator, un antidiabétique tenu pour responsable de centaines de morts, le procès des laboratoires Servier et de l’Agence du médicament s’ouvre lundi à Paris pour plus de six mois.

Sur le banc des prévenus : le groupe pharmaceutique et neuf filiales, ainsi que l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et plusieurs de ses membres mis en cause pour leurs liens avec Servier. Leur feront face les avocats des 3 000 parties civiles, parmi lesquelles 44 victimes réunionnaises, représentant les milliers de plaignants et qui exigent « réponses et réparation ».

Selon l’avocat des victimes réunionnaises, « on est à plus de 1 000 personnes décédées sur l’île ». « Le Mediator visait des pauvres gens qui étaient soignées dans un premier temps pour le diabète et ensuite, on s’est servis de ce médicament comme coupe-faim », explique Me Alain Antoine, qui souligne « des pathologies cardiaques assez graves » pour les personnes ayant survécus. « La simple tenue de ce procès constitue déjà une victoire pour les victimes » poursuit Alain Antoine. « Le procès du Mediator, c’est le procès du mensonge, de la tromperie, des liens troubles qui ont existé entre les experts, les hauts-dirigeants du secteur de la santé et de l’industrie pharmaceutique », dénonce encore l’homme de droit.

Jusqu’au 30 avril 2020, date à laquelle doit prendre fin ce procès pénal hors norme devant le tribunal correctionnel, une question animera les débats : comment ce médicament, largement détourné comme coupe-faim, a-t-il pu être prescrit pendant 33 ans malgré les alertes répétées sur sa dangerosité ? Pour l’un des avocats des victimes, Charles Joseph-Oudin, « le laboratoire a délibérément menti et caché les propriétés dangereuses du médicament », par « profit ». Le groupe Servier s’en défend : « il n’est pas apparu de signal de risque identifié avant 2009″ et son retrait du marché, assure l’un des conseils de la firme, Me François de Castro. Le président des laboratoires, Olivier Laureau, a lui pilonné une « instruction à charge ».

Le groupe a déposé trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), qui seront examinées avec d’autres demandes de nullité dans la semaine. La première journée sera uniquement consacrée à l’organisation du procès et à l’appel de la centaine de témoins. Parmi eux, Irène Frachon, pneumologue à Brest, qui avait la première alertée sur les risques du Mediator et publié un livre-enquête en juin 2010.  Jusqu’à son retrait du marché le 30 novembre 2009, le Mediator a été utilisé par cinq millions de personnes en France. Il est à l’origine de graves lésions des valves cardiaques (valvulopathies) et d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une pathologie rare et mortelle, et pourrait être responsable à long terme de 2 100 décès, selon une expertise judiciaire.

Lors de ce procès, onze personnes morales et douze personnes physiques comparaîtront au total. Cinq mis en cause sont décédés lors de l’instruction, dont le principal protagoniste, le fondateur des laboratoires Jacques Servier, mort en 2014 à 92 ans, au grand dam des victimes qui auraient « souhaité qu’il s’explique à la barre ».

Le groupe Servier devra répondre de sept infractions, dont « escroquerie » au préjudice de la sécurité sociale et des mutuelles. A son côté, l’ANSM, qui a remplacé l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) après le scandale, sera jugée pour « homicides et blessures involontaires » par « négligences », pour avoir tardé à suspendre le médicament, malgré une accumulation d’alertes sur les risques depuis le milieu des années 1990. En France, de premiers cas de valvulopathies et d’HTAP avaient été signalés dès 1999, et le Mediator avait été retiré de la vente en Espagne et en Italie en 2003.

Représentant l’ANSM au procès, son directeur général Dominique Martin assure qu’il participera aux débats « dans la transparence la plus totale afin de concourir à la manifestation de la vérité et d’assumer sa responsabilité de directeur d’établissement public ». Parmi les personnes prévenues figurent l’ex-numéro deux du groupe, Jean-Philippe Seta, des médecins membres de commissions de l’Afssaps également rémunérés comme consultants pour les laboratoires, ou encore l’ex-sénatrice Marie-Thérèse Hermange, soupçonnée d’avoir rédigé en 2011 un rapport favorable à Servier. Le groupe Servier et l’ANSM encourent des amendes et l’indemnisation de nombreuses victimes.

Avec AFP.