©Harry Jeanne
Du François en Martinique au XVIIème arrondissement de Paris, du mannequinat au statut de cadre en passant par l’entreprise et sa mission de Collaboratrice Parlementaire, Marjolaine Milome-Noiran bâtit son destin en s’appuyant sur une volonté inoxydable: celle de faire tomber les barrières et les obstacles. Pour Outremers360, Marjolaine raconte son parcours, sa vision de la politique et de l’entreprise et surtout, son rôle de mère ainsi que la reconnaissance qu’elle porte à sa grand-mère, sa « mère de coeur ». Rencontre avec une femme du XXIème siècle, une « working girl » acharnée, passionnée de la vie dont nous entendrons certainement parler.
Marjolaine, vous êtes originaire du François en Martinique, qu’est-ce qui vous a poussé à quitter votre île natale pour venir à Paris ?
Comme beaucoup d’Antillais, je suis partie de la Martinique poursuivre mes études. J’ai intégré Paris IV Sorbonne pour faire des études en Langues étrangères appliquées (LEA).
Qu’avez-vous fait après vos études ?
Après mes études, j’ai été mannequin. Exaltant mais fatiguant. Puis j’ai créé ma première entreprise de vente privée à Saint Martin aux Antilles, dans la foulée, je me suis mariée et j’ai eu mes deux enfants. J’ai donc fait une pause pour profiter des premières années de mon fils et de ma fille.
Pour reprendre une activité, j’ai rejoint le groupe Geodis en tant que cadre en Ressources Humaines, et après cette expérience dans le secteur privé, mon engagement politique m’a amené à rejoindre l’Assemblée Nationale en tant que Collaboratrice Parlementaire.
J’ai toujours recherché un lien entre l’action privée et publique, les challenges personnels ou collectifs. J’aime aller dans des milieux qui sont très différents pour faire l’acquisition d’expériences nouvelles ce qui m’a permis de travailler dans de grandes structures mondiales privées et ainsi de revenir à l’entrepreneuriat.
Pourquoi cette prise de risque ?
Je suis une battante, venant d’une famille modeste, pour pouvoir payer mes études, j’ai travaillé. Dès la fin de mes études, j’ai monté ma première entreprise. Indépendante, pugnace, j’aime me dépasser et donc me fixer des objectifs et me donner les moyens de les atteindre. Aujourd’hui, je suis consultante en relations institutionnelles et communication digitale.
Pensez-vous au retour au pays natal ? On parle souvent de jeunes ultramarins qui devraient apporter leur compétence au pays ?
J’ai quitté la Martinique, jeune, j’ai fondé ma famille à Paris et nous vivons dans le 17ème arrondissement depuis 19 ans. Je pense que de l’Hexagone, je peux tout à fait travailler pour les Outre-mer et singulièrement pour la Martinique. Je suis d’ici et de là-bas, et parfaitement à ma place.
Vous avez suivi un cycle de perfectionnement à l’ENA sur les modules Territoire et Droit Public de la Vème République, en quoi cela consiste-t-il ?
En tant que Collaborateur parlementaire, on a la possibilité de se former ou de se perfectionner en suivant des formations à l’ENA. J’ai décidé de suivre deux modules de ce cycle, il s’agit du Droit Public de la Vème République et des Territoires. C’était une bonne expérience !
Bien que sur l’histoire de la décentralisation en France, j’ai été un peu déçue, peut-être parce que je suis des Outre-mer, des méconnaissances et/ou de l’oubli de nos territoires d’Outre-mer, alors que deux de nos collectivités (la Martinique et la Guyane, ndlr)ont eu une évolution institutionnelle majeure en devenant collectivité territoriale unique. J’ai pu intervenir sur ce sujet afin d’expliquer la constitution de cette nouvelle institution qui mériterait de s’étendre à la France entière prochainement.
On retrouve cette méconnaissance au sein du Parlement ?
Les parlementaires sont élus dans des circonscriptions, ils interviennent en priorité sur les sujets de leurs territoires et les sujets régaliens. Cependant, un député de Bretagne et un député de Martinique peuvent aisément intervenir sur les problèmes de sargasses et d’algues vertes à l’instar d’un député de Paris qui et cela se comprendrait ne maîtriserait pas ce genre de dossier.
Il se dit que vous avez un fort engagement politique, dites-nous en plus ?
Je me suis engagée en politique en 2007 à l’arrivée de mon premier enfant, à ce moment précis j’ai décidé de participer de la façon la plus active possible à la vie de ma cité.
Vous avez été collaboratrice parlementaire, d’après vous, un parlementaire des Outre-mer doit il forcément se présenter dans une circonscription ultramarine, même s’il vit dans l’Hexagone depuis déjà plusieurs années et surtout s’il est impliqué, comme vous dans sa ville de résidence ?
La France est une et indivisible. Ensuite, est-ce que les Ultramarins ont vocation à se présenter dans l’Hexagone ? Toutes personnes d’origine Antillaises, ou autres qui vivent et travaillent à Paris, Lyon ou Marseille peuvent légitimement se présenter dans la circonscription de leur environnement proximal, car quand on est député, on est député de la Nation française, Ultramarins ou pas. C’est donc comme je l’ai déjà dit une question de proximité, de connaissance du terrain et d’envie d’être au service du plus grand nombre et pour l’intérêt général. C’est comme ça que je conçois les choses !
J’ai cru comprendre que s’il y a une personne qui a eu beaucoup d’importance dans votre vie, c’est votre grand-mère. Quel était le lien qui vous unissait ?
Ma grand-mère, c’est ma mère de cœur. Elle s’est occupée de moi et on a toujours eu un lien particulier et fort. Elle m’a appris beaucoup de choses sur la Martinique, comme par exemple sur l’histoire de « l’Amiral Robert », à reconnaître les plantes et l’histoire des habitations entre autre… C’était vraiment une relation passionnante et tout au long de sa vie, une école de la vie. Je passais beaucoup de temps avec elle. Tous ceux qui ont eu la chance de vivre dans une société matriarcale savent ce que cela pouvait représenter de partage, de connaissance et d’amour.
Ma grand-mère m’a appris très tôt qu’on pouvait se surpasser. Elle, elle n’a pas eu la chance d’aller à l’école elle ne savait donc ni lire, ni écrire. L’accompagnant souvent, je me suis rendue compte que pour signer elle faisait une croix, je lui ai proposé de lui apprendre à écrire son nom et son prénom.
Après cet apprentissage, elle pouvait lire et écrire son nom. Elle en était très fière mais bien moins que moi, aujourd’hui encore je considère que c’est l’une des plus belles choses que j’ai accomplie. Alors peu importe ses origines, sa condition sociale, son âge, les épreuves, il ne faut jamais baisser les bras ou se mettre des barrières. Au contraire, il faut s’ouvrir au monde. Ça c’est ma grand-mère qui me l’a appris !