Devenu le porte étendard des ennemis de l’environnement, le plastique perd peu à peu son image de matière utile au profit de la protection de la planète et en premier lieu, des océans. Pourtant, et malgré les alertes sur sa dangerosité, il est encore omniprésent dans nos quotidiens et son abandon remet en cause nos modes de production, de fabrication et de consommation. Pour le magazine Dixit, la journaliste Delphine Barrais propose un focus sur la politique en la matière en Polynésie française en mettant en avant les initiatives de la Collectivité et des associations pour venir à bout du plastique.
Difficile d’évaluer la quantité de plastique qui entre sur le territoire, de connaître le volume trié, perdu, enfoui, laissé à l’abandon dans une vallée ou au fond d’un lagon. Par contre, il est facile de sentir le désintérêt croissant pour la matière. Le Pays, mais aussi les particuliers et les entreprises, prennent des mesures pour s’en débarrasser.
En Polynésie comme ailleurs, le plastique est une matière qui fait partie du quotidien. Ils sont omniprésents dans la vie personnelle comme professionnelle : sacs, Tupperware, bouteilles, jeux et jouets, équipements de voiture, stylos, appareils informatiques mais aussi matériels issus du secteur de la perliculture dont l’impact n’est pas négligeable. Une source spécifique de macro-déchets plastiques est associée aux activités aquacoles dont la perliculture. En effet, les structures de collectage et d’élevage sont toutes en matériaux plastiques qui se dégradent et se fragmentent en vieillissant, une partie restant souvent au fond des lagons.
Le plastique (peu recyclable, voir encadré) finit, en partie, dans l’environnement. Balayé par les vents, transporté par les courants, il s’entasse en continents dans l’océan, leur dernière demeure. Là, il peut vivre jusqu’à mille ans, empoisonnant au passage la terre, les eaux et les organismes. Les chiffres sont affolants. Sur les dix dernières années, les humains ont produit plus de plastique que durant tout le XXème siècle selon l’ONU. En 2015, 322 millions de tonnes ont été produites contre à peine 2 millions en 1950. Sur 8,3 milliards de tonnes de plastique fabriquées entre 1950 et 2015, 79 % sont déjà des déchets qui s’accumulent dans les décharges ou en pleine nature(en particulier dans les océans).
Une prise de conscience est en cours. Aujourd’hui, le plastique n’a plus la côte, ou moins. C’est ce que peuvent laisser croire les initiatives du Pays mais aussi des particuliers et entreprises du territoire. Des initiatives individuelles émergent ces dernières années (voir encadrés). Même si elles manquent encore de cohérence entre elles, les associations et entreprises engagées agissent sans retenue. Le Pays quant à lui a promis pour fin 2019 une loi qui interdira la distribution de sacs de caisse à usage unique dans tous les commerces dont les sacs oxo-dégradables.
Cette loi fait suite à une étude et des concertations avec les industriels. « On doit avancer petit à petit pour que chacun puisse s’adapter et trouver des alternatives », indique Ryan Leou, chargé d’affaires à la cellule protection des milieux et des ressources naturelles de la Direction de l’environnement. « L’étude préalable permet par ailleurs de s’interroger sur les termes mêmes de la loi et son impact. Par exemple, faut-il interdire l’importation, la vente ,l’ utilisation ,la distribution … ? ».
Cette loi sera un point de départ à une interdiction progressive d’objets à usage unique comme la vaisselle, les pailles, les touillettes de café.
‘Ete, l’initiative du Pays (gouvernement de la Polynésie)
En novembre 2017, le ministre de la Culture Heremoana Maamaatuaiahutapu a lancé officiellement l’opération ’Ete. Une opération en faveur de la promotion des paniers traditionnels tressés en fibre végétale comme solution alternative aux sacs plastiques à usage unique.
Une épicerie sans emballage
Écovrac, tel est le nom de la première épicerie sans emballage. Mise en place par Noëlyn Faussane en mai 2018, elle est le fruit de plusieurs mois de recherche tant au niveau logistique, stockage, approvisionnement que financement. Les clients peuvent y trouver des légumes secs, des farines, des fruits séchés, des graines, des pâtes, du riz, de l’huile, du thé, du café, du cacao… mais aussi du savon, des produits cosmétiques. Ils s’y pressent. Ils sont en moyenne entre 20 et 30 par jour. Le succès est franc, les résultats au-delà des meilleures prévisions. Noëlyn Faussane se penche maintenant sur l’animation de son lieu. Elle compte y organiser des ateliers, conférences, débats pour animer la communauté qui ne cesse de grandir.
Nana (au revoir) sac plastique, l’association qui sensibilise
Un collectif dit Nana sac plastique est né en 2017. Ce collectif qui regroupe des citoyens bénévoles a pour objectif principal de lutter contre l’utilisation du plastique à usage unique. Depuis, le collectif a lancé son label en juin 2017. Les commerçants qui l’obtiennent s’engagent à ne plus utiliser de sac plastique. Il organise des ramassages de déchets et des bénévoles se rendent dans certains établissements scolaires pour faire de la sensibilisation.
Planète éco Tour, les précurseurs
Le mouvement citoyen pour l’environnement Planète Éco Tour sensibilise le public aux problématiques environnementales. Ce mouvement « souhaite se placer comme médiateur entre l’Homme et la Nature suivant 4 axes : Solidarité, Tolérance, Autonomie et Responsabilité. Il voudrait informer, sensibiliser et former aux sciences relatives à l’environnement et au développement durable». Depuis 2005, cette association de bénévoles multiplie les actions avec les Heipuni Days en 2005, le Défi pour la terre en 2006, les Clean up days en 2007, la création de la Brigade verte en 2008 et des Planète écotours puis les Fenua écogames en 2011, des jeux sportifs éco-responsables. Les Brigades vertes, en dix années d’existence, ont ramassé des tonnes de déchets et sensibilisé des centaines de jeunes polynésiens.
Objectif : zéro déchet
« Le meilleur des déchets est celui qu’on ne produit pas », répètent les défenseurs de l’environnement pour sensibiliser à leur cause. Sachant que la production moyenne de déchets ménagers des Îles du Venta été estimée à 52 000 tonnes, soit près de 265 kg/hab/an, et que 62 % de notre poubelle serait évitable (compostage et recyclage) la direction de l’environnement et l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ont lancé le défi zéro déchet. Ce défi a été relevé par une vingtaine de familles du 12 novembre 2017 au 18 mars 2018. L’opération visait à mesurer l’efficacité des gestes de prévention pour alimenter les retours d’expériences sur ce sujet, soutenir les actions locales de sensibilisation sur la prévention des déchets ménagers en s’appuyant sur des partenaires locaux et des témoignages concrets dans les médias, valoriser les résultats à l’échelle de la Polynésie pour généraliser les bonnes pratiques.
https://www.zerodechet-tahiti. com
Plastic Free July (Juillet sans plastique) s’inscrit dans le temps
S’inspirant d’une initiative australienne, Jerry Biret a lancé l’événement Plastic Free July en Polynésie en 2014. « Il s’agit de sensibiliser le maximum de personnes à l’utilisation massive du plastique et aux dangers de cette utilisation massive. On en a partout, dans les snacks, les magasins… C’est une habitude dont on a tous du mal à se défaire. En fait, le premier problème c’est de prendre conscience de la situation. Quand on arrive dans un magasin et qu’on refuse un sac plastique, les commerçants répondent: ‘vous savez, c’est gratuit’ ou bien ‘mais comment vous allez faire pour porter les produits?’.On a l’impression qu’on ne peut pas vivre sans ». Plastic Free July veut montrer l’inverse, il s’ac- croche et récolte les premiers fruits de ses efforts.
Une matière organique… à l’origine
Le plastique est fabriqué à partir de cellulose, charbon, gaz naturel, sel et pétrole brut. Le terme plastique rassemble un grand nombre de familles de matériaux synthétiques ou semi-synthétiques. Il existe 7 familles de plastiques identifiées par les codes de matières plastiques présents sur des objets. Deux d’entre elles sont aujourd’hui recyclées :
- Les PET ou PETE (n°1) pour polyéthylène téréphtalate. Transparent, plutôt souple et léger, il est utilisé notamment pour fabriquer les bouteilles d’eau.
- Les PEHD ou HDPE (n°2) pour polyéthylène haute densité. Plutôt opaque, rigide et solide, Il sert à contenir des produits comme les shampoings, mais aussi le lait, les jus…
Aucun plastique ne se recycle localement. Il est trié et envoyé à l’étranger en fonction des coûts, rendements, prix. Il existe un véritable marché des déchets qui évolue en temps réel. Ce marché a été bouleversé en2017 par la fermeture des frontières chinoises.