Nouvelle-Calédonie : Qu’est-ce que le « statut civil de droit coutumier » ?

Nouvelle-Calédonie : Qu’est-ce que le « statut civil de droit coutumier » ?

Le Sénat coutumier ©Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Ce dimanche 4 novembre, 174 154 électeurs calédoniens sont appelés à s’exprimer sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Parmi eux, 80 120 Kanak de statut civil coutumier. Mais qu’entend-on par « statut civil coutumier » ? Et quelle différence avec le statut civil de droit commun. Les réponses avec l’ethnolinguiste Alexandre Juster. 

L’actuel statut coutumier en Nouvelle-Calédonie descend indirectement du statut personnel qu’avaient conservé dans les colonies les autochtones soumis au régime de l’indigénat.

Le statut personnel fut appliqué pour la première fois lors de la colonisation d l’Algérie en 1830, soit 51 avant l’application du régime de l’indigénat. La France voulut garantir le respect des cultes et traditions religieuses ou coutumières des Algériens, à qui par conséquent, le Code civil ne s’appliqua pas. Les Musulmans continuèrent à relever du droit musulman et les Juifs du droit mosaïque. Le domaine des droits régis selon ces critères est bien entendu réduit à des questions internes à la « communauté » d’appartenance, essentiellement le droit familial. Dans tous les autres domaines, les populations se voient soumis à un statut juridique d’infériorité.

Ce statut personnel gagna les autres colonies, au fur et à mesure des conquêtes coloniales.

En 1946, la Constitution accorda la citoyenneté à tous les « ressortissants de l’Union française » (même si les l’ensemble des Kanak n’eurent le droit de vote qu’en 1957), l’article 82 de cette Constitution permit aux anciens indigènes de conserver leur statut personnel. Cette disposition fut reprise dans la Constitution de 1958. L’article 75 stipule que : « Les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l’article 34, conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé ».

La loi organique de 1999 qui transpose dans le droit français l’accord de Nouméa affirme l’égalité des statuts de droit commun et personnel. Elle permet aux Kanak soumis au droit commun de demander à revenir au droit coutumier. Selon l’article 7 de la loi organique, « les personnes dont le statut personnel, au sens de l’article 75 de la Constitution, est le statut civil coutumier kanak décrit par la présente loi sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes ».

Cette loi organique distingua le statut civil particulier appliqué aux Mahorais, Wallisiens et Futuniens et le statut coutumier des Kanak. Le droit français reconnait alors pleinement la coutume kanak, ce que confirma par deux fois la Cour de cassation : dans ses avis du 16 décembre 2005 et 15 janvier 2007, cette juridiction a estimé que, lors d’une instance pénale opposant des citoyens de statut civil coutumier, la réparation du dommage subi par la partie civile relevait de la coutume. Une première reconnaissance intervint en 1982 quand le ministre des DOM-TOM de l’époque, Henri Emmanuelli, institua par ordonnance des assesseurs coutumiers kanak à siéger auprès des juridictions.

De 1903 à 2007, les gendarmes étaient chargés de rédiger « les PV de palabres » du droit coutumier (mariage, filiation, adoption, succession, etc.). A présent, ce sont des officiers publics coutumiers, des agents assermentés de la Nouvelle-Calédonie, qui consignent dans un acte coutumier les décisions prises lors d’une discussion organisée selon les usages de la coutume. La coutume organise également les terres coutumières. Classées comme inaliénables, elles ne peuvent faire l’objet d’une appropriation privée.

Alexandre Juster.