Cérémonies mémorielles et animations s’ouvrent à partir de dimanche à Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, pour marquer le trentième anniversaire des évènements qui ont ensanglanté l’île en 1988, dans un esprit de réconciliation entre gendarmes et habitants.
« On s’est tout doucement dirigé les uns vers les autres pour comprendre, pour avancer, pour travailler en commun », a déclaré Jean-Marie Dassule, ancien gendarme et président du « Comité du 22 avril ». Dès 1998, une messe oecuménique avait réuni gendarmes et habitants de cet atoll tropical, désireux d’engager un processus de réconciliation et de commémoration commune des morts, qui s’est consolidé d’année en année.
Le 22 avril 1988, dans le cadre d’un boycott des élections pour la mise en place d’un nouveau statut, un commando du FLNKS avait attaqué la brigade d’Ouvéa à Fayaoué, tuant quatre gendarmes et en prenant 27 autres en otage. Une partie d’entre eux avaient été rapidement libérés tandis qu’un autre groupe était emmené dans une grotte, cachée dans la jungle à la tribu de Gossanah, au nord d’Ouvéa. Pendant deux semaines, l’armée avait mené des interrogatoires musclés dans l’île pour retrouver les otages avant de donner l’assaut contre la grotte, le 5 mai 1988, entre les deux tours de la présidentielle.
L’opération s’était soldée par un bain de sang: un adjudant et un parachutiste du 11e Choc furent tués ainsi que 19 militants Kanak, dont certains exécutés d’une balle dans la tête. « On a de bonnes relations avec les gendarmes depuis qu’on a fait la réconciliation.Il arrive qu’ils viennent prendre le café à la tribu », témoigne aujourd’hui Macky Wéa, natif de Gossanah et cheville ouvrière du rapprochement.
Apaisement
Les églises catholique et protestante ont également joué un rôle important dans cet apaisement alors qu’Ouvéa fait figure d’île martyre de l’histoire contemporaine de Nouvelle-Calédonie. C’est sur son sol que, le 4 mai 1989, Jean-Marie Tjibaou, emblématique leader kanak, fut assassiné par Djubelly Wéa, indépendantiste radical et frère de Macky, qui lui reprochait d’avoir signé un accord de paix avec le député Jacques Lafleur, chef des anti-indépendantistes, sous l’égide du Premier ministre Michel Rocard.
Dimanche, une délégation des autorités locales dont le haut-commissaire de la République, le commandant de la gendarmerie du territoire, le président du gouvernement et les deux députés, assistera à un dépôt de gerbe à la brigade de Fayaoué, en présence de la population.
« Depuis 2003, les responsables mélanésiens d’Ouvéa, les familles sont aussi présents au recueillement à la brigade et moi, le 5 mai, je vais à l’hommage au mémorial des 19 indépendantistes », a souligné Jean-Marie Dassule, marié à une femme native d’Ouvéa. La journée débutera par une étape sur la tombe du caporal Melam Baouma, originaire de l’île et tué en 2008 en Afghanistan, et sera rythmée par une coutume (offrande traditionnelle, ndlr) aux grands chefs kanak d’Ouvéa, une messe et un repas.
Durant deux semaines, des débats, des expositions, des projections de films, des reconstitutions ainsi que des ateliers culturels et des concerts sont organisés dans toute l’île, peuplée de quelque 3.400 habitants.
Visite d’ Emmanuel Macron maintenue
Le 5 mai, le président Emmanuel Macron, attendu le 2 mai en visite en Nouvelle-Calédonie, se rendra à Ouvéa en dépit de l’opposition des habitants de Gossanah. « Pour l’instant, son déplacement est maintenu », a indiqué à l’AFP une source locale.
Son voyage intervient à quelques mois du référendum sur l’indépendance, qui aura lieu le 4 novembre 2018 sur le Caillou, au terme d’un processus de décolonisation initié en 1998 par l’accord de Nouméa.
Avec AFP