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A l’initiative de Betty Levanqué, juge consulaire au Tribunal du Commerce de Nouméa, les fondateurs de l’association pour l’Aide Psychologique pour les Entrepreneurs en Souffrance Aiguë (APESA), Jean-Luc Douillard et Marc Binnié, seront en Nouvelle-Calédonie du 13 au 25 mars prochains afin de poser les fondements de l’aide aux chefs d’entreprises en détresse sur le territoire.
C’est un constat sans appel qu’a dressé la juge du Tribunal du Commerce Betty Levanqué: en Nouvelle-Calédonie, les chefs d’entreprises sont exposés à la détresse et à la souffrance psychologique. « Le chef d’entreprise est un homme ou une femme comme les autres. Je dirais qu’il a, en plus de sa famille, la responsabilité d’autres familles », explique Betty Levanqué. Et lorsque son entreprise est en difficulté, il est seul face à des situations qui peuvent être critiques pour lui, son entreprise et ses salariés. « J’ai été pendant 15 ans juge consulaire au Tribunal du Commerce et j’ai assisté à des témoignages de chefs d’entreprises qui ont dû cesser brutalement leurs activités. En général, ils ont honte et se sentent diminués socialement. Et quand vous commencez à avoir des problèmes dans la gestion de votre entreprise, vous travaillez davantage parce que vous pensez que ça va aller mieux ». Or, selon Betty Levanqué, « vous serez encore moins chez vous, avec votre famille », d’autant que « depuis quelque temps, notre situation économique s’aggrave en Calédonie ».
Afin de venir en aide à ces chefs d’entreprises, pour l’essentiel des PME voire des TPME, Betty Levanqué a donc décidé d’ouvrir un bureau de l’association APESA en Nouvelle-Calédonie. Avec le concours de la Province Sud, du gouvernement calédonien et de partenaires du monde de l’entreprise, les fondateurs d’APESA, Jean-Luc Drouillard et Marc Binnié, viendront en Nouvelle-Calédonie du 13 au 25 mars afin d’y mettre en place un dispositif d’aide psychologique aux chefs d’entreprises. Ce dispositif, très actif dans l’Hexagone, formera et mettra en place des sentinelles, en « contact quotidien » avec les chefs d’entreprises: banquiers, huissiers, greffiers, avocats, comptables… En somme, « celui qui est capable, en ayant un entretien avec un chef d’entreprise, de déceler des signaux et après, de déclencher l’alerte » explique Betty Levanqué. Dès lors, les chefs d’entreprises en détresse seront mis en contact avec des psychologues formés par l’APESA, géographiquement proches et protégés par la confidentialité la plus totale. Pour briser le cercle vicieux de l’isolement et de la culpabilité, ils seront ensuite suivis dans leur démarche basée sur le volontariat, paramètre essentiel dans ce que les animateurs de l’APESA assimilent à une vraie résilience.
« Le chef d’entreprise en détresse, on en parle très rarement. Or c’est une vraie préoccupation », souligne Betty Levanqué. « Le déploiement du dispositif APESA le 14 mars, servira à prévenir du suicide des chefs d’entreprise » mais aussi « à changer le regard de la société sur le chef d’entreprise ». Pendant le séjour des fondateurs d’APESA, une présentation du dispositif sera organisée auprès des institutionnels et des chefs d’entreprises. Le 15 mars aura lieu la formation gratuite des sentinelles à l’auditorium de la CCI de Nouvelle-Calédonie, où 50 personnes seraient déjà inscrites. Une seconde formation aura lieu à Koné le 21 mars, à l’hôtel de la province Nord. Les membres de l’APESA ont également prévu une formation des psychologues les 16 et 17 mars ainsi qu’une conférence sur le suicide le 23 mars. A noter que la Nouvelle-Calédonie est le premier Outre-mer à accueillir un bureau de l’APESA.
Cette première mission pourrait inspirer d’autres démarches dans d’autres Collectivités soumises aux mêmes pressions économiques et sociales.
Qu’est-ce que l’APESA ?
Depuis la crise économique de 2008, une hausse du nombre d’entreprises en difficultés a été constatée dans les Tribunaux de commerce. Alors que la tendance est au « mieux vivre en entreprise », on est tenté d’ignorer le chef d’entreprise qui garde cette image d’invulnérabilité et a pour mission de prendre soin de ses salariés. Il s’avère qu’il existe une importante détresse psychologique du chef d’entreprise et les professionnels des juridictions consulaires se trouvent souvent démunis pour leur apporter l’aide humaine dont ils ont besoin. Aujourd’hui, en effet, un chef d’entreprise se suicide tous les deux jours en moyenne.
Fort de ce constat, Marc Binnié, greffier au Tribunal de commerce de Saintes (Charente-Maritime) s’est rapproché de Jean-Luc Douillard, psychologue clinicien, lors d’une conférence organisée au Tribunal de grande instance de Saintes. Le fruit de cette rencontre a été la création d’un dispositif inédit, en septembre 2013 : APESA pour Aide Psychologique pour les Entrepreneurs en Souffrance psychologique Aiguë. «Nous sommes aux avant-postes d’une grande souffrance et voyons toute la journée des gens au bout du rouleau », expliquait alors Marc Binnié. Depuis, une équipe de quinze praticiens, spécialisée dans les addictions, la prévention du suicide et la médiation familiale, a aidé 70 chefs d’entreprises. Parmi ces derniers, des patrons de PME du BTP, des artisans, des femmes dirigeantes seules avec enfants ou encore des pharmaciens.
Plus d’information sur la page Facebook APESA NC.