© Journal de Mayotte
Ils ont déserté les lieux avant même l’arrivée des forces de l’ordre. Dans un bidonville d’un quartier de Petite-Terre, à Mayotte, une opération de contrôle de la police aux frontières (PAF) a provoqué mardi la fuite des étrangers en situation irrégulière.
Dans les ruelles en terre battue ravinées par les pluies et jonchées de déchets, une dizaine d’agents de la PAF progressent en courant sur des chemins escarpés, suivis par une journaliste de l’AFP. Une délégation de la commission des lois de l’Assemblée nationale, en déplacement sur le 101ème département français durant une semaine, assiste exceptionnellement à cette opération. D’habitude, la PAF interpelle entre 20 et 35 clandestins par jour, essentiellement comoriens.
Mais mardi, alertés par le cortège peu discret de la délégation, les étrangers en situation irrégulière dans ce quartier de 9.000 âmes ont déjà déserté leurs habitations de tôle, laissant femmes et enfants derrière eux. Mayotte est confrontée à une forte immigration venue des Comores voisines. Un mouvement de protestation populaire contre l’insécurité et l’immigration avait paralysé l’île pendant presque six semaines au printemps.
Selon le préfet, la population étrangère représente près de 42% de la population totale et plus de la moitié de cette population étrangère est en situation irrégulière. Alors que les policiers ouvrent des portes de ferraille et se glissent au sein de parcelles occupées par des familles en grande précarité, une habitante les oriente vers une habitation, où se réfugient des clandestins, pense-t-elle.
« On a beaucoup de dénonciations », souffle un membre du groupe d’appui opérationnel (GAO) de la police aux frontières. « Parfois, dès qu’on arrive en voiture, les gens viennent vers nous. » Mais d’autres aident au contraire les clandestins à fuir, comme ces enfants, des « guetteurs naturels », qui crient « Moro, Moro » (« Au feu » en langue locale, ndlr) pour prévenir de l’arrivée des forces de l’ordre, ajoute un autre policier. « Les endroits sont difficiles d’accès (…), c’est assez dangereux » pour les 44 policiers du GAO, reconnaît Julien Kerdoncuf, le sous-préfet en charge de l’immigration clandestine. « Les gens résistent souvent » lors de l’interpellation, « un de nos collègues a été blessé hier encore », renchérit un policier.
Trois types de kwassas
En comptant aussi la police et la gendarmerie, au total entre 50 et 60 clandestins sont interpellés chaque jour sur ce territoire français de l’océan Indien qui totalise la moitié des reconduites à la frontière de France.
Si deux tiers des étrangers en situation irrégulière sont interpellés à terre, la PAF oeuvre également en mer. « Il y a trois types de kwassas (embarcations clandestines de fortune, ndlr) », explique le sous-préfet : les « kwassas VIP », avec deux ou trois passagers, « plus chers et rapides », les « kwassas low cost » avec 30 à 40 personnes à bord et les « kwassas médicaux » empruntés par des Comoriens malades, souhaitant se faire soigner à Mayotte.
Pour lutter contre l’immigration clandestine en mer, le territoire dispose de deux vedettes et de quatre bateaux intercepteurs. Deux nouveaux intercepteurs devraient compléter la flotte en novembre.
Depuis mi-mars, les pouvoirs publics ont intensifié les contrôles et plus de 13.000 obligations de quitter le territoire français (OQTF) ont été délivrées, selon le sous-préfet.
Si lundi, le ministre des Affaires étrangères français a une nouvelle fois rencontré son homologue comorien, selon Julien Kerdoncuf, la France demeure en crise diplomatique avec les Comores, qui refusent depuis le 21 mars de réadmettre leurs ressortissants expulsés de Mayotte. L’Union des Comores considère en effet que Mayotte est une île comorienne.
Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a indiqué début septembre que les autorités comoriennes avaient commencé à accepter les reconduites, mais « à doses relativement réduites ».
Avec AFP