©Valérie Parlan / Ouest-France
« Le record, c’est 23 naissances en 12 heures » : A la maternité de Mamoudzou, à laquelle le gouvernement envisage de donner un statut d’extraterritorialité, le nombre d’accouchements a explosé, exemple de la démographie galopante du territoire, notamment en raison de l’immigration comorienne.
« C’est la plus grande maternité de France voire d’Europe », répète en boucle tout le personnel de la maternité du centre hospitalier de Mayotte (CHM). Le nombre d’accouchements a explosé jusqu’à atteindre 9 674 nouveau-nés en 2017, après 9 514 naissances en 2016. « Il y a trop d’accouchements, trop de bébés, trop de travail », souligne Moina Baco, une étudiante infirmière. « Là, j’ai un bébé qui n’a pas de berceau, il n’y en a plus ». Au total, « du 1er au 13 mars, on a eu 236 naissances à la maternité de Mamoudzou, et on est à 326 si on compte les quatre maternités périphériques », a précisé Moendandze Zadibo, coordinatrice en maïeutique.
157 sages-femmes pour 170 postes budgétés
Pour pallier le manque de place, outre le triplement des lits par chambre, on transfère les parturientes qui vont bien « trois heures après leur accouchement, vers les maternités périphériques. Il n’y a qu’à Mayotte qu’on fait ça », souffle une sage-femme. Le vrai problème reste le manque de personnel : la maternité compte 157 sages-femmes pour 170 postes budgétés, et seulement 7 médecins pour 27 postes budgétés.
D’après l’Insee, 70% des femmes qui accouchent à la maternité du CHM sont en situation irrégulière. Elles viennent surtout des Comores, comme Hadidja qui vient d’accoucher de son deuxième enfant, Hassan. « J’ai fait une césarienne pour le premier accouchement aux Comores en 2016″, explique-t-elle dans un français très approximatif. « Mais ça s’est mal passé, j’ai beaucoup de douleurs », explique-t-elle. « Je suis venue ici parce que c’est un bon hôpital ».
« On s’expose à des drames »
Arrivée sur le territoire mahorais en 2017 après 17 heures de kwassa-kwassa pour relier Anjouan à Mayotte, elle reconnaît, un peu gênée, que « oui », elle veut que ses enfants « soient français ». « Il y a une différence entre Anjouan et Mayotte pour le mode de vie, l’accès à l’éducation », énumère la jeune femme, assise sur son lit. Elle est l’une des rares à accepter de parler, la plupart des femmes qui arrivent, en majorité dans des salouvas colorés et accompagnées de leur mari, se font discrètes. Impossible de savoir leur nationalité, mais ce n’est pas la préoccupation du personnel. « Nous sommes un hôpital public, on prend en charge des mamans, on ne se demande pas d’où elles sont originaires », explique la directrice du CHM, Catherine Barbezieux.
Tout au plus, reconnaît-on qu’ici « on a plus de césariennes en urgence, plus de femmes qui arrivent sans jamais avoir été suivies durant leur grossesse que dans toute autre maternité », explique Moendandze Zadibo. Mariama, 33 ans, mahoraise, a accouché d’une petite fille la veille. On lui a proposé « de quitter l’hôpital deux jours après l’accouchement, parce que j’ai la Sécu et que je peux être suivie par une sage-femme libérale. Nous, on se ‘démerde’, alors que celles qui n’ont pas la Sécu, elles restent. Je me sens défavorisée, alors que je cotise, je paie mes impôts », s’agace-t-elle. Un sentiment largement partagé parmi les Mahorais. « On n’a plus de place dans la maternité », dénonçait mardi une manifestante, Marie-Dachahou Assiaty, 37 ans, affirmant avoir été obligée d’accoucher à La Réunion, « parce que j’avais la Sécu ».
Et sur les barrages, « les sages-femmes ont des difficultés à passer car nous sommes considérées comme des traîtresses, qui donnons naissance à des enfants étrangers », a témoigné l’une d’elle. Pour le gynécologue Abdou Madi, une maternité extraterritoriale « n’est pas la solution » : les Mahoraises qui accouchent à Mamoudzou « ont peur de mourir aux Comores. Ce qui serait plus simple c’est de créer là-bas un hôpital où les femmes peuvent accoucher en toute sécurité », selon lui. « La communauté médicale émet les plus vives réserves sur l’extraterritorialité », insiste Philippe Durasnel, vice-président de la commission médicale d’établissement. « A supposer que des femmes viennent accoucher pour que leur enfants accèdent à la nationalité française, elles iront accoucher à leur domicile ou dans la brousse, on s’expose à des drames ».
Avec AFP.