Décret du gouvernement provisoire sur l’abolition définitive de l’esclavage dans les colonies
Le 10 juin 1848 sonne l’abolition de l’esclavage en Guyane. Et en ce lundi de commémoration, l’Avocat spécialiste en Droit public et ancien Bâtonnier, Patrick Lingibé apporte ses éclairages juridiques sur l’abolition de l’esclavage et explique pourquoi, « l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine », comme énoncé dans le décret du 27 avril 1848, portant abolition de 400 ans de souffrance.
Le titre retenu pour cet article provient du premier considérant énoncé dans le décret du 27 avril 1848 portant abolition de l’esclavage dans les colonies françaises : « Considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; ». Cependant, ce que l’on sait moins c’est que l’abolition du système esclavagiste français sur le plan juridique est intervenue en trois phases. La première résulte du décret du 4 mars 1848 du Gouvernement provisoire qui a institué auprès du ministre provisoire de la marine et des colonies François Arago, la Commission d’abolition de l’esclavage « pour préparer, dans le plus bref délai, l’acte d’émancipation immédiate dans toutes les colonies de la République ».
La deuxième qui est la plus connue est incarnée par le décret du 27 avril 1848 portant abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, suite aux travaux de la commission mise en place en vue de réfléchir sur les modalités de l’abolition du système esclavagiste. La troisième phase est moins connue alors qu’elle est la plus importante puisqu’elle touche à l’effectivité de l’abolition de l’esclavage dans chacune des colonies françaises. Pour rappel, l’article 1erdu décret du 27 avril 1848 prévoyait bien l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies et possessions françaises mais de manière différée, à savoir « deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles ».
Autrement dit, l’abolition s’est faite sur le terrain de manière non uniforme car le régime colonial supposait que chaque gouverneur prenne un acte de transposition du texte parisien arrivé par bateau dans la colonie qu’il administrait. Cela explique d’ailleurs les raisons des différentes dates retenues en outre-mer pour commémorer l’abolition de l’esclavage. C’est le 10 juin 1848 que le décret abolitionniste sera reçu dans la colonie guyanaise. Par un acte en date du 10 août 1848, soit deux mois après la réception du décret de 1848, le commissaire général de la République et gouverneur André-Aimé Pariset va proclamer « l’abolition de l’esclavage à la Guyane française ».
En ce lundi 10 juin 2019, jour de célébration de l’abolition de l’esclavage en Guyane, il parait instructif de rappeler le système esclavagiste mis en place pour asservir des êtres humains dont on déniait toute humanité du seul fait de leur couleur de peau, rappel d’autant plus utile au regard de déclarations faites par Christine Angot dans l’émission « On n’est pas couché » diffusé le 1er juin 2019. En effet, celle-ci a cru devoir faire une différence très maladroite entre les tragédies humaines, mettant en parallèle d’une part, le génocide des juifs et d’autre part, la relativité de l’esclavage des noirs en disant : « Le but avec les Juifs pendant la guerre, cela a bien été de les exterminer, c’est-à-dire de les tuer, et ça introduit une différence fondamentale (…) avec l’esclavage des noirs (…) où c’était exactement le contraire. L’idée c’était au contraire qu’ils soient en pleine forme, qu’ils soient en bonne santé, pour pouvoir les vendre et qu’ils soient commercialisables ».
Bien qu’elle se soit excusée depuis cette déclaration, le mal est fait. L’approche développée nous parait totalement inepte mais révèle surtout une méconnaissance grossière des réalités de l’esclavage dont les conséquences dommageables sont encore présentes dans l’inconscient collectif de générations issues de populations transplantées dans la douleur et l’effroi. Nous pensons au contraire de Christine Angot qu’il n’y a pas de hiérarchie dans l’horreur, dans les atrocités et les souffrances des peuples, l’asservissement en l’espèce vécue par les peuples d’Afrique, déplacés et enchaînés dans les fonds de cale des bateaux négriers, est autant traumatisant que le génocide vécu par le peuple juif sous le régime hitlérien.
L’esclavage a été un crime abominable contre l’humanité et il aurait démontré toute son horreur et sa dimension traumatisante si à cette époque il existât les mêmes outils de transmission des informations existant au siècle dernier (photographies, caméras et films, etc.). Ces témoignages auraient ainsi montré les atrocités commises sur les esclaves noirs au même titre les images épouvantables révélant les pires monstruosités commises notamment au 20ème siècle.
Au-delà de cela, nous pensions que toute atrocité est et demeure une atrocité quelle que soient les formes qu’elles peuvent prendre. Ainsi, sont notamment condamnables à ce titre tout autant l’esclavage des indiens et des noirs que le génocide arménien perpétré de 1915 à 1916 par le pouvoir turque, le massacre en masse de polonais supervisé par la police politique de l’Union soviétique en 1940 dans la forêt de Katyn, l’extermination des juifs organisée dans les années 1939 à 1945 par le régime nazi d’Hitler. Soutenir le contraire c’est admettre que le statut et la dignité d’être humain sont négociables et seraient à géométrie variable ; pire qu’ils seraient fonction notamment de la couleur de peau. Nous savons scientifiquement qu’il n’existe qu’une race, la race humaine et que toute distinction raciale n’a aucun pertinente, n’en déplaise aux adeptes d’une supériorité raciale au niveau du genre humain.
Malheureusement, les pensées et les actions des femmes et des hommes ne sont pas gouvernées par des logiques et certitudes scientifiques. Le critère racial a été l’élément retenu pour l’asservissement des populations noires d’Afrique mises dans les fers du seul fait qu’elles étaient noires. Toute atrocité commise à l’échelle d’une population entraîne au sein de celle-ci des traumatismes sociétaux. Ces traumatismes sont d’autant plus profonds qu’ils sont passés sous silence et que le réflexe communément adopté est de chercher à oublier cette tâche infamante dans l’histoire d’un pays, d’une nation.
Mais c’est oublié que la mémoire collective des peuples asservis et traumatisés n’oublie jamais complètement dans les générations futures les stigmates, les meurtrissures et les blessures infligées des siècles auparavant. Vouloir ignorer ou relativiser, c’est aussi pire que de ne rien dire et de vouloir oublier l’inoubliable car les comportements sociétaux sont souvent dictés par le vécu collectif et les traumatismes qui peuvent s’y greffer. Un rappel nous parait donc nécessaire pour expliquer ce qu’a été le monstrueux système esclavagiste mis en place par le code noir en Guyane.
Lorsque la France introduit l’esclavage des noirs en Guyane, celui-ci a été adopté depuis plus d’un siècle sur le continent sud-américain par les espagnols et les portugais. Les premiers esclaves noirs vont arriver vers les années 1680. Il faut savoir qu’au début, le système esclavagiste est organisé par les autorités locales.
Or, il ressort de Paris qu’une assise juridique de ce système hétéroclite apparait à certains indispensable. Il faut préciser qu’il y a eu en réalité trois versions du code noir, dont les deux premières seront citées. Le premier, le plus connu et le plus important, a été élaboré par Jean-Baptiste Colbert, ministre et contrôleur général très influent du roi, et résulte d’un édit promulgué par Louis XIV en mars 1685. Le deuxième sera promulgué par Louis XV en 1724 où sera supprimé un certain nombre d’articles.
Il faut savoir que l’édit de 1685 était destiné à l’origine aux Antilles, le titre même de ce texte l’indique puisqu’il traite du domaine « touchant la discipline des esclaves nègres aux îles de l’Amérique Française ». Il ne sera appliqué à la Guyane qu’à compter du 5 mai 1704.
Cet édit va donner un fondement juridique uniforme au système esclavagiste français. Sa lecture fait apparaître de la part de son rédacteur, un double objectif :
-En premier lieu, affirmer avec force la présence de l’église dans les colonies et au sein des foyers d’esclaves afin de développer les valeurs chrétiennes ;
-En deuxième lieu, donner une base légale au système esclavagiste français, lequel présentait des organisations multiformes créées de toutes pièces.
Cet édit connu dans l’histoire sous le nom de code noir est organisé autour de 60 articles. Seul l’aspect juridique stricto sensude ce texte sera abordé ici, les dispositions intéressant l’aspect religieux étant écartées.
En premier lieu, il convient de noter une contradiction flagrante entre l’article 44 et le reste du texte.
En effet, l’article 44 du code noir de 1685 précise :
« Déclarons les esclaves être meubles et comme tels entrer dans la communauté, n’avoir point de suite par hypothèque, se partager également entre les cohéritiers, sans préciput et droit d’aînesse, n’être sujets au douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre quints, en cas de disposition à cause de mort et testamentaire ».
Le statut juridique est désormais fixé : étant par nature un objet mobilier, à l’instar des autres meubles, l’esclave noir ne peut être un sujet juridique au sein de la colonie.
Cette dénégation de toute personnalité juridique est contredite pourtant notamment par les articles 26 et 27 de l’édit de 1685 (des obligations sont mises à la charge des maîtres également par d’autres dispositions : article 6 : interdiction de faire travailler les esclaves les dimanches et les jours de fête de la religion catholique ; articles 22 et 25 obligation de fournir de la nourriture et des vêtements ; article 27 : obligation de subvenir aux besoins des esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement) :
Article 26 du code noir de 1685 : « Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres, selon que nous l’avons ordonné par ces présentes, pourront en donner avis à notre procureur général et mettre leurs mémoires entre ses mains, sur lesquels et même d’office, si les avis viennent d’ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais ; ce que nous voulons être observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves ».
Article 27 du code noir de 1685 : « Les esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement, soit que la maladie soit incurable ou non, seront nourris et entretenus par leurs maîtres, et, en cas qu’ils eussent abandonnés, lesdits esclaves seront adjugés à l’hôpital, auquel les maîtres seront condamnés de payer 6 sols par chacun jour, pour la nourriture et l’entretien de chacun esclave ».
Dans la même optique, on peut citer l’article 43 du code noir qui en joint aux officiers de « poursuivre criminellement les maîtres ou commandeurs qui auront tué un esclave sous leur puissance ou sous leur direction, et de punir le maître selon l’atrocité des circonstances ; …/… » :
Article 43 du code noir de 1685 : « Enjoignons à nos officiers de poursuivre criminellement les maîtres ou les commandeurs qui auront tué un esclave étant sous leur puissance ou sous leur direction et de punir le meurtre selon l’atrocité des circonstances ; et, en cas qu’il y ait lieu à l’absolution, permettons à nos officiers de renvoyer tant les maîtres que les commandeurs absous, sans qu’ils aient besoin d’obtenir de nous des lettres de grâce ».
Ces dispositions ont-elles réellement protégées les esclaves noirs contre les atrocités du système d’asservissement mises en place par le code noir ?
La réponse est d’évidence négative pour plusieurs raisons.
En premier lieu, il s’agit d’une disposition difficilement applicable dans le contexte de l’époque. Il aurait fallu que les quelques dispositions du Code préservant le droit à l’esclave de poursuivre son maître pour mauvais traitement soient portées à la connaissance desdits esclaves.
En deuxième lieu, le Code noir est un texte très répressif et sa philosophie se fonde sur l’inégalité raciale blanc/noir pour asseoir le pouvoir colonial. Ainsi, l’article 38 infligeait une amputation des oreilles à l’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois.
En troisième lieu, le Code noir n’a jamais été respecté par les colons en Guyane, lesquels refusaient la justice du gouverneur.
Enfin en quatrième lieu, le pouvoir colonial sera opposé à toute forme de poursuites à l’encontre d’un maître pour mauvais traitement à son esclave.
Ainsi, dans un mémoire aux administrateurs de la Guyane du 8 janvier 1776, le roi précise : « …/… La plupart des maîtres sont des tyrans qui pèsent en quelque sorte la vie de leurs esclaves avec un travail forcé. Cet excès trop commun ne peut cependant être corrigé par la loi, parce qu’il reste souvent inconnu, et qu’il est presque toujours impossible d’en acquérir la preuve. Il serait d’ailleurs dangereux de donner aux nègres le spectacle d’un maître puni pour des violences commises contre son esclave. (…) » (Gisler Antoine, l’Esclavage aux Antilles françaises, Edition Karthala, 1981, pp 110-111).
Cette distorsion qui existe entre les dispositions inscrites dans le code noir en faveur de l’esclave et son annihilation dans la réalité se trouve confirmée dans une autre disposition du code noir de 1685. En effet, l’article 59 du code noirprécise :
« Octroyons aux affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres. Voulons que le mérite d’une liberté acquise, produise en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, les mêmes effets que le bonheur de la liberté naturelle cause à nos autres sujets ».
L’application de cet article en réalité est tout autre comme le révèle le contenu d’un mémoire du roi du 9 septembre 1776 adressé aux administrateurs de la Guyane :
« Les gens de couleur sont libres ou esclaves ; les libres sont des affranchis ou des descendants d’affranchis : à quelque distance qu’ils soient de leur origine, ils conservent toujours la tâche de l’esclavage, et sont déclarés incapables de toutes les fonctions publiques ; les gentilshommes mêmes qui descendent à quelque degré que ce soit d’une femme de couleur ne peuvent jouir des prérogatives de la noblesse. Cette loi est dure, mais sage et nécessaire : dans un pays où il y a quinze esclaves contre un blanc, on ne saurait mettre trop de distance entre les deux espèces, on ne saurait imprimer aux nègres trop de respect pour ceux auxquels ils sont asservis. Cette distinction, rigoureusement observée même après la liberté, est le principal lien de subordination de l’esclave, par l’opinion qui en résulte que sa couleur est vouée à la servitude, et que rien ne peut le rendre égal à son maître ?) » (Précité Gisler Antoine, l’Esclavage aux Antilles françaises, Edition Karthala, 1981, pp 110-111).
En clair, les dispositions soi-disant humanisantes du code noir se révéleront un leurre sur le plan juridique pour l’esclave relégué au rang de simple meuble. En effet, la société esclavagiste est bipartite :
« Le seul critère de référence est la couleur : toute personne vraiment blanche est humaine et participe de plein droit à la société ». Par contre, « Toute personne non blanche est entachée ou soupçonnée d’être entachée de nègre, ou tout simplement nègre, est non humaine et ne peut participer à la société » (Doriac Neuville, Esclavage, assimilation et guyanité, éditions Anthropos, 1985, p. 17).
Dans cette bipartition de la société, il ne peut avoir dès lors un accès au droit réel de l’esclave face à un Droit dont les nombreuses dispositions répressives sont appliquées avec zèle alors que les quelques dispositions protectrices distribuées avec parcimonie restent du domaine de l’inaccessible tant dans son appréhension que dans son application.
Dès lors, l’esclave noir ne pourra contester les pratiques de ce système inégalitaire, juridiquement organisé par le code noir, qu’en sortant du système juridique, lequel l’exclut comme sujet de droits.
C’est ainsi qu’un grand nombre d’esclaves noirs contesteront le système esclavagiste en faisant « marron » et donneront naissance à une forme de résistance qui va saboter le système esclavagiste : le marronnage. Le marronnage ne va disparaître réellement que lors de l’abolition de l’esclavage de 1848.
Il convient de rappeler qu’avant 1848, la Révolution Française et les idées notamment de Liberté qui lui sont inhérentes entraîneront la remise en cause du système juridique esclavagiste. En effet, l’esclavage va être aboli une première fois en 1794. Son application ne va pas sans poser de problèmes en Guyane. En effet, il y avait une hostilité manifeste, fondée sur des intérêts économiques, envers cette mesure abolitionniste. Pourtant cette première abolition va bouleverser le paysage juridique de la colonie, ce qui souvent très peu connu.
En effet, les anciens esclaves noirs libérés vont participer aux élections locales. C’est que l’assemblée coloniale de Guyane après l’abolition de 1794, comprendra un élu noir et deux élus métis. Cette participation massive aux élections est un indicateur de l’adhésion des anciens esclaves au nouveau système juridique institué par les Révolutionnaires. En, effet, pour la première fois, les noirs de la colonie guyanaise peuvent devenir des acteurs juridiques de la colonie en 1794. Toutefois, ce nouvel état de Droit imposé par la Révolution est contesté fondamentalement par les colons blancs de la colonie qui cherchent par tous les moyens à saboter cette abolition.
Le contact produit entre le Droit et les anciens esclaves est sur le plan psychologique très important. Les anciens esclaves noirs ne participeront pas seulement à des élections. En effet, il sera créé par le gouverneur Cointet un bataillon de personnes de couleur.
Malheureusement, le 20 mai 1802 marque l’anéantissement du modèle juridique révolutionnaire : l’esclavage et la traite sont rétablis. D’un texte, on annihile tous les droits donnés huit années plus tôt aux gens de couleur.
La réaction est vive et on assiste à une forte recrudescence du marronnage, seule forme de contestation du système juridique mis en place. La perception du Droit et la confiance en celui-ci ne pourra plus être la même. L’abrogation de l’esclavage en 1794 et son rétablissement en 1802 va entraîner un doute sérieux quant à la légitimité et à la confiance que les esclaves peuvent accorder au Droit venu de France.
Ainsi, même après 46 ans, cette duperie juridique sera toujours présente dans les esprits des esclaves les plus âgés, témoins du rétablissement de l’esclavage en 1802, au point qu’un certain nombre exigera de leurs maîtres un certificat d’affranchissement, plus fiable à leurs yeux qu’un décret d’abolition établi à Paris.
Les esclaves ne font plus confiance au Droit, un Droit qui les a trahis en leur accordant une liberté, reprise plus tard. Donc la méfiance est de mise en 1848.
La traite et l’esclavage négrières a été une atrocité sans nom car elle a impacté des dizaines de millions d’êtres humains qui ont été transplantés aux quatre coins du monde.
Tout pays comporte dans son histoire des périodes très sombres parce que l’histoire est le reflet de concepts et d’idées qui bouleverse et traumatise le destin des gens et des peuples. Toutes les atrocités ont en commun d’avoir été le fruit de pensées d’individus qui ont oublié leur humanité. Les commémorations, telle celle de l’abolition de l’esclavage, existent surtout pour rappeler que l’Humanité est très fragile et qu’il est facile de la nier pour asseoir des régimes d’oppression et d’atrocités.
Être dans l’Humanité c’est également de ne pas rester sur les blessures du passé mais très clairement de dépasser et vaincre les lourdeurs et pesanteurs de toute histoire humaine aussi traumatisante qu’elle soit pour avancer.
Chaque femme et chaque homme sont des vigies pour défendre et garantir cette Humanité, surtout face aux secousses que subissent les sociétés dans lesquelles nous vivons et partageons en commun cette terre. Une invitation nous est donnée par Frantz Fanon par une de ses pensées emprunte d’une grande Humanité :
« Je me découvre un jour dans le monde et je me reconnais un seul droit : celui d’exiger de l’autre un comportement humain. Un seul devoir. Celui de ne pas renier ma liberté au travers de mes choix ».
Patrick Lingibé, Avocat spécialiste du Droit public, ancien Bâtonnier et Membre du réseau international d’avocats GESICA.
Rappel de certaines dispositions de l’édit de 1685 organisant le système de châtiments corporels contre les esclaves noirs :
Article 15 du code noir de 1685 : « Défendons aux esclaves de porter aucunes armes offensives ni de gros bâtons, à peine de fouet et de confiscation des armes au profit de celui qui les en trouvera saisis, à l’exception seulement de ceux qui sont envoyés à la chasse par leurs maîtres et qui seront porteurs de leurs billets ou marques connus. »
Article 16 du code noir de 1685 : « Défendons pareillement aux esclaves appartenant à différents maîtres de s’attrouper le jour ou la nuit sous prétexte de noces ou autrement, soit chez l’un de leurs maîtres ou ailleurs, et encore moins dans les grands chemins ou lieux écartés, à peine de punition corporelle qui ne pourra être moindre que du fouet et de la fleur de lys ; et, en cas de fréquentes récidives et autres circonstances aggravantes, pourront être punis de mort, ce que nous laissons à l’arbitrage des juges. Enjoignons à tous nos sujets de courir sus aux contrevenants, et de les arrêter et de les conduire en prison, bien qu’ils ne soient officiers et qu’il n’y ait contre eux encore aucun décret. »
Article 18 du code noir de 1685 : « Défendons aux esclaves de vendre des cannes de sucre pour quelque cause et occasion que ce soit, même avec la permission de leurs maîtres, à peine du fouet contre les esclave, de 10 livres tournois contre le maître qui l’aura permis et de pareille amende contre l’acheteur. »
Article 19 du code noir de 1685 : « Leur défendons aussi d’exposer en vente au marché ni de porter dans des maisons particulières pour vendre aucune sorte de denrées, même des fruits, légumes, bois à brûler, herbes pour la nourriture des bestiaux et leurs manufactures, sans permission expresse de leurs maîtres par un billet ou par des marques connues ; à peine de revendication des choses ainsi vendues, sans restitution de prix, pour les maîtres et de 6 livres tournois d’amende à leur profit contre les acheteurs. »
Article 38 du code noir de 1685 : « L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur une épaule ; s’il récidive un autre mois à compter pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule ; et, la troisième fois, il sera puni de mort. »