La Saintonge : Histoire d’un bâtiment centenaire devenue la Mairie de Arue

La Saintonge : Histoire d’un bâtiment centenaire devenue la Mairie de Arue

©Outremers360

Propriété de la commune de Arue [prononcer « A-rou-é »] depuis 1978, La Saintonge, demeure de style colonial construite pour un Français originaire de l’île d’Oléron, est devenue au fil du temps la plus ancienne mairie de Polynésie, en terme de Patrimoine matériel. Facilement repérable, il faut pour l’apercevoir quitter la ville de Papeete par l’Est en poursuivant la route qui ceinture Tahiti, île principale de Polynésie française. La commune de Arue raconte l’Histoire de ce bâtiment centenaire. 

La date de construction de la mairie a été oubliée pendant longtemps avant que l’ancien jardinier de la commune qui avait travaillé de longues années pour les anciens propriétaires ne retrouve une pierre de fondation gravée. Il était inscrit : le 7 octobre 1892. On peut donc logiquement penser qu’il s’agit de la date de commencement des travaux qui auraient duré une année entière.

Elle avait été construite pour le compte de Victor Raoulx né en 1842 sur l’île d’Oleron (en Charente-Maritime) dans une province nommée la Saintonge. En souvenir de cette région d’Aquitaine qu’il affectionnait, il allait baptiser sa demeure de style colonial « La Saintonge ». Propriétaire d’une plantation de canne à sucre et d’une rhumerie à Atimaono, Victor Raoulx avait également fait fortune en tant que principal importateur de Tahiti et s’était investi dans une carrière publique et politique. Il décédait d’ailleurs en 1914 en qualité de membre du conseil d’administration colonial.

Victor Raoulx, à gauche, entouré de sa famille devant La Saintonge ©Commune de Arue

Victor Raoulx, à gauche, entouré de sa famille devant La Saintonge ©Commune de Arue

Mais bien avant sa disparition, Victor Raoulx vendra la Saintonge le 23 mars 1905 à son gendre, Hippolyte Malardé, qui deviendra maire de Papeete de 1920 à 1922 et qui la revendra, à son tour, le 24 mars 1934 à Marie Magdeleine Merle de Brugière de Laveau-Coupet. En 1955, Marcel Krainer, alors consul d’Autriche, recherche une maison pour abriter sa famille. Il jette son dévolu sur deux maisons : la maison Martin à Mahina -juste en face du motu- et l’actuelle mairie de Arue. Mais les deux ont un charme certain et possèdent toutes deux la réputation d’être hantées !

La Saintonge, laissée à l’abandon depuis de nombreuses années, est alors noyée dans une végétation envahissante. Elle est sombre, délabrée et lugubre… Mais la famille Krainer finit quand même par la choisir: « parce que la plage était plus belle et immense. Le domaine s’étendait jusqu’au bord de la mer et s’enfonçait profondément dans la vallée et la montagne. Il n’y avait pas une seule maison aux alentours » déclarait, dans les années 1970, la fille Krainer, Tere de son prénom.

La Saintonge en 1963 ©Charles Weckler

La Saintonge en 1963 ©Charles Weckler

Pepe, le jardinier de la famille entreprend aussitôt de débroussailler le domaine. La maison se retrouve alors baignée de lumière et devient  resplendissante. Le père de Tere Krainer plantera une double rangée de cyprès verts le long de l’allée principale pour donner plus de majesté au site. La maison et son parc font très vite l’admiration de tous et inspireront peintres, photographes et cinéastes. Une copie de la maison sera même reconstituée à Bora Bora pour les besoins du tournage de « Hurricane » à la fin des années 1970.

Tere Krainer vivra dans la maison familiale jusqu’en 1961 – l’année de son mariage. Elle part vivre à Huahine, mais revient régulièrement à la Saintonge où elle amènera bientôt ses propres enfants. Tahiti s’urbanisant vite, le domaine n’est plus l’îlot de paix qu’il était jadis et le domaine devient difficile et coûteux à entretenir. Un bowling se construit à proximité et sonne le glas de la tranquillité. Le consul se résout alors à la vendre et la commune de Arue s’en porte acquéreur en 1978. En 1979, le président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, inaugure la nouvelle mairie. Les membres de la famille Krainer sont, bien évidemment, présents et le président viendra serrer la main d’une des filles, Evelyne, et lui dira : « Quel beau mélange austro-tahitien vous faites… ».

©Outremers360

©Outremers360