La communauté tamoule perpétue ses rites ancestraux : La Marche sur le feu à la Réunion (1/2)

La communauté tamoule perpétue ses rites ancestraux : La Marche sur le feu à la Réunion (1/2)

Comme Noël ou l’épiphanie pour les catholiques, les communautés indiennes ont également célébré leurs divinités. Exemple à la Réunion, île ou se brassent toutes les communautés, cultures et cultes se côtoient en affirmant  leur forte tradition religieuse. Par ces rites, la Réunion conforte ainsi son vivre ensemble de toutes les communautés venus d’Inde, d’Afrique, de Chine, et d’Europe…Avec Lynda Savarin, Outremers 360 vous propose un focus sur certaines festivités tamoules de l’île.

A l’instar de toutes les communautés religieuses, la communauté tamoule a su s’adapter et évoluer pour continuer à exister au sein d’une société réunionnaise en mutation. C’est ainsi que le dipavali, le jour de l’an tamoul sont apparus sous l’impulsion des prêtres venant de Maurice et d’Inde et l’ouverture des échanges cultuelles et culturelles avec Maurice dans un premier temps et de l’Inde par la suite. Mais l’évolution ne veut pas dire changement totale. C’est ainsi que les fêtes du début d’année perdurent dans le temps et s’inscrivent dans le paysage réunionnais.  Pour information, la nouvelle année tamoule débute en avril les 13 ou 14 avril en fonction de la conjonction lunaire. Les marches sur le feu ne sont pas donc commémorées à la nouvelle année de la communauté mais bien en lien avec le passé colonialiste de l’ île de la Réunion.

Pour la petite histoire, ces traditions sont héritées de cette époque. Profitant des vacances des propriétaires qui prenaient des congés pour fêter la naissance du Christ et le Nouvel an, les engagés d’Inde venus travailler les terres agricoles sucriers, habitant dans les « calbanons » (habitations de terre et de paille), situés à proximité des usines sucriers, pratiquaient leur culte tamoul. Un culte célébré au début en toute discrétion, de façon confidentielle, puis peu à peu, sous forme de revendications pour être aujourd’hui librement pratiqué au grand jour.Une évolution des pratiques qui s’est opérée dans la douleur, celles des critiques, des délations pour croyances impures et pratiques de sorcellerie, des interdictions et qui aboutit aujourd’hui à des fêtes religieuses et culturelles partagée avec l’ensemble de la communauté réunionnaise notamment au travers de spectacles de musique, de théâtre (bal tamoul), de musique, mais aussi par l’émergence d’infrastructures d’école de danse, de musique, de chant tamoul participant ainsi à une meilleure connaissance des cultures.

Cette ouverture a conduit aujourd’hui à cette harmonie et ce vivre ensemble des peuples. C’est peut être là, une des clés pour régler les guerres de religions dans le monde. La méconnaissance de l’Autre entraine des questionnements, des peurs et inventions imaginaires de toutes sortes. La mise en lumière tout en conservant toutefois certains aspects confidentiels œuvre à l’éradication du racisme et du repli identitaire et participe au rayonnement et à la démocratisation cultuelles et culturelles. Certes, la revendication identitaire ne signifie pas repli communautaire et ne se pose pas en termes de conflits et d’affrontements, mais doit plutôt se fonder sur un dialogue inter-culturel et inter-religieux sincère et constructif. Dans le grand concert des cultures du monde qui doivent s’exprimer dans leur diversité, chaque note apportée contribue à l’harmonie de l’ensemble. Il s’agit tout simplement pour nous de mieux connaître nos richesses pour mieux les partager.

Marche sur le feu – La Cafrine à Grand-Bois du 01 janvier 2016(Vidéo : Jean-Luc TPK)

Posté par Religion Malbar : Photographie sur lundi 4 janvier 2016

Avant 1848, les engagés indiens venus du Tamil Nadu pour la plupart plantés la canne à sucre vivaient dans des conditions de semi-esclavage, en pratiquant leur culte qui a été longtemps été diabolisé et interdit. Après 1848, le nombre de marches sur le feu à la Réunion a progressé parallèlement à celui des usines sucrières. En effet, la marche sur le feu a lieu le 01 janvier près de l’usine du Colosse à Saint André et au temple de Beaufonds à Saint Benoît, le 02 dans le quartier de Ravine Creuse à côté de l’usine Ravine Creuse, et à Sainte Marie, le 03 à la Mare. Aux quatre coins de l’île, des marches sur le feu commémorent l’histoire du « Mahabharatha ». Ces rites coïncident alors avec les jours de congés, en ce début de janvier, en commémoration aux dates de vacances des propriétaires pratiquant le catholicisme, et employeurs des premiers engagés indiens. La marche sur le feu retrace l’histoire de la déesse Pandialee et de son époux Arjunin qui n’a pas hésité à traverser les flammes pour prouver sa fidélité à ce dernier.

A l’image de leur déesse, chaque année des dizaines de fidèles des sapèls malbar font le vœu de marcher sur le feu ou de faire le tour du feu dans un but précis, remerciement, expiation, action de grâces, sacrifice, don de soi…

L’épreuve est précédée pour les pénitents par une période d’ascèse appelée carême dont la durée est souvent de dix-huit jours, et pendant laquelle ils doivent se conformer à une série d’interdits, en particulier alimentaires, de chasteté, de purification du mental, de l’apaisement de l’égo… Le carême des pénitents est ponctué de temps de prières, de rites, de solidarité partage.

Les rites se déclinent par des temps forts comme la cérémonie d’ouverture, « amare cap » pendant laquelle, on leur attache au poignet un bracelet (kap) qui marque leur engagement solennel, de toutes les phases de reconstitution de l’histoire « Mahabharatha », de théâtre religieux (bal tamoul), de récits (barldon), et enfin de la cérémonie finale de remerciements de sacrifice d’animaux. Les épisodes les plus connus sont ceux du mariage des dieux (mariage bondié), de la commémoration du décès d’Alvan Katapouli, du repas de Pakarsoulin (mangé Pakarsouli). Enfin la marche sur le feu (marche dan’ fé) clôture les 18 jours d’ascèses.

Bon nombre de Réunionnais et les touristes aiment regarder ce rite ouvert à tous dans la cour des temples  pour l’occasion.

Texte de Lynda Savaranin, Coordinatrice culturelle et cultuelle de la communauté tamoule à la Réunion.