Journée de la Femme : Stéphanie Melyon Reinette, “ L’image de la femme hypersexualisée est prédominante” EXCLU

Journée de la Femme : Stéphanie Melyon Reinette, “ L’image de la femme hypersexualisée est prédominante” EXCLU

Malgré les différents combats menés par les mouvements féministes, la femme reste inégale face à l’homme. Son image est encore décrédibilisée au sein de la société. En cause pour Stéphanie Melyon-Reinette, un regard de l’autre omnipotent.

Pétries dans une société qui cultive le conformisme, les femmes peinent encore à s’imposer malgré les avancées des dernières décennies. Une situation d’inégalité hommes-femmes qui est encore plus exacerbé en Outre-mer. Une récente étude de l’Insee a révélé que les femmes dans les départements ultramarins sont plus touchées par le chômage par à rapport à l’Hexagone (+5,9 points contre +1,3 points en France hexagonale). Stéphanie Melyon-Reinette s’inscrit à contre-courant de cette pensée. Elle défend l’idée d’unicité dans les différents combats qu’elle mène sur la question féminine. Derrière l’originalité, elle promeut la valeur de l’égalité. A l’occasion de la journée de la Femme, Outremers 360 revient avec cette interview de  Stéphanie Melyon-Reinette sur sa perception de la femme actuelle. La femme est-elle totalement libre ? Comment peut-elle prendre sa place dans la société ? Comment peut-elle devenir l’égale de l’homme ? Explications avec la sociologue Stéphanie Melyon-Reinette.

Vous êtes à la fois chercheuse, poètesse, écrivaine mais aussi chanteuse, qu’est-ce qui vous anime dans chacune de ces facettes que vous possédez?

Je crois qu’au coeur de tout ce que je fais, il y a toujours la recherche. En tant que sociologue, on étudie ou on observe la société et en tant que poète on observe aussi la société quelque part. Je pense aussi que les poètes sont autant observateurs que les sociologues. Au début, lorsque j’ai commencé ces deux activités, j’ai voulu les séparer mais aujourd’hui je me rends compte qu’il n’y a pas de séparation. Tout d’abord parce que je suis une personne et ensuite, il faut assumer ce que l’on est. Mais cela part toujours d’une démarche personnelle qui est toujours la même, c’est-à-dire observer, rechercher, chercher des réponses parfois en soi-même.

Vous êtes très engagée sur la question du féminisme? Y a-t-il un évènement qui vous a marqué pour défendre cette question?

Au début, je ne me définissais pas comme féministe mais aujourd’hui oui. Car même en tant que sociologue, nous sommes pétris par les préjugés de la société dans laquelle on vit. La société française a des préjugés à l’égard des féministes comme ailleurs. La féministe est vue comme une personne limite acariâtre, qui va être agressive et être contre les hommes. C’est avant tout une personne qui a toute sa place dans la société. Elle veut être considérée comme un homme, pas l’égal d’un homme car selon moi nous ne sommes pas des hommes. Nous sommes des individus à part entière. On a un rôle à jouer dans la société, un rôle qui est même fondamental puisque, même si on veut minorer la femme; c’est quand même à la femme qu’on donne la responsabilité de façonner l’enfant, de donner une éducation, tenir une maison. Quelque part, et cela est même contradictoire de donner autant de responsabilités à une personne que l’on considère comme mineure. Et je ne crois pas que si les femmes étaient au pouvoir, le monde serait meilleur. Les préjugés qui ont été construits autour de la féminité comme la fragilité, ou autre caractéristique ne sont pas fondés. Je crois qu’il y a également des hommes fragiles comme il y a des femmes fragiles. Comme il existe des femmes courageuses. C’est d’abord une question de personnalité. Je crois qu’il y a des femmes aussi agressives ou belligérantes que les hommes.

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Quels combats menez-vous pour défendre la cause féminine ?

Mon but est d’amener les femmes à se questionner. Dans le travail que je fais, je n’exclus pas les hommes. Dans la société, ces derniers ont une injonction à être viril, à être supérieur. C’est le négatif de la femme, il doit être protecteur, celui qui a le pouvoir, celui qui gagne plus d’argent. Lorsqu’il vit le contraire, cela devient déstabilisant pour ce dernier et aboutit à des situations de déséquilibre, de rapports de violence. C’est avant tout un travail collectif, en tant que femme ou en tant qu’homme, on doit se poser la question quel est le rôle de la femme dans la société, quelle place donne t-on à la femme dans la société. Et ceci dès le plus jeune âge.

Déjà dans l’éducation, on éduque les femmes à être inégales en fait, à être inférieures

Que représente pour vous la femme aujourd’hui ?

Par mon vécu, en regardant les femmes de ma génération ou plus âgées ou en constatant dans l’Histoire les grandes femmes qui ont joué des rôles : Jeanne d’Arc ou Gerty Archimède. Il y a des femmes qui ont accompli des choses que l’on pourrait attribuer à des hommes mais pour autant on constate que les femmes sont les premières victimes de la violence. Les femmes sont avant tout des individus comme tout autre. Il faut surtout éduquer les femmes comme étant des individus et ensuite comme des individus égaux. Déjà dans l’éducation, on éduque les femmes à être inégales en fait, à être inférieures. Or, on devrait éduquer les filles à être leurs propres maîtresses sans pour autant s’affranchir de l’autre, de l’homme ou du partenaire. Il faut se dire que notre destin n’est pas de se mettre dans les mains de l’homme. Une femme doit pouvoir se dire qu’elle est en capacité d’assumer son destin seule. Se marier, non pas que je sois contre le mariage, n’est pas une fin en soi. C’est simplement un rite de passage comme un autre.

Lors du dernier festival Cri de Femmes, à travers l’exposition “La Clit Revowlution”, vous défendiez l’idée que le plaisir féminin ne soit plus un tabou. La femme est-elle encore aujourd’hui prisonnière de certains carcans sociétaux?

La sexualité ne se résume pas qu’au plaisir féminin ou au sexe. L’acte sexuel, les histoires de positions pour moi, ce n’est que de la mécanique. La sexualité peut également se résumer à sa propre vie, à ses valeurs, à son cheminement. La sexualité peut également dire que la femme peut décider librement de son corps. On peut être une femme libérée sans être une femme libertine. Il faut faire une différence entre faire le choix de plusieurs amants, dire que mon corps m’appartient, être libre de donner mon corps à qui je veux et se donner en spectacle et avoir l’impression d’être libre.

Concernant la représentation de la femme qui prédomine, c’est l’image de la femme hypersexualisée qui est avancée…. Avec les réseaux sociaux, on ne vit qu’à travers le regard de l’autre : il faut avoir une vie exceptionnelle, sortir du rang, il faut se démarquer donc la surenchère devient la loi de fonctionnement.

Cette liberté sexuelle de la femme ne risque-t-elle pas d’aboutir à un amalgame, si l’on s’appuie sur ce phénomène de “car wash”, par exemple ?

Simuler un acte sexuel en public, pour moi, ce n’est pas être libre. Dans ce contexte, on répond à une injonction sociale qui place la femme dans une position dominée, soumise.  C’est un spectacle qu’on offre aux hommes. Aux Etats-Unis, le phénomène de “car wash” est exécuté dans un contexte particulier. Après nous rentrons dans un schéma qui ne dépend pas de notre volonté. Chez nous, aux Antilles, nous sommes dans une société où on se regarde, on s’observe et on se juge. Avec les réseaux sociaux, on ne vit qu’à travers le regard de l’autre : il faut avoir une vie exceptionnelle, sortir du rang, il faut se démarquer donc la surenchère devient la loi de fonctionnement. Les gens ont perdu de la distance avec ce qu’ils voient. Ils ne font plus de différence entre le virtuel et la mise en scène. Les gens n’ont plus de regard critique sur les choses. Il ne font que calquer des modèles sur eux même et il se disent “je veux incarner pour me sentir puissant, avoir ce sentiment d’exister ”. Nous traversons une grosse crise existentielle. Les femmes qui ont ce comportement là ne prennent pas le temps de juger ce qu’elles voient. Dans nos sociétés, le regard de l’autre est devenu important.

A quoi est due cette crise existentielle d’après vous ?

Je me demande même s’il n’y a pas un problème de valorisation de la personne. On a l’impression que tout le monde doit être une star et les réseaux sociaux ont exacerbé ce phénomène. Tout le monde a une aspiration à devenir une star. Aujourd’hui la valeur qui prime, c‘est l’argent. Concernant la représentation de la femme qui prédomine, c’est l’image de la femme hypersexualisée qui est avancée. Certaines pensent que par ce biais, c’est un discours de liberté ou d’émancipation que d’être nue la plupart du temps. Mais on peut très bien être médecin ou même artisane et être indépendante. Il faut qu’on apprenne à connaître qui régit les valeurs actuelles dans la société et déterminer les valeurs qui sont valorisantes pour nous.

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Selon vous, quel rôle doit s’assigner la femme aujourd’hui pour être reconnue en tant que telle ?

Le rôle que la femme doit s’assigner, c’est d’être un individu à part entière comme un homme décide de l’être. Hors de la question sur le genre, je crois que les parents doivent écouter les aspirations de leurs enfants au lieu de dire “ce n’est pas fait pour toi, ce n’est pas bien !” Il faut simplement laisser et accompagner l’enfant dans ce qu’ils sont. Ceci amènera à des individus qui assument ce qu’ils sont et prennent leur place dans la société. Je crois d’abord, que l’on doit permette à un individu, homme ou femme, à être unique. Être un homme et exercer un métier de femme ou être une femme camionneur. Parce que ce sont les aspirations de l’individu. Le danger pour moi est d’empêcher un enfant de devenir ce qu’il veut être. Les parents doivent surtout le protéger des dangers de la société et non de lui- même. On peut le constater avec beaucoup de personnes, qui ont des frustrations lorsqu’ils sont adultes car ils ne vivent pas ce qu’ils veulent être réellement. Ils ont obéi à l’autorité parentale qui disait “ je veux que tu suives cette voie là, que tu sois médecin ou architecte” alors que, lui voulait être artiste de cirque.

Le travail reste à faire sur la notion de couple.

Sur quels points faut-il encore travailler pour faire évoluer l’image et le statut de la femme?

Aujourd’hui, on peut constater que les choses changent. Comparées à deux générations auparavant, les femmes sont plus éduquées auparavant : elles sont plus instruites, plus diplômées. Ce sont des personnes qui sont plus à même de réfléchir, de questionner la société dans laquelle elles vivent. Les mentalités ont également évolué sur la question du mariage. Cependant, le travail reste à faire sur la notion de couple. Je crois qu’il faut opérer  une distinction entre ce que nous vivons avec nos pairs et ce que nous vivons dans le couple. Dans le couple, il y a plein des choses qu’on ne montre pas, que l’on produit à l’encontre de ce que l‘on pense. Je pense qu’encore une fois, l’éducation est la base de tout. Maintenant, il faut savoir se positionner face à l’autre, comment on est seul face à l’autre. Pour moi, cela se joue d’abord dans la famille. La société française, façonnée par les valeurs judéo-chrétiennes, a imposé un modèle sur la place de la femme, c’est-à-dire que cette dernière soit toujours dans la justesse, rangée et raisonnable. Une femme peut-être autre que chose que cela.