Le 7 février dernier, la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE) a étudié les Centres éducatifs renforcés (CER) dont trois ont été déployés en Outre-mer entre 2009 et 2018. Maxime Zennou, Directeur général du Groupe SOS Jeunesse, association qui gère ces trois CER, explique ce dispositif d’ « innovation pédagogique » dédié aux jeunes.
La délinquance des mineurs est un sujet d’actualité constante dans l’Hexagone comme dans les Outre-mer. Les contextes territoriaux sont différents mais les mêmes lois y sont appliquées. Ainsi l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, en cours de réforme, énonce toujours et heureusement la primauté donnée par le juge des enfants aux réponses éducatives.
Sans opposer la sanction à l’éducation, le pari est fait que l’enfant, qui peut être incarcéré dès l’âge de 13 ans, demeure un adulte en devenir et doit bénéficier d’une attention particulière conformément aux prescriptions de la Convention international des droits de l’enfant dont nous venons de fêter le 30ème anniversaire.
C’est dans ce contexte que la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant) qui compte de nombreuses associations adhérentes dans les Outre-mer a souhaité consacrer une journée nationale d’étude le 7 février dernier à ce dispositif moins connu que les fameux « centre éducatifs fermés ». Les centres éducatifs renforcés accueillent des mineurs de 13 à 18 ans, auteurs d’infractions souvent répétées, dans une logique de rupture avec le milieu naturel de vie de l’adolescent. On en compte actuellement 47 dont trois dans les Outre-mer. L’idée de cette journée d’étude était de faire la promotion de ces dispositifs.
Qu’est-ce qu’un centre éducatif renforcé ?
Les centres éducatifs renforcés (CER), dénommés à l’origine unités éducatives à encadrement renforcé (UEER), sont issus du « Pacte de relance pour la ville ». Ils ont été créés par note du ministère de la Justice du 8 mars 1996, comme alternative à l’incarcération, en réponse à la crise des banlieues. Le cahier des charges publié par circulaire du 13 janvier 2000 est encore en vigueur. Le nombre de CER s’élève à 47 dispositifs. Depuis la création de ces établissements, plusieurs rapports ont été élaborés.
Ils concluent tous à l’intérêt du concept et préconisent son développement tout en alertant sur les améliorations nécessaires. Celles-ci devraient intervenir dans le cadre des « États généraux du placement », lancés en janvier 2020 par la Direction de la Protection judiciaire de la Jeunesse (Ministère de la Justice), l’autorité de contrôle et de financement de ces établissements dont le cahier des charges nécessite un sérieux toilettage.
Les CER sont des établissements sociaux soumis au code de l’action sociale et des familles (CASF). À ce titre, ils accueillent et accompagnent les mineurs dans le respect de la loi du 2 janvier 2002. Ils s’inscrivent dans un dispositif global de réponses pénales et répondent ainsi à la nécessité de gradation et de diversification des réponses éducatives. Les CER accompagnent et accueillent des mineurs dans le cadre d’un placement pénal au titre de l’ordonnance sur un temps court de 3,5 à 5 mois. Ils proposent une action éducative à des jeunes faisant l’objet d’une sanction pénale. La spécificité du dispositif réside notamment dans la prise en charge intensive, contenante et renforcée des mineurs accueillis et la présence éducative permanente. Le cadre contenant n’est donc pas lié aux murs de la structure, mais bien à la présence éducative permanente.
La prise en charge se déroule en trois temps qui rythment une session très structurée : la rupture avec le milieu naturel de vie du jeune, la remobilisation d’un projet après un bilan complet de sa santé comme de ses compétences, la préparation à l’insertion pour accompagner au mieux le retour auprès des siens chaque fois qu’il est possible.
Avec un groupe réduit de 6 à 8 jeunes, les CER s’inscrivent dans une dynamique de resocialisation en référence à des règles de vie qui associent estime de soi, respect des autres, et intégration de la loi. La dimension collective y est très marquée et permet de créer une dynamique d’équipe, une proximité éducative et une relation de confiance entre les jeunes et avec les professionnels. Ils « démarrent » et « avancent » ensemble. La participation à la vie collective et les activités mises en œuvre contribuent à offrir un cadre structurant et rassurant avec une forte dimension « humaine » et « familiale ». Pour autant, les CER individualisent la prise en charge en fonction des besoins des jeunes, car chacun inscrit son parcours dans un projet personnel dont chaque étape est accompagnée.
Un déploiement dans les Outre-mer
En Outre-mer, le Groupe SOS, leader européen de l’économie sociale et solidaire et premier partenaire national de la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (Ministère de la Justice) sur le placement pénal des mineurs, gère les trois CER déployés à La Réunion par l’AAPEJ (Association d’aide et de protection de l’enfance et de la jeunesse) en 2010, en Guyane, par l’association Groupe SOS Jeunesse en 2009, et à Mayotte par Mlezi Maore en 2018.
Sur chacun des trois départements, au pied du volcan à La Réunion, en forêt amazonienne en Guyane, face à l’îlot de Bandrele à Mayotte, les Outre-mer se sont révélés particulièrement adaptés à cette modalité de l’intervention éducative alternative à l’enfermement des mineurs délinquants. Les ressources naturelles de nos Outre-mer offrent des possibilités diversifiées d’activités qui permettent de déployer des projets éducatifs particulièrement innovants. Chaque jeune accueilli dans le cadre d’une OPP (ordonnance de placement provisoire) prise par le juge des enfants, fait l’objet d’un accompagnement individualisé dans le cadre d’une action collective.
Ces réponses éducatives, sous réserve d’être bien articulées avec l’ensemble des acteurs de la prise en charge (famille, institutions, magistrats) peuvent largement influer sur les trajectoires biographiques des jeunes et impulser des sorties durables de la délinquance. En Outre-mer, comme ailleurs, il n’existe pas de réponse magique à la délinquance des mineurs. La protection judiciaire de l’enfance, qui reste intimement liée à la protection de l’enfance est une co-construction sociale qui doit allier tous les acteurs de l’éducation, de la santé, de la justice ou de la sécurité pour agir à tous les stades de la prévention, de protection et jusqu’à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Seule la conjonction coordonnée de l’ensemble de ces paramètres permet d’agir efficacement sur les passages à l’acte des jeunes en conflit avec la loi et d’éviter la répétition et l’aggravation des situations.
À bien des égards, les CER offrent des résultats intéressants, grâce notamment à une prise en charge intensive des jeunes placés. Cette prise en charge passe par des activités et des pratiques sportives offrant l’adrénaline que leur procuraient les vols, les agressions ou encore, les bagarres. L’accompagnement à la sortie est également un enjeu prioritaire des CER.
Maxime Zennou, Directeur général du Groupe SOS Jeunesse.