Essais nucléaires en Polynésie : Une proposition de loi pour les « victimes indirectes » introduite par Moetai Brotherson

Essais nucléaires en Polynésie : Une proposition de loi pour les « victimes indirectes » introduite par Moetai Brotherson

Une manifestation anti-nucléaire à Papeete ©Moruroa.org

Ce lundi 19 mars par communiqué, le député (GDR) de la Polynésie, Moetai Brotherson, annonce avoir introduit auprès de l’Assemblée nationale et du Sénat, deux propositions de lois, l’une visant à prendre en compte les « victimes indirectes » des essais nucléaires, la seconde visant à « permettre une vraie prise en charge des frais médicaux et paramédicaux des victimes reconnues ».

Moetai Bortherson présente donc deux propositions ayant le même objectif : « mettre l’Etat face à ses responsabilités quant aux conséquences de ses essais nucléaires », qui ont eu lieu de 1966 à 1996 en Polynésie française. La première a pour but de « rajouter au dispositif existant de la loi Morin (ou loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires votée en 2010, ndlr), la prise en compte des ‘victimes indirectes’ mais bien réelles » explique le député dans son communiqué. Moetai Brotherson précise deux cas de figures pour expliquer sa proposition de loi : « Une victime reconnue, mariée, mais toujours vivante et en capacité de travailler vient à décéder. Qu’advient-il de son conjoint si seule la victime apportait un revenu au foyer ? » ; « Une victime reconnue, en capacité de travailler, avec des enfants scolarisés, vient à décéder. Qui va continuer d’assumer la charge de cette scolarisation, au moins jusqu’à la majorité, si ce n’est jusqu’à la fin des études ? ». « Aujourd’hui, la loi Morin ne prévoit rien. Ce n’est ni normal, ni juste, ni moral », s’indigne-t-il.

La seconde proposition de loi du député de la Gauche démocrate et républicaine a pour but de « permettre une vraie prise en charge des frais médicaux et paramédicaux des victimes reconnues (…), non plus par les systèmes de protection sociale des territoires, mais bien par l’Etat français, avec un financement prélevé sur le secteur du Nucléaire civil », explique-t-il. C’est en effet la Caisse de prévoyance sociale (CPS), pendant de la Sécurité sociale en Polynésie, qui prend en charge ces frais. Moetai Bortherson propose un « financement des charges nouvelles » induites par cette proposition de loi, par « un Fonds abondé par un prélèvement fiscal auprès des entreprises produisant de l’électricité à partir du nucléaire civil ». Ce type de prélèvement « n’aura aucune incidence palpable pour les citoyens », souligne-t-il. « Dans les semaines qui viennent, ces propositions seront en circulation, au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat pour avis et information », indique également le député.

Moetai Brotherson a aussi l’intention de les transmettre aux élus polynésiens, au Conseil économique, social et culturel (CESC), aux membres du Conseil d’administration de la CPS ainsi qu’aux associations luttant pour les victimes des essais nucléaires français, en Polynésie, dans l’Hexagone et aussi en Algérie. C’est à la suite de ces consultations que le député déposera officiellement ces nouvelles propositions de loi à l’Assemblée nationale. Moetai Brotherson appelle également au soutien de ses collègues parlementaires « en faisant abstraction des postures partisanes ».

19 mars 1977 : Le tir Nestor

Le député de Polynésie, issu des rangs indépendantistes, n’a pas choisi une date au hasard pour présenter ses deux nouvelles propositions de loi. En effet, « le lundi 19 mars 1977 (…), le tir Nestor, d’environ 150 kilotonnes de TNT, soit 50 fois la bombe d’Hiroshima, était effectué dans les entrailles de l’atoll de Moruroa », rappelle Moetai Brotherson. De même, ce dimanche 18 mars, un jeune enfant polynésien est décédé d’une leucémie, « maladie listée (…) parmi celles liées à une exposition aux radiations nucléaires ». « Jacob s’est battu, avec sa famille, loin de son Pays, tant qu’il a pu. Et puis s’est résigné à revenir mourir au ‘Fenua’. (…) Combien décéderont encore avant que l’Etat n’assume entièrement ses responsabilités ? » s’interroge le député.