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Au centre des débats et parfois de certaines controverses, la diversité apparaît comme une notion qui fait malgré tout son chemin au sein de la société française. Mais cette nécessaire prise en compte des minorités visibles n’est-elle pas en train de prendre corps au détriment de la représentation culturelle de la communauté ultramarine désormais sacrifiée sur l’autel de la diversité ? Décryptage.
Discrimination positive
« Il n’y a pas de culture française, mais une culture diverse en France », affirmait Emmanuel Macron, alors candidat à la Présidentielle. Un candidat qui n’hésitait pas à se déclarer favorable au muticulturalisme. « Je célèbre la culture de la créolité dans la République car il y a cette diversité », ajoutait-il. En mars 2018, le chef de l’Etat enfonçait le clou : dans un discours prononcé au Collège de France sur l’intelligence artificielle, il souhaitait que les acteurs de ce secteur ne soient pas tous « des mâles blancs quadragénaires formés dans des universités européennes ou américaines ». Par ces propos, le président de la République entendait ancrer définitivement la notion de diversité comme faisant partie intégrante du pacte républicain.
Emmanuel Macron n’est pas le premier à vouloir promouvoir la diversité et l’égalité des chances au sein de la société française. Nicolas Sarkozy s’y était également engagé, prônant même la « discrimination positive » à la française. Un engagement qui a certes fait long feu, mais qui a eu le mérite de placer ces problématiques au centre des débats pendant un moment.
Mâles blancs de plus de 50 ans
Plus près de nous, c’est Delphine Ernotte qui, dès sa nomination au poste de PDG de France Télévisions, plaidait pour plus de diversité, en s’insurgeant contre la domination « d’hommes blancs de plus de 50 ans » au sein de l’audiovisuel public. Une sortie diversement appréciée mais qui trouvait bien plus tard un soutien et un écho auprès de l’ancienne ministre de la Culture et de la Communication, Françoise Nyssen qui persistait et signait, assurant que « le pays des Lumières, sur ce sujet de la diversité, est hautement réactionnaire ». Et la ministre de demander à ce que l’audiovisuel public soit « le miroir de nos différences, d’un sexe à l’autre, ou des deux, de toutes les couleurs, de toutes les origines, les urbains, les ruraux, de toutes les différences ».
Certes, ces propos et déclarations restent encore pour beaucoup au stade des bons sentiments, mais cette évolution dans ce domaine marque tout de même une indéniable volonté des autorités publiques et des corps constitués de faire de ce sujet une cause nationale.
Représentation culturelle déclinante
Toutefois, ce mouvement qui va dans le bon sens a ses revers et parfois ses travers. Car paradoxalement, cette volonté de prise en compte des minorités visibles qui composent la société française semble se dessiner aux dépens de la communauté ultramarine. Une tendance qui a commencé à s’entrevoir avec la représentation culturelle déclinante et une visibilité moindre de la communauté ultramarine se traduisant par la mue de France ô, originellement chaîne ultramarine, en chaîne de la diversité et de partage et dont la disparition pure et simple est désormais programmée. Elle s’est poursuivie avec la non-reconduction d’une personnalité issue des outre-mer au poste de délégué à l’outre-mer (DGOM) au sein de la ville de Paris. Une règle non écrite pourtant faisait que ce poste était attribué à une personnalité originaire des outre-mer. Une sorte de tradition républicaine en somme qui revêtait un caractère symbolique. Une manière de montrer sa « considération » à l’égard des outre-mer et des ultramarins de l’hexagone.
Portion congrue
C’est encore récemment l’abolition des circonscriptions régionales aux européennes et le retour aux listes nationales avec pour conséquence la représentation réduite à la portion congrue des candidats issus des outre-mer à ces élections. Désormais, certains candidats originaires d’outre-mer sont voués à quémander voire pour certains à intriguer dans leurs partis respectifs pour bénéficier d’un strapontin leur permettant de siéger au Parlement européen. Cette représentativité au rabais promise sur les listes nationales risque de peser fortement sur l’abstention quand on connait le peu d’allant des électeurs ultramarins pour ce scrutin y compris quand la circonscription outremer existait. Par ailleurs, quand on sait qu’un certain nombre de décisions importantes concernant les territoires ultramarins sont prises au sein de cette assemblée, on peut craindre pour leur avenir.
Normalisation ou dilution
Reste que certains peuvent voir dans cette démarche un infléchissement d’un paradigme qui annonce une certaine indulgence, voire une complicité pour le communautarisme. D’autres peuvent parler de combat d’arrière-gardes. Il n’empêche que le « déficit de reconnaissance » des ultramarins, désormais sacrifiés sur l’autel de la diversité, est bien une réalité qui se mesure à l’aune de leur visibilité culturelle et politique de moins en moins prégnante au sein de la société française et de son incapacité à faire émerger ses élites. Une sorte de déclassement voire de relégation. Faut-il s’en inquiéter ? Les plus optimistes y voient une sorte de « normalisation », c’est -à-dire une assimilation qui ferait de cette communauté des citoyens français à part entière. D’autres, au contraire, s’en émeuvent et entreprennent de se battre contre ce qui s’apparente à un risque de dilution. Car on ne peut bâtir une citoyenneté sur une mutilation de soi-même. Et pour, paraphraser Césaire, si on peut « se perdre par ségrégation murée dans le particulier », on peut l’être aussi « par dilution dans l’universel ».
Erick Boulard