Edito de Jean-Jacques Seymour: « Irma a agi comme un révélateur de quelques fractures profondes »

Edito de Jean-Jacques Seymour: « Irma a agi comme un révélateur de quelques fractures profondes »

Irma  vient de  provoquer  l’un des pires désastres naturels de l’histoire de cette région  des caraïbes.Et nous ne connaissons  encore ni la profondeur de la tragédie ni l’étendue de ses conséquences.

Irma a fait beaucoup de bruit sur son passage, et ça ne risque pas de s’arrêter.Ce qui était prévisible devait être prévu .

Ce qui devait tomber est tombé. Ce qui était inondable a été inondé. La démonstration a été éclatante.

Après le passage de cet ouragan, il est en effet temps de s’intéresser au bilan, et qu’il soit humain ou matériel, il est conséquent.Si le premier  est très important, les dégâts matériels sont également considérables. Irma  n’a pas fait les choses à moitié et les conséquences économiques suite à un tel cataclysme  sont bien évidemment également importantes.

Une image que les habitants des  îles du Nord n’oublieront jamais : leur ville sous les eaux,  cachant des maisons totalement détruites, à reconstruire, le début d’un cauchemard pour la plupart de ces pauvres gens, qui seront  pour beaucoup dans l’incapacité de couvrir les frais de reconstruction .

C’est que cet ouragan a agi comme un révélateur de quelques fractures profondes   et notamment mis le  doigt   sur la fracture sociale entre puissants et faibles car une immense majorité de ceux qui sont restés sur place l’ont été  dans des conditions de vulnérabilité extrême.

Aujourd’hui, il s’agit de sauver des survivants de la tragédie.Car depuis hier  de nombreuses personnes ont pris un statut de survivant réfugié dans leur propre pays.

Lorsque les images de la catastrophe ont commencé à arriver sur les petits écrans et les réseaux sociaux , ce fut un choc : on a découvert que cette société modèle avait en réalité d’autres visages. Celui des ressources, de l’abondance, de la puissance qui  détonnait  à côté de celui de la pauvreté, de l’indigence, de l’abandon, de la souffrance et de la désolation.

Les autorités locales ont donné l’ordre d’évacuation, de confinement  mais ne se sont pas demandées ce qu’allaient faire ceux qui n’avaient pas de voiture, ou qui étaient trop faibles pour partir, ou n’avaient aucun endroit où aller.

Les personnes qui ne pouvaient ou ne voulaient pas quitter Marigot  étaient en grande  majorité des pauvres. Ceux qui sont en fait dans une situation de faiblesse sociale extrême.

On a rarement eu illustration aussi dramatique d’une société à multiples composants dont les liens sociaux censés les réunir n’existent plus.

Les actes de délinquance aveugle et la montée de la criminalité sociale qui ont suivi ( pillages avec armes notamment )  ont montré l’absence de repères sociaux minimaux.La société saint- martinoise a pu constater qu’elle avait donné naissance à des citoyens frustrés et écorchés qui, n’ayant que la haine comme recours, sont devenus  des pilleurs armés, des délinquants. Irma nous a montré ces fractures profondes, ces inégalités extrêmes et d’oppositions dangereuses.

Des sociétés traversées par des fractures profondes, disloquées, sans véritable tissu social, dépourvues de sens, où des citoyens sans repères ne trouvent aucune raison de vouloir vivre ensemble avec les autres, sont des terreaux efficaces à la violence. L’effondrement total du concept de « société » qui laisse la place à celui d’« individu », peut facilement mener au « chacun pour soi et sans les autres » et au « chacun pour soi et contre les autres ».

Autrement dit : à quoi bon de vouloir chasser les démons de par le monde si l’on est incapable de chasser les nôtres ?

Par Jean-Jacques Seymour