Droit des étrangers : Un traitement « deux poids, deux mesures » en Outre-mer

Droit des étrangers : Un traitement « deux poids, deux mesures » en Outre-mer

Dans un rapport intitulé « Les droits fondamentaux des étrangers en France», le Défenseur des Droits Jacques Toubon établit un bilan accablant des pratiques de l’administration concernant le traitement de la situation des étrangers. Un constat qui s’applique également dans certains territoires ultramarins. 

L’administration française opère-t-elle une différence de traitement entre un Français et un étranger ?  Oui, selon le récent rapport du défenseur des droits Jacques Toubon, publié en début de semaine. Il y dénonce même une « logique de suspicion qui irrigue l’ensemble du droit français applicable aux étrangers et va jusqu’à « imprégner » des droits aussi fondamentaux que ceux de la protection de l’enfance ou de la santé ». Certains départements d’Outre-mer ne sont pas épargnés par ces pratiques discriminatoires. Jacques Toubon révèle plusieurs irrégularités dans le traitement des étrangers en Outre-mer.

Un accès aux guichets difficile

Première infraction au droit des étrangers : l’accès aux services de la préfecture pour obtenir des papiers est jugé inaccessible dans le document. Nombreuses sont les personnes qui se présentent aux services préfectoraux mais ne peuvent accéder aux guichets pour effectuer leurs démarches. C’est la croix et la bannière pour les étrangers désirant régulariser leur situation. Mayotte est d’ailleurs citée parmi les quatre départements français concernés par ces dysfonctionnements.
Toujours dans le traitement des dossiers, les demandeurs d’asile de Mayotte n’ont pas accès à un CADA (Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile)  mais seulement à une « structure bénéficiant de financements du ministère chargé de l’asile pour l’accueil de demandeurs d’asile » et perçoivent, en lieu et place de l’allocation de droit commun, des « aides matérielles ». Jacques Toubon a ainsi  recommandé un alignement sur les conditions hexagonales.

© Le journal de Mayotte

© Le journal de Mayotte

Le recours contre une mesure d’éloignement non appliqué

Dans plusieurs collectivités d’outre-mer (Mayotte, la Guyane, Saint- Martin, la Guadeloupe et Saint-Barthélemy) le recours contre une mesure d’éloignement, par exception à ce que prévoit le droit commun, n’est pas suspensif de l’éloignement. « Il existe en Outre-mer une véritable difficulté sur ce point en raison de l’exécution qui y est faite des mesures d’éloignement », souligne le rapport. Le Défenseur des droits demande que les droits soient applicables de la même manière sur l’ensemble du pays. Et s’appuie sur un chiffre: en 2013, seules 93 personnes sur 16.000 placées au Centre de rétention administrative, ont pu formuler un recours devant le juge.
De plus, Jacques Toubon met en exergue l’illégalité de certaines mesures d’éloignement dans les départements d’Outre-mer. «L’étranger qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement peut être renvoyé vers le pays dont il a la nationalité ou vers tout autre pays qui lui aurait délivré un passeport ou document de voyage en cours de validité…Il a constaté l’existence d’une pratique courante en Guyane, consistant à renvoyer vers des pays voisins, tels que le Suriname ou le Brésil, des étrangers qui n’y sont pas légalement admissibles. »

Cas des mineurs isolés à Mayotte

Le Défenseur a dénoncé aussi le rattachement arbitraire des mineurs, notamment à Mayotte. « Faute de pouvoir reconduire à la frontière un mineur isolé interpelé à son arrivée sur le territoire mahorais via une embarcation de fortune, l’administration cherche parfois à établir un lien artificiel entre cet enfant et un adulte en situation irrégulière arrivé par les mêmes moyens ». Jacques Toubon rappelle qu’il s’agit d’une entorse à la Convention européenne des droits de l’homme.
L’autre irrégularité constatée concerne les cas de contrôle transfrontaliers hors zone. Le rapport soulève qu’ « il est étonnant de constater que la loi autorise les contrôles transfrontaliers dans des territoires qui se situent hors de l’espace Schengen ». Par ailleurs, le Défenseur a eu connaissance de contrôles transfrontaliers réalisés en dehors des zones frontalières, notamment à Mayotte. Le rapport sur « Les Droits fondamentaux des étrangers en France » a été publié alors que le conseiller technique territorial du Défenseur des droits, Didier Lefèvre, se trouve actuellement à Mayotte. Il est notamment chargé d’étudier la question des expulsions d’étrangers à Choungi à Mayotte.