Culture: Maëlle Galerie, la nouvelle vitrine de l’art contemporain à Paris par la martiniquaise Olivia Breleur

Culture: Maëlle Galerie, la nouvelle vitrine de l’art contemporain à Paris par la martiniquaise Olivia Breleur

Olivia Maëlle Breleur, Portrait, ZsONA MACO 2019 © Carlos Baeza

Immergée au cœur du quartier populaire de Belleville qui recèle des trésors insoupçonnés, Maëlle Galerie, à deux pas du métro Belleville, propose une programmation artistique riche selon une ligne éditoriale cohérente fixée par sa directrice et fondatrice, la Martiniquaise Olivia Breleur.

Diplômée d’un MBA en management du marché de l’art à l’EAC Paris, Olivia Maëlle  Breleur privilégie l’exigence de la qualité dans le choix des artistes dont elle promeut le talent. Manager, elle les accompagne, les conseille, allant parfois jusqu’à suivre avec eux la production en atelier. Fille de l’un des plus grand artiste d’art contemporain antillais, Olivia a côtoyé très jeune les figures majeures de la culture antillaise comme Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau. C’est donc très naturellement qu’elle a intégré dans sa stratégie de développement la dimension culturelle de la « grande-caraïbe qu’elle envisage comme une vaste région afro-latino américaine et qu’elle soutient fermement.
Consciente de la dimension internationale du marché de l’art, Olivia permet à ses artistes d’être présents dans les plus grandes foires de renommée internationales comme, la foire d’art contemporain ZONAMACO au Mexique ou encore la foire de Miami, Untiltled.

« L’art est un produit comme les haricots. On achète de l’art comme on achète des spaghettis », Marcel DUCHAMP

Pour Olivia Breleur, le marché de l’art implique de considérer l’oeuvre d’art comme une oeuvre de l’esprit, un objet sensible ayant à la fois une vraie valeur artistique mais également une valeur économique qui suit l’évolution de la notoriété de l’artiste et les fluctuations du marché.
L’économie de l’art repose sur ces acteurs liés à la production initiale (commissaires d’exposition, critiques d’art) aux intermédiaires de promotion et de diffusion (galeristes,, foires, institutions…), aux services associés (assureurs, encadreurs, transporteurs…) et enfin aux consommateurs (collectionneurs, mécènes, institutionnels…). Le travail du galeriste est de promouvoir la visibilité de l’artiste et de défendre les artistes. L’intérêt pour le galeriste est à la fois que l’artiste trouve son public, un public grandissant avec le temps, que les œuvres soient montrées et achetées par les institutions et les privés. Cet accompagnement nécessite la mise en place de stratégies à court, moyen et long terme, quitte à investir à perte au début, notamment pour les artistes les plus jeunes.

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Vue d’expo : Vue d’exposition La recherche du rayon vert, exposition personnelle d’Allan Villavicencio, commissariat Anaïs Lepage, Maëlle Galerie. Exposition présentée du 05 avril au 25 mai 2019 © Jérome Michel.

Exigeante, Olivia Breleur ne se défile pas devant les efforts et les contraintes. Promouvoir un artiste c’est lui consacrer du temps et beaucoup d’argent. Ses artistes travaillent tous sous contrat certains bénéficiant même de contrat d’exclusivité. Libre et indépendante, Olivia
impose ses choix artistiques qu’elle transmet avec bienveillance. Sa galerie est à son image, multiple et ouverte sur le monde. On s’y sent bien, le voyage artistique peut commencer !

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© Jérome Michel

Qu’est-ce qui vous a incité à ouvrir une galerie d’art contemporain à Belleville ?

Belleville est identifié comme un quartier de galeries émergentes qui subit de plus en plus la gentrification. Belleville a une énergie qui me plait, le quartier est dynamique et
bénéficie de l’implantation de galeries de qualité dont la visibilité est internationale. Nous nous sommes d’ailleurs regroupés sous le label « Grand Belleville », une association qui intervient comme un gage de qualité. De tailles modestes, les galeries du quartier se concentrent sur
une présence à l’étranger notamment à l’occasion de foires. Il n’y pas de signe ostentatoire, mais la justesse et la rigueur nécessaire à l’accompagnement qualitatif des artistes.

Quel est selon vous le rôle du galeriste sur le marché de l’art ?

Le galeriste est d’abord un excellent chef d’entreprise qui sait où la passion pour les artistes s’arrête et là où l’intérêt pour son entreprise commence. Car parfois les deux peuvent être antinomiques. Il est un équilibriste qui dans une démarche de passionné se bat pour faire
exister sa vision, défendre ses artistes. Il est le trait d’union, le rempart, la raison. Il est le lien entre entre l’artiste et le reste du monde de l’art. Il est central dans la construction de la carrière de l’artiste.

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© Jérome Michel

Cheffe d’entreprise, comment sélectionnez-vous vos artistes ?

La galerie a des goûts affirmés et s’attache à une ligne fragmentée et cohésive résolument tournée vers les questionnements liés à l’espace résiduel ou à l’état de ruine, à la mémoire, à l’Histoire, au corps et à l’identité, de genre, culturelle et sexuelle, selon une approche sensible
qui peut être anthropologique, sociale ou politique. À partir de ces intérêts et ces lieux communs, se manifestent ou s’imposent certains artistes qui semblent nécessaires pour créer une ossature, un corps.
J’aime l’idée d’une sélection transgénérationnelle, qui défend la jeune création, les artistes établis et les artistes historiques. Au delà de la ligne artistique, d’autres facteurs sont importants : la nécessité de partager les mêmes rêves, de parler le même langage, avec un artiste qui se doit d’avoir une oeuvre bien menée, suffisamment prolifique et équilibrée, un parcours et une bonne visibilité institutionnelle ou un fort potentiel à développer et surtout untravail cohérent avec le fichier client de la galerie.

Comment s’effectue alors le travail d’accompagnement de vos artistes ?

Une galerie de promotion à la différence d’un simple lieu d’exposition à une obligation de moyens et de résultats envers ses artistes. Ses missions : entretenir la médiation avec le grand public, faire rentrer les oeuvres dans des collections publiques et privées, entretenir des relations privilégiées avec la presse, les commissaires d’expositions, les conseillers artistiques afin de mieux diffuser et vendre. Nous accompagnons également certains artistes en exclusivité dans la production, nous avançons donc les frais liés à la création des oeuvres, nous gérons la logistique, parfois même le travail de recherche ou la mise en relation avec des professionnels qui peuvent être nécessaires à l’élaboration de certains projets. L’accompagnement c’est du cas par cas, mais c’est surtout une exigence et une façon de voir le métier auxquelles je tiens.

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© Jérome Michel

Comment évaluez-vous la valeur d’une oeuvre ?
Les critères d’évaluation du prix d’une oeuvre sont quasiment les mêmes que l’on parle de premier ou de second marché à quelques détails près comme la provenance par exemple. Rentrent en jeux et se croisent plusieurs facteurs, les cours de production, le type de matériau, le type de médium, la signature de l’artiste, la période, la représentativité de cette oeuvre précise par rapport à l’ensemble de l’oeuvre de l’artiste, l’unicité ou la rareté, la visibilité d’un artiste sur un territoire, la taille de l’oeuvre, le parcours de l’artiste etc…

Quelle est la typologie de votre clientèle ?

Nous avons une clientèle internationale, anglaise, américaine, caribéenne, latino-américaine, italienne, belge, française. Nous avons une multitude de typologie de collectionneurs qui achètent pour des raisons totalement différentes. Cela va du professeur d’arts plastiques,
aux grandes fortunes.

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© Jérome Michel

Vous travaillez beaucoup à l’international, comment identifiez-vous un effet de mode qui va persister ?

Je n’y vois pas d’effet de mode. Travailler à l’international est pour moi une stratégie indispensable. Je suis à la recherche des lieux les plus favorables et réceptifs aux artistes que je défends. Ils bénéficient naturellement d’une ouverture sur l’Afrique, les États-Unis et l’Amérique Latine ; c’est donc tout naturellement que je me dirige vers certaines foires plutôt que d’autres.
La crise économique mondiale que nous traversons aujourd’hui redistribue les cartes, les pays du sud deviennent des pôles attractifs, de grandes fortunes émergent et se renouvellent ailleurs. Il y a donc de nouveaux circuits de l’économie liés au marché de l’art qui font de
certains pays de nouveaux espaces à conquérir. C’est à ce renouvellement que nous sommes attentifs.

L’exposition solo actuelle, « La recherche du rayon vert » de l’artiste mexicain Allann Villanvicencio explore les interactions entre peinture et numérique.

Comment le monde numérique influence t-il l’art contemporain ?

Allan Villavicencio aime à juxtaposer le réel et la perception du réel. Il explore les qualités esthétiques et formelles de l’écran, et la façon dont se construisent les images numériques au travers de logiciels pour se constituer son propre langage. Les successions de calques, jeux de superpositions, distorsions, bugs informatiques, construisent ce champs visuel qu’Allan Villavicencio interroge dans le domaine de la peinture sans aucun lien avec le post internet ou au net art. Le réel, l’artificiel, le factice, le fantasmé, le surnaturel, voire une vision psychédélique peuvent être abordés dans cette exposition qui nous invite dans un fragment de paysage.

Il y a chez Allan Villavicencio comme chez beaucoup d’artistes de sa génération une interrogation et une mise à distance des outils numériques comme champs d’investigation dans l’art. Ils interrogent à leur manière ce qu’ ont apporté ces outils dans la perception, et l’utilisation de la pensée dans notre monde contemporain.

Sans utiliser directement le médium numérique, Allan Villavicencio juxtapose les temporalités pour mieux s’encrer dans son temps. Entre l’héritage et la tradition des peintures murales au Mexique et cette culture du numérique, l’artiste nous invite à faire l’expérience de l’envers du paysage.

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© Jérome Michel

Quels conseils donneriez-vous à un jeune artiste fraîchement diplômé pour percer et durer dans le marché de l’art ?

Chaque parcours est singulier. La première chose que je lui dirais serait de ne plus quitter son atelier, de mener une oeuvre sincère et sans compromis. La pauvreté de l’oeuvre ne pardonne pas. Il lui faut faire des sacrifices, et oser toujours se mettre en danger. Pas de rationnement au temps et à l’effort. Qu’il travaille ! Les acteurs du marché de l’art feront le
reste.

Maëlle Galerie : http://www.maellegalerie.com/

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© Jérome Michel