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74 ans après la tragédie, le metteur en scène Luc Saint-Eloy a décidé de sortir ce drame du silence avec une pièce de théâtre et un livre.

Cette tragédie se déroule dans un contexte particulier, la Guadeloupe est alors dirigée par le gouverneur pétainiste Constant Sorin, qui applique à la lettre dans le département  les préceptes du régime de Vichy. Ce régime musèle la société: les réunions populaires sont interdites, l’alcool est prohibé, la presse d’opposition censurée. Face à ce pouvoir autoritaire, les Guadeloupéens mènent la résistance appelée« la Dissidence ». Beaucoup de jeunes quittent leur pays natal clandestinement pour rejoindre les troupes du général de Gaulle outre-Atlantique. Ceux qui restent affrontent le pouvoir local sur place. C’est ainsi que le 30 avril 1943, une soixantaine de personnes tentent de prendre d’assaut la gendarmerie de Port-Louis. Les gendarmes et des policiers ont tiré, à balles réelles, sur des civils. Trois Port-Louisiens ont perdu la vie. Ils se nomment Auguste Gène, Abel Damas et Louis Villeroy.

C’est ce pan de l’histoire guadeloupéenne qu’a choisi de mettre en scène Luc Saint-Eloy dans sa pièce intitulée « Blessures secrètes », aidé par l’Union Populaire de Port Louis, (UPPL) qui rend hommage chaque année aux victimes de cette tragédie. « Ce projet original fait partie d’un programme théâtrale intitulé les « Ateliers du Savoir » dont l’objectif est de mettre le théâtre au service de l’histoire. Le but de ces ateliers est de faire découvrir au plus grand nombre, lors de la restitution des travaux, au travers de créations artistiques, de montages de textes et de témoignages, des pièces de théâtre, et autres formes, nos pages d’Histoire, connues ou méconnues », explique Luc Saint-Eloy. « En tant  que metteur en scène, il était important pour moi d’offrir la possibilité aux Guadeloupéens de découvrir leur histoire, de valoriser des hommes  qui se sont battus pour leurs convictions, leur dignité ».

Une tâche qui n’est pas vraiment facile comme le souligne le metteur en scène guadeloupéen. « Il est difficile de mettre en scène des faits historiques, c’est un exercice délicat. Il faut travailler avec beaucoup de sérénité sur ce type de création artistique. Cela a été très enrichissant de travailler sur ce passé contemporain car nous avons eu la chance d’interroger des témoins ». Il reconnait toutefois qu’il s’agit aussi d’un exercice salvateur pour les témoins vivants de cette tragédie. « Les faits nous ont été racontés par la fille de Louis Villeroy, encore émue et  aujourd’hui âgée de 70 ans (12 ans au moments des faits). Le projet est révélateur que cette tragédie a beaucoup marqué les esprits. Il montre que pendant que des dizaines d’années la population s’était murée dans le silence. La pièce de théâtre est une belle manière de donner la parole à ce qui est tû ou passé sous silence, d’agir comme une thérapie pour les familles de victimes », ajoute Luc Saint-Eloy.

Première et Quatrième de couverture de la pièce de théâtre « Blessures Secrètes ». Cette pièce a été joué avec 8 comédiens amateurs, tous originaires de la ville de Port-Louis :Daria Couvin, France-Lyse Galpin, Sully Gène, Paulette Horne, Josée-Lita Jalce, Max Mazeppa, Marie-France Mélina et Liliane Ramedine

Face au succès des représentations de « Blessures Secrètes », Luc Saint-Eloy a choisi de publier cette pièce de théâtre sous forme de livre. « C’est un travail de mémoire, de conscience collective qui grandit l’homme et rompt l’ignorance ». Dans cette démarche de raviver des faits oubliés, le metteur de scène ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il nous a confié réfléchir sur un autre fait historique à jouer « sur les planches »: les évènements de Mai 1967 par exemple.