Covid-19 en Outre-mer : Sale temps pour les festivals et les évènements culturels et sportifs ultramarins

Covid-19 en Outre-mer : Sale temps pour les festivals et les évènements culturels et sportifs ultramarins

Crise sanitaire oblige, plusieurs festivals et évènements culturels ultramarins d’envergure prévus cette année ont été reportés, annulés ou en passe de l’être. Un sale coup pour la filière musicale et plus généralement la culture déjà considérée comme le parent pauvre ou la variable d’ajustement des politiques publiques dans les territoires ultramarins.  – Détails –

La culture est facteur de cohésion sociale et d’un meilleur vivre-ensemble et sa force peut éclairer la politique et l’économie, mais elle est surtout « un moyen de comprendre et d’exercer la vie », comme le sous-entend Antonin Arthaud, réalisateur et metteur en scène. C’est dire aussi son importance dans les sociétés ultramarines car, sous ses aspects protéiformes, elle occupe une place essentielle dans la structuration même de l’identité des ultramarins et l’évolution de leur imaginaire.

Pourtant, en ces temps troublés, la culture n’est pas à la fête. Loin s’en faut tant l’ensemble du secteur culturel est largement impacté par les conséquences de l’épidémie du coronavirus. En effet, de nombreux festivals et évènements culturels récurrents d’envergure sont reportés, annulés ou en passe de l’être.

Une véritable Bérézina due à la crise sanitaire qui sévit depuis le début du mois de mars et qui voit, au fur et à mesure que l’on s’approche de la saison des événements culturels, des annulations ou reports s’annoncer en cascade.

La Réunion : « Sakifo Muzik Festival » reporté à septembre

Ainsi, dès fin mars, les organisateurs du « Sakifo Musik Festival », l’un des plus grands festivals de musique de la Réunion qui se tient traditionnellement fin mai, début juin à Saint-Pierre, avaient pris les devants en annonçant le report de la 17ème édition aux 11,12 et 13 septembre 2020, dans le meilleur des cas avec un changement probable de la programmation. Rappelons que l’édition 2019 du « Sakifo Musik Festival » avait accueilli des pointures internationales comme Ben Harper, Pete Doherty ou encore Morcheeba et s’apprêtait à recevoir Lucky Peterson, Fatoumata Diawara ou David Sicard.

Si le « Sakifo Musik Festival » a une petite chance de voir le jour cette année, l’édition 2020 du « Leu Tempo Festival » qui devait se dérouler du 7 au 9 mai à Saint-Leu est définitivement annulé. Les organisateurs de ce festival des arts du cirque, de la rue et du spectacle vivant donnent d’ores et déjà rendez-vous du 13 au 15 mai 2021 pour la prochaine édition.

Guadeloupe : Annulation du « Festival Terre de Blues »

Du côté du bassin atlantique où de nombreux évènements culturels ont lieu à partir de mai jusqu’à la fin du mois d’août, c’est aussi l’hécatombe. Le « Festival Terre de Blues » de Marie-Galante qui devait fêter sa 21ème édition du 29 mai au 1er juin avec comme thématique « Idantité et Transmisyon » est annulé et renvoyé à l’année prochaine à la date du 21 au 24 mai avec une programmation que les organisateurs espèrent « mémorable ».

Toujours en Guadeloupe, c’est l’expectative pour le « All Day in music festival » qui rassemble des milliers de festivaliers sur la plage des Alizées dans la ville du Moule et qui était prévu les 18 et 19 juillet. Mais sachant que les rassemblements de plus de 100 personnes pourraient être interdits jusqu’à nouvel ordre, on peut raisonnablement penser que cette manifestation a du plomb dans l’aile.

Martinique : Le festival culturel de Fort-de-France dans l’expectative

De même, en Martinique, dans la foulée de l’annulation du 36ème Tour de Martinique des yoles rondes, le plus grand évènement sportif et culturel de la Martinique, la 11ème édition du « Mercury Beach », sorte de grand raout musical sur la plage de Grande Anse aux Anses d’Arlets, devrait être annulée, selon toute vraisemblance même si la décision finale n’a pas été prise formellement.

Même incertitude pour le festival culturel de Fort-de-France qui se tient les trois premières semaines de juillet. La décision finale qui est du ressort du maire de Fort-de-France Didier Laguerre, n’est pas encore entérinée même si « tout indique que l’on sera dans l’obligation de surseoir », estime Charles-Henri Michaux, le président du Sermac, l’organisme culturel chargé de l’organisation du festival.

En revanche, d’ores et déjà le festival « Sé Ta Nou ! Jazz à la Pointe » dont la 3ème édition doit se tenir du 21 au 24 mai à la Pointe Faula dans la commune du Vauclin est reporté à une date ultérieure.

Polynésie : Pas de Heiva cette année

En Polynésie, les mois de juin, juillet et août sont synonymes de grandes festivités. Et cette année, les grands rendez-vous de l’hiver austral n’ont pas résisté à la crise sanitaire. Festival phare de la culture polynésienne, toutes les festivités du Heiva i Tahiti, que ce soit dans les domaines de la danse, du chant, du sport ou de l’artisanat, sont annulées cette année.

Un coup dur pour l’un des plus anciens festival culture au monde, qui débute dès juin avec le Heiva des écoles de danse. Outre l’impossibilité de réunir plusieurs centaines de personnes dans l’arène de To’ata à Papeete chaque soir, les groupes ne pouvaient pas assurer les répétitions qui commencent très tôt dans l’année, « gestes barrières » obligent. Le Heiva i Tahiti est tout simplement reporté à l’année prochaine.

Parmi les rendez-vous sportifs populaires aux accents culturels, le Te ‘Aito et le Super ‘Aito, mythiques courses de pirogues polynésiennes, ont été reportées à 2021. « Après trente-deux ans d’existence, nous ne pouvions pas imaginer un tel scénario », ont regretté les organisateurs. Côté beauté, l’élection Miss Tahiti, institution locale qui ouvre par ailleurs les festivités de l’été tahitien, est reportée « à une date ultérieure », vraisemblablement au « dernier trimestre 2020, afin de célébrer avec la population les 60 ans de Miss Tahiti ».

Nouvelle-Calédonie : La haute saison culturelle épargnée

En Nouvelle-Calédonie, la haute saison culturelle ayant lieu plutôt pendant l’été austral et en cohérence avec le calendrier scolaire (novembre, décembre, janvier), les grands rendez-vous culturels sont épargnés par le Covid-19. Toutefois, les Flêches de la Musique, évènement qui récompense la scène musicale calédonienne prévu le 15 mai, est reporté à une date ultérieure. De même, le Marché des femmes rurales qui devait s’ouvrir le 19 avril, a été annulé. Notons que la Foire de Bourail, événement majeur de la brousse calédonienne prévu le 14 août, est maintenue.

Hexagone : Le festival d’Avignon out

Dans l’Hexagone, le festival OFF d’Avignon, rendez-vous incontournable de l’été et l’un des plus grands rassemblements de spectacles vivants au monde programmé du 3 au 26 juillet et permettait à nombre de groupes théâtraux et d’acteurs venus des outre-mer ou résidant dans l’Hexagone, de roder leur pièce ou leur création, n’aura pas lieu.

Une première depuis 2003 et le conflit des intermittents du spectacle. La direction du festival a longtemps espéré son maintien, mais la mort dans l’âme a dû jeter l’éponge après la déclaration du président de la République, Emmanuel Macron annonçant l’interdiction des manifestations de grande ampleur avant mi-juillet, dans le meilleur des cas. Côté sport, la Vendée Va’a, course de pirogue polynésienne sur les côtes atlantiques hexagonales, a également été reporté à mai 2021.

Dans ce marasme culturel, seul le « Biguine Jazz », 18ème du nom, prévu du 14 au 16 août en Martinique, pourrait être sauvé. Cependant, rien n’est encore définitivement acquis. L’échéance restant suspendue à l’évolution de crise sanitaire et à la durée de l’interdiction de se rassembler.

Reste que si la culture permet « en temps de crise d’adoucir le quotidien », elle paie aujourd’hui un lourd tribut à cette crise si particulière. Un tribut d’autant plus lourd qu’elle a perdu un certain nombre de ses acteurs, dont la réalisatrice d’origine martiniquaise, Sarah Maldoror, pionnière du cinéma panafricain, le chanteur et batteur martiniquais, Patrick Francfort, un des membres des Gybson Brothers, la journaliste guadeloupéenne Osange Silou-Kieffer, encyclopédie du cinéma antillais et africain auxquels on peut ajouter le chanteur Aurlus Mabélé, surnommé le roi du Soukouss, ou encore Manu Dibango, qu’on ne présente plus… Il faut cependant espérer que le monde culturel et ses acteurs s’en relèveront pour « adoucir » le monde d’après.

E.B.