Covid-19 en Outre-mer : Les professionnels de santé sonnent l’alarme face au « tsunami » coronavirus

Covid-19 en Outre-mer : Les professionnels de santé sonnent l’alarme face au « tsunami » coronavirus

Le CHU de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe ©AFP

L’épidémie de coronavirus n’en est qu’à ses débuts en Outre-mer, mais déjà les professionnels de santé et les politiques alertent sur une possible catastrophe sanitaire face à la progression rapide de l’épidémie dans ces territoires qui ne pourront pas transférer leurs malades vers d’autres départements.

L’inquiétude est notamment forte à La Réunion et à Mayotte, passées au stade 2 de l’épidémie mardi, alors que les autres Outre-mer sont toujours en stade 1 et l’Hexagone déjà en stade 3. La Réunion compte désormais 111 cas, souvent « importés ». Le territoire le plus peuplé d’outre-mer avec près de 860 000 habitants, peut s’appuyer sur 112 lits de réanimation.

Comme tous les Outre-mer, La Réunion est « tellement loin de tout, avec une telle pauvreté, précarité, promiscuité et avec des comorbidités si nombreuses, une population si souvent cruellement démunie, que nous pouvons nous attendre à des taux de mortalité plus élevés que ceux en métropole », affirme le docteur Kathia Cadinouche, généraliste et régulatrice au Samu, au nom d’ « un collectif informel de professionnels de terrain ».

« Nous sommes sur une île, loin de la métropole : quand nos moyens de prise en charge des cas sévères seront saturés, il n’y aura aucune possibilité de prise en charge alternative », ajoute le conseil départemental de l’ordre des médecins. Face au système hospitalier défaillant des îles voisines, Madagascar, les Comores et même Mayotte, la seule évacuation sanitaire possible devra se faire vers l’Hexagone à 10 heures d’avion.

Mayotte aussi s’attend au pire. « Ce n’est pas une vague qu’on attend, c’est un tsunami », alerte le député LR Mansour Kamardine, qui réclame un avion-cargo et le porte-hélicoptère Le Mistral avec ses 69 lits médicalisés. « Trois fois moins bien équipée que La Réunion par habitant, (…) Mayotte n’est pourvue que de 16 lits de réanimation » pour 256 000 habitants, déplore-t-il, alors que des soignants sont déjà infectés par le virus. « Je crains de m’exposer et d’exposer mes patients », avoue Saïndou Allaoui, président du Syndicat national des infirmiers libéraux. « Tout le monde a peur, on n’est pas équipés, on n’a pas les moyens nécessaires ».

Ousseni Balahachi, secrétaire général de l’UI CFDT Mayotte et infirmier à l’hôpital de Mamoudzou, appelle à un « droit de retrait » du personnel hospitalier. « En temps normal, on n’est pas assez, on n’arrive pas à s’occuper de la population. Si tout le monde est contaminé, l’hôpital va fonctionner comment ? », demande-t-il, regrettant que « le matériel arrive au compte-goutte ». Pour l’heure, l’île compte 35 cas.

Une « vague de quelle hauteur »

La Martinique et La Guadeloupe, aux populations majoritairement âgées, déplorent chacune leur premier mort du Covid-19. La Guadeloupe, compte pour l’heure 73 cas avérés, dont 7 en réanimation et dispose d’une grosse cinquantaine de lits de réanimation. « On attend une vague, c’est sûr, mais on ne sait pas de quelle hauteur », explique le professeur Michel Carles, chef de service de réanimation du CHU de Guadeloupe, lui-même testé positif, avec le directeur général du CHU.

Pour Delphine Roux, infirmière libérale à Sainte-Anne, « l’anxiété monte. (…). Nous n’avons plus de masque FF2P, plus de surblouses, (…) J’ai mis en place un rituel plus rigoureux que d’habitude quand je rentre chez moi : je désinfecte ma voiture, je me douche immédiatement, je demande à mes enfants de ne pas me toucher, etc.… ».

En Martinique, où 57 cas sont enregistrés, « la situation sanitaire était déjà tendue avant l’arrivée du Covid-19, ce qui la rend d’autant plus démunie face à la prise en charge des cas graves », car « le nombre de lits en soin de réanimation est bien inférieur à la moyenne nationale », affirme un collectif du personnel hospitalier. Plusieurs médecins réclament la venue de médecins cubains.

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La Guyane, qui compte actuellement 27 cas, dispose de 11 à 13 lits de réanimation à l’hôpital de Cayenne, selon le syndicat UTG santé, le double, selon des sources hospitalières, pour 290 000 habitants. De plus, il a « une pénurie chronique de professionnels de santé », témoigne une soignante, sous anonymat. « Nombreux médecins spécialistes exercent sur le territoire par un système de vacations. Insuffisants en temps normal, nous déplorons leur désistement pour les semaines à venir ».

Si la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie cumulent respectivement 25 et 14 cas, l’inquiétude est la même. En Polynésie, seuls 30 lits sont disponibles réanimation pour 280 000 habitants, et uniquement sur l’île de Tahiti. L’éclatement du territoire sur une surface aussi vaste que l’Europe complique la prise en charge des habitants des îles éloignées. Le ministre local de la Santé estime également que la population, sujette aux maladies chroniques telles que le diabète ou le cancer, est fragile.

Rappel du nombre de cas Outre-mer : 

  • Guadeloupe : 73 cas, un décès
  • La Réunion : 111 cas
  • Martinique : 57 cas, un décès
  • Guyane : 27 cas
  • Saint-Martin / Saint-Barthélémy : 9 cas
  • Polynésie : 25 cas
  • Mayotte : 35 cas
  • Nouvelle-Calédonie : 14 cas