Chlordécone aux Antilles: Emmanuel Macron « l’Etat doit prendre sa part de responsabilité dans cette pollution et avancer sur le chemin des réparations »

Chlordécone aux Antilles: Emmanuel Macron « l’Etat doit prendre sa part de responsabilité dans cette pollution et avancer sur le chemin des réparations »

© Préfecture de Martinique

Lors de sa première journée de sa visite officielle en Martinique, le Président de la République Emmanuel Macron a reconnu que la pollution des sols antillais par le pesticide du chlordécone est « un scandale environnemental (…) fruit d’un aveuglement collectif ».

Après avoir visité une exploitation bananier au Gros-Morne, le Président de la République s’est exprimé sur le dossier sensible du chlordécone, un pesticide interdit dès 1977 aux Etats-Unis et en France en 1990 mais utilisé aux Antilles jusqu’en 1993 par dérogation pour lutter contre le charançon du bananier.

« Pendant des années voire des décennies, nous avons choisi collectivement de continuer à utiliser le chlordécone, là où d’autres pays avaient cessé beaucoup plus tôt. Etat, élus locaux et acteurs économiques ont accepté cette situation pour ne pas dire accompagner en considérant qu’arrêter le chlordécone reviendrait à menacer les exploitations agricoles en Martinique en Guadeloupe » a souligné Emmanuel Macron ajoutant que « l’Etat doit prendre sa part de responsabilité dans cette pollution et doit avancer sur le chemin des réparations».

Pour la première fois, le chef de l’Etat prend ainsi position sur ce sujet tant décrié. Jusqu’ici, le gouvernement restait prudent et modéré, à l’instar de la Ministre des Outre-mer Annick Girardin et la Ministre de la Santé Agnès Buzin.

Toutefois, si Emmanuel Macron reconnait « une certaine responsabilité de l’Etat », la question de l’indemnisation de ce préjudice – comme le réclament certaines associations écologiques – n’est pas pour l’heure à l’ordre du jour. « Si je disais qu’on va indemniser tout le monde, c’est impossible même budgétairement et ce serait irresponsable », a déclaré le président.

Emmanuel Macron s’est aussi refusé à reconnaître le lien de cause à effet entre l’exposition au chlordécone et l’explosion du nombre de cancers de la prostate en Guadeloupe et en Martinique. « Il n’y a pas aujourd’hui de preuve scientifique établie », a-t-il assuré. A ce sujet, un colloque sur l’état d’avancement des recherches sur la chlordécone aura lieu du 16 au 19 octobre en Martinique et Guadeloupe.

Une première avancée a été faite en faveur des ouvriers agricoles. L’exposition à ce pesticide va être reconnue comme une maladie professionnelle. « J’ai demandé que les tableaux des maladies professionnelles soient réactualisés en fonction des connaissances scientifiques en priorisant l’impact de la molécule du chlordécone. La procédure d’ouverture au registre des maladies professionnelles par le gouvernement sera engagée dès le 2 octobre pour le régime générale des maladies professionnelles et dès le 9 octobre pour le régime agricole ». l’Inserm et l’Anses devront rendre d’ici à mars 2019 un rapport permettant de dire à partir de quel niveau d’exposition les ouvriers agricoles qui furent employés dans les bananeraies pourront être pris en charge et indemnisés. Ensuite, les partenaires sociaux devront s’accorder sur les modalités et notamment le niveau de cette prise en charge.

Par ailleurs, le chef de l’Etat a annoncé une augmentation du plan chlordécone à hauteur de 3 millions d’euros d’ici à 2020 contre 2,1 millions d’euros actuellement.
Les effets néfastes du produit ont été dénoncés par des lanceurs d’alerte dans les années 2000, qui ont conduit à la mise en place de trois plans successifs de prévention, depuis 2008. Le dernier plan court de 2014 à 2020 (30 millions d’euros investis). Selon les résultats d’une étude de l’agence Santé publique France rendus publics en janvier, « plus de 90% de la population adulte » en Guadeloupe et Martinique, soit « la quasi totalité », est contaminée par le chlordécone.