Centenaire de l’Armistice : Les héros ultramarins qui ont marqué la Grande Guerre

Centenaire de l’Armistice : Les héros ultramarins qui ont marqué la Grande Guerre

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, des milliers de citoyens des « vieilles colonies » (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion) répondent à l’ordre de mobilisation, prêts à rejoindre une terre qu’ils n’ont jamais foulée. Dans l’océan Pacifique, les volontaires en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie (alors établissements français d’Océanie à l’époque) sont également nombreux pour défendre la Patrie. Certains d’entre eux, par leur acte de bravoure, vont recevoir les honneurs de l’administration militaire.

A l’occasion du centenaire de l’Armistice de 1918, Outremers 360 vous propose de découvrir ou redécouvrir ces soldats ultramarins qui ont combattus pour la France tout en mettant à l’honneur leurs territoires d’origine.

Le commandant Camille Mortenol (1859-1930) – Guadeloupe

Camille Mortenol est né à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe le 29 novembre 1859. Son père a été affranchi en 1847 et sa mère est aussi une ancienne esclave. Très bon élève, il est remarqué par Victor Schœlcher qui le guide vers le lycée Montaigne à Bordeaux. Après la réussite au baccalauréat en 1877, il prépare le concours de l’École Polytechnique et devient le premier noir à intégrer cette grande école. Reçu 19e sur 209 en 1880, Camille Mortenol choisit d’intégrer la Marine Nationale

Etape après étape, Camille Mortenel gravit les échelons de la Marine Nationale. Il sillonne les mers et océans où bat le pavillon français. Il signe son premier fait d’armes lors de la conquête de Madagascar en en 1894. Camille Mortenol est remarqué par le Général Galliéni. En 1914, à Brest, il est capitaine de vaisseau, soit le plus haut grade de la marine avant celui d’amiral. Lors de la Première guerre mondiale en 1915, Camille Mortenol est appelé par le général Gallieni qui a en charge la défense de Paris. Le Général Galliéni lui confie la défense antiaérienne de Paris contre les attaques menées par les dirigeables et avions allemands. Le Guadeloupéen met en place dans la capitale un dispositif de renseignements et d’alertes très efface (postes de guet, les escadrilles, les projecteurs et les canons antiaériens.) qui finit par décourager les Allemands.

En 1921, Mortenol qui était alors capitaine de vaisseau en retraite et colonel d’artillerie, est fait commandeur de la Légion d’honneur avec la mention suivante « Officier supérieur du plus grand mérite, à son poste jour et nuit pour veiller sur Paris, assure ses fonctions avec un rare dévouement et une compétence éclairée ».Il meurt à Paris le 22 décembre 1930.

Grace à un système d'alerte très sophistiqué, le Guadeloupéen empêcha les Allemands d'attaquer par Paris

Grace à un système d’alerte très sophistiqué, le Guadeloupéen empêcha les Allemands d’attaquer par Paris

Saiaeng Wahena (1887-1918) – Nouvelle-Calédonie

D’origine kanak, Saiaeng Wahena est né sur l’île de Lifou en 1887. Il combattit durant la Première Guerre mondiale, au sein du bataillon mixte du Pacifique (BMP). Créé en 1916 et dissous en 1919, ce bataillon d’infanterie rassemble plus d’un millier de tirailleurs originaires de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie.

Indigène, Saiaeng Wahena n’était pas soumis aux obligations militaires. Pourtant, il s’engage sur le front. Débarqué à Marseille, le soldat kanak découvre le froid mordant d’Europe de l’ouest mais surtout fait face à la violence de la guerre des tranchées.

C’est lors d’un assaut nocturne, en plein marécage, que Saiaeng Wahena meurt à l’âge de 31 ans, devant le village de Vesles-et-Caumont, au nord-est de Laon, le 26 octobre 1918. Dix Tahitiens et trente-sept Néo-Calédoniens du 1er bataillon du Pacifique perdent aussi la vie dans l’assaut victorieux qui permet de reprendre le village aux Allemands, deux semaines avant l’Armistice du 11 novembre 1918. Le 13 juillet 2006, son corps est rendu à sa famille. Au cours d’une cérémonie officielle, à laquelle assistait plus d’une centaine de personnes de sa tribu, Saiaeng Wahena fut décoré à titre posthume de la Croix de guerre par le ministre délégué aux Anciens Combattants.

Roland Garros (1888-1918) – La Réunion

Né à la Réunion le 6 octobre 1888, dans la famille d’un avocat, il a passé son enfance en Cochinchine avec ses parents avant d’être envoyé au collège en métropole.
Fasciné par la mécanique, il fonde une entreprise de voitures avant de découvrir l’aviation en 1909, l’année où Louis Blériot traverse la Manche. Il en fait son métier, d’abord en intégrant une équipe d’aviateurs qui fait des exhibitions à travers les États-Unis, puis en multipliant les meetings, les premières, et les compétitions devant des foules enthousiastes, atteignant parfois 100 000 personnes en France, en Europe, mais aussi en Amérique du Sud où il laisse une marque durable.

Né à la Réunion et n’ayant pas fait de service militaire, Roland Garros n’est pas mobilisable. Il s’engage toutefois dès le 2 août 1914 comme pilote. Roland Garros, habile mécanicien, met donc au point avec son ami Raymond Saulnier, ingénieur aéronautique, un dispositif qui permet de tirer à la mitrailleuse à travers le champ de l’hélice ! Le dispositif, au point dès janvier 1915, va révolutionner l’aviation militaire. Il sera copié par les Allemands et amélioré par le constructeur Anthony Fokker qui synchronisera la mitrailleuse avec l’hélice.

En attendant, le jeune inventeur sert comme pilote de chasse. Il remporte des victoires mais s’écrase au sol. Prisonnier, il ne réussit à s’évader qu’en février 1918. En dépit de son état de santé et d’une forte myopie aggravée durant sa captivité, il reprend le combat et meurt le 28 octobre 1918, au-dessus de Vouziers dans les Ardennes ; son avion est abattu par un Fokker allemand. Il recevra un hommage national.

Roland Garros met au point un dispositif qui permet de tirer à la mitrailleuse à travers le champ de l'hélice

Roland Garros mit au point un dispositif qui permet de tirer à la mitrailleuse à travers le champ de l’hélice

Gustave Létard (1892-1963) – Guyane

Né le 30 avril 1892 à Sinnamary, en Guyane française. Gustave Létard est mobilisé en 1915, à l’âge de 23 ans. Enrôlé dans le 4eme régiment des Zouaves, la chance lui souri. Il est choisi comme aide de camp, intendant de guerre, par un jeune lieutenant de 26 ans. Un poste qui permettra de

Mais la mort de son lieutenant tombé sous une rafale d’unee mitrailleuse ennemie conduit Gustave Létard à se retrouver dans les tranchées de la Somme. Il résista un mois ou plus, pieds dans la boue glacée, le haut du corps mouillé ou humide en permanence, toux persistante, aucune possibilité de se nettoyer ou de se changer de vêtements. C’est en 1916, suite à cette affectation dans les tranchées, il fit une pneumonie aiguë qui nécessita son évacuation urgente vers l’arrière. Il avait perdu connaissance. Quand il retrouva ses esprits, il a appris son rapatriement puis son départ sanitaire vers la Guyane.

Le sort en décida autrement. Le bateau suivant sur lequel voyageait l’infirmière de la Croix-Rouge, qui avait son dossier militaire, fut torpillé au large des Açores. Dans ce dossier, perdu lors du naufrage, se trouvait paraît-il, son ordre de démobilisation. Le soldat Gustave Létard se retrouva, sans dossier militaire, en Guyane, à Loubère, apparemment guéri.

Les dirigeants militaires de Guyane le jugeant aptes, le rembarqua pour le front, début 1917, en plein hiver. Les coloniaux, comme ils étaient appelés, furent envoyés vers le nouveau front oriental sud, Grèce, Turquie (les Dardanelles).

Il se retrouva, à partir de mars 1917, canonnier au sein du 78eme régiment d’artillerie lourde, dont la mission consistait à servir d’imposants canons qu’ils tractaient sur voie ferrée. Ils étaient au moins dix hommes autour de l’engin meurtrier, par ailleurs très vulnérable pour les tirs ennemis.

C’est à Dardanelles, confia-t-il à sa fille, qu’il vit sauter 10 hommes et leur canon en éclat, à peine à une vingtaine de mètres du leur, victimes d’un obus ennemi. C’est là qu’il dénombra le plus de cadavres autour de lui. « Dieu a voulu que je sorte vivant mais j’ai connu à cet endroit le pire moment de mon existence. Je n’y croyais plus !!! ». Il était sur le front oriental quand l’Armistice fut signé le 11 novembre 1918. Son convoi de « contingent créole » ne fit route vers la Guyane qu’au printemps 1919, pour arriver à Cayenne le 29 mai 1919.

Installé comme agriculteur à Brigandin, sur la commune de Sinnamary, il s’intéressera dès 1924, à la politique de sa commune, à Sinnamary, où il fut Maire à plusieurs reprises, et conseiller général jusqu’à sa mort, à 70 ans, le 5 janvier 1963

Pierre Réjon (1895-1917) – Martinique

Pierre Réjon est né, en 1895 à La Trinité (Martinique). Alors qu’il avait été admis comme élève ingénieur à l’École des Arts et Métiers à Paris et qu’il venait de fêter ses 19 ans, il s’est engagé le 22 août 1914 au 33e régiment d’infanterie.En juillet 1917, il devient élève pilote, dans le sillage de l’Afro-Américain Eugene Bullard, (breveté en mai 1917) et de son compatriote martiniquais André Parsemain.

Pierre Réjon est breveté à son tour le 26 septembre 1917 à Istres, devenant ainsi l’un des quatre premiers pilotes militaires afro-descendants de l’histoire.Stagiaire à Avord, près de Bourges (Cher) en octobre-novembre 1917, il devient pilote de chasse fin décembre 1917.

Affecté à l’escadrille N 160, puis N 84, où il vole sur Nieuport, il rejoint l’escadrille des Coqs, la SPA 62 en juin 1918, où il vole sur un Spad VII qu’il avait baptisé, pour se donner du courage et pour que le chance reste de son côté, Zaza, du nom de sa petite soeur Isadie Réjon, qu’il adorait.Pierre Réjon a touché 11 avions allemands et en a abattu quatre en combat aérien.

Voici la citation à l’ordre de l’armée le concernant du 20 septembre 1918:« Pilote d’un courage à toute épreuve. Le 10 aout, au cours d’une mission à basse altitude, à 12 km dans les lignes ennemies, a engagé un combat très dur contre des adversaires supérieurs en nombre et abattu un avion allemand ».

Le sergent Pierre Réjon a été décoré de la médaille militaire et de la croix de guerre. Démobilisé, il se tua en en Guyane, à 25 ans, dans un accident d’avion.

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Pierre Bernière (1897-1915) – Polynésie française

Né en 1897 à Paea sur l’île de Tahiti, Pierre Bernière est, pour les « Poilus tahitiens », le prototype du héros sans peur et sans reproche. Âgé de 17 ans lorsque la guerre éclate, il fait alors ses études en France en qualité de boursier de la colonie. Il s’engage au 21e régiment d’infanterie coloniale, devient caporal puis sergent. Blessé au combat, il gagne par son courage citations, croix de guerre et médaille militaire.

Le journal officiel des établissements français d’Océanie (E.F.O) le met à l’honneur et le présente comme un exemple à la jeunesse polynésienne. Il meurt en Champagne, le 25 septembre 1915.

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